KASHIHARA: Le Japon était sous le choc samedi, au lendemain de l'assassinat de son ancien Premier ministre Shinzo Abe, dont le corps était acheminé vers Tokyo depuis l'ouest du pays où il a été victime d'une attaque par balles.
L'assassinat de l'un des hommes politiques les plus connus de l'archipel, qu'il a gouverné pendant plus de huit ans, a profondément meurtri et ému au Japon comme à l'étranger.
L'auteur présumé de l'attaque, arrêté sur les lieux, a avoué avoir délibérément visé M. Abe, expliquant à la police en vouloir à une organisation à laquelle il croyait que celui-ci était affilié. Certains médias japonais ont évoqué un groupe religieux.
Cet homme de 41 ans, un ancien membre de la Force d'autodéfense maritime (la marine japonaise) selon les médias locaux, a d'après la police utilisé une arme "d'apparence artisanale", sur laquelle des analyses complémentaires étaient en cours.
Au moment de l'attaque, M. Abe faisait campagne à Nara (ouest) pour le scrutin sénatorial de dimanche, et le Premier ministre Fumio Kishida a annoncé vendredi que les préparatifs pour les élections, "fondement de la démocratie", se poursuivraient normalement.
La veuve de Shinzo Abe, Akie, a pris place samedi à 06H00 locales (21H00 GMT vendredi) dans un corbillard qui selon les médias transportait le corps de l'ancien Premier ministre, et a quitté l'hôpital de Kashihara, près de Nara, où il a été pris en charge après l'attaque.
Atteint de deux balles au cou, il a été déclaré mort quelques heures après malgré les efforts déployés par une équipe de vingt médecins.
«Acte barbare»
La mort de Shinzo Abe a bouleversé au Japon, où M. Kishida, dont il était le mentor, a dénoncé un "acte barbare" et "impardonnable".
L'assassinat a été condamné dans le monde entier, le président américain Joe Biden se disant "stupéfait, choqué et profondément attristé" et le dirigeant français Emmanuel Macron rendant hommage à "un grand Premier ministre, qui dédia sa vie à son pays et œuvra à l’équilibre du monde".
La Chine et la Corée du Sud, avec lesquelles le Japon entretient des relations souvent houleuses, ont également exprimé leurs condoléances, condamnant l'attaque et rendant hommage à l'ancien dirigeant nippon.
De nombreuses personnes sont allées se recueillir sur les lieux de l'attaque. "Je ne pouvais pas rester sans rien faire", a confié à l'AFP Sachie Nagafuji, 54 ans, venue avec son fils déposer des fleurs vendredi soir, ajoutant: "Je le respectais vraiment et j'avais confiance en lui en tant qu'homme politique".
Shinzo Abe, héritier d'une dynastie politique, détient le record de longévité au poste de Premier ministre au Japon, qu'il a occupé en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020.
A la fois nationaliste et pragmatique, il a marqué les esprits avec sa politique économique audacieuse surnommée les "Abenomics", combinant des relances budgétaires massives avec une politique monétaire ultra-accommodante.
M. Abe prônait aussi un Japon décomplexé de son passé militariste, et rêvait de réviser la Constitution pacifiste japonaise de 1947, écrite par les occupants américains et jamais amendée depuis.
Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé, mais était resté très influent au sein du Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste) qu'il avait dirigé.
Stricte réglementation des armes
Des responsables locaux du PLD ont précisé n'avoir reçu aucune menace avant l'attaque, dont les images ont tourné en boucle sur les chaînes de télévision.
On y voit l'ex-chef du gouvernement debout sur un podium, quand une forte détonation retentit, suivie d'un dégagement de fumée. Les spectateurs, surpris, se baissent, et on aperçoit plusieurs personnes en plaquer une autre à terre.
"Le premier tir a fait le bruit d'un jouet", a témoigné une jeune femme sur la chaîne publique NHK. Shinzo Abe "n'est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir une étincelle et de la fumée", a-t-elle ajouté. Après le deuxième tir, des gens ont entouré la victime tombée sur le sol "et lui ont fait un massage cardiaque".
Un service de sécurité était présent, mais il était facile pour les spectateurs d'approcher M. Abe.
Le Japon dispose, en effet, d'une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu et le nombre de personnes tuées par balles dans ce pays de 125 millions d'habitants est extrêmement faible.
L'obtention d'un permis de port d'armes est un processus long et compliqué : il faut d'abord obtenir une recommandation d'une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.