PÉKIN : Leur mobilisation a payé: des clients de banques chinoises, empêchés de retirer leur argent, vont pouvoir en récupérer une partie dès vendredi selon les régulateurs, après une manifestation tendue ce week-end entre épargnants et autorités.
Le secteur bancaire dans les zones rurales en Chine est durement touché par la politique du gouvernement central visant à contenir la bulle immobilière et l'endettement dans la deuxième économie mondiale.
Fragilisées par le ralentissement économique, quatre banques ultra-locales de la province du Henan (centre) ont ainsi suspendu depuis la mi-avril tout retrait d'argent.
La décision a pris au dépourvu des milliers d'épargnants et entraîne depuis des manifestations sporadiques.
L'une des plus importantes a réuni dimanche des centaines de personnes devant une antenne locale de la banque centrale chinoise à Zhengzhou, la capitale du Henan, située à environ 600 kilomètres au sud-ouest de Pékin.
Les épargnants demandaient à récupérer leur argent et accusaient notamment les autorités d'inaction, voire de collusion avec ces banques.
Des manifestants ont été forcés de monter dans des bus de la police et certains ont été battus par des individus non identifiés, selon des témoins et des photos diffusées sur les médias sociaux et vérifiées par l'AFP.
Certains déposants vont pouvoir récupérer leur argent, a indiqué lundi soir l'autorité provinciale de réglementation des banques et des assurances du Henan.
«Criminelles»
Les clients dont les dépôts sont inférieurs à 50 000 yuans (7 400 euros) seront remboursés à partir de vendredi, a indiqué le régulateur, soulignant que les modalités de remboursement des autres épargnants seront annoncées ultérieurement.
"Les fonds liés à des (activités) illégales ou criminelles ne seront pour le moment pas remboursés", ajoute le communiqué.
Dimanche, la police avait annoncé l'arrestation de personnes appartenant selon elle à une organisation criminelle, qu'elle accuse de contrôler depuis 2011 plusieurs banques locales et d'effectuer des virements illégaux par le biais de prêts fictifs.
Les internautes sur le réseau social Weibo, baromètre de l'opinion publique en Chine, avaient pris fait et cause pour les manifestants, se demandant notamment comment de l'argent placé sur un compte courant pouvait être gelé.
La plupart des épargnants lésés se montraient toutefois sceptiques mardi face à l'annonce du régulateur, selon des conversations de groupe sur le réseau social WeChat vues par l'AFP.
"Les gens qui ont plus de 50 000 yuans vont devoir continuer à attendre sans fin", écrivait notamment l'un d'eux.
Ces banques du Henan font partie d'un ensemble plus vaste de petits établissements bancaires touchés par des problèmes de liquidité et de gestion.
Pass sanitaire
Les autorités de la province de l'Anhui (est) ont ainsi également annoncé lundi des remboursements de dépôts de certains clients d'une banque locale, après un tollé et des articles de presse faisant état, là encore, d'un gel des retraits.
Les manifestations en Chine sont peu fréquentes, dans un pays où le maintien de la stabilité sociale est érigé en dogme.
Certains Chinois n'hésitent cependant pas à descendre dans la rue, malgré le risque d'arrestation et de poursuites. La police tolère généralement mieux les manifestations à caractère économique et financier que celles liées à la politique.
Le mois dernier, les autorités du Henan se sont retrouvées sous le feu des critiques après une manipulation supposée de pass sanitaires pour empêcher la venue d'épargnants lésés sur les lieux de manifestations.
Le pass sanitaire est exigé en Chine pour accéder à l'immense majorité des immeubles, centres commerciaux, lieux publics mais aussi certains transports.
"Malgré la petite taille des actifs concernés" dans l'affaire du Henan, "les répercussions sociales de l'incident pourrait être importantes s'il n'est pas traité de manière appropriée", observe la banque ANZ dans une note.
"Il pourrait également déclencher un nouveau cycle de renforcement de la réglementation" mais "il est peu probable qu'il y ait des retombées sur le secteur bancaire au sens large", a-t-elle estimé.