Un an après l'assassinat du président haïtien, l'enquête dans une impasse

A Port-au-Prince, pas moins de cinq juges d'instruction successifs ont déjà été chargés du dossier et aucun n'a encore formellement inculpé la quarantaine de personnes emprisonnées (Photi, AFP).
A Port-au-Prince, pas moins de cinq juges d'instruction successifs ont déjà été chargés du dossier et aucun n'a encore formellement inculpé la quarantaine de personnes emprisonnées (Photi, AFP).
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Publié le Jeudi 07 juillet 2022

Un an après l'assassinat du président haïtien, l'enquête dans une impasse

  • Le 7 juillet 2021 à l'aube, Haïti apprenait avec stupeur que son président Jovenel Moïse venait d'être assassiné dans sa chambre par un commando armé
  • La possible implication du Premier ministre est venue encore enrayer l'enquête

PORT-AU-PRINCE: Le 7 juillet 2021 à l'aube, Haïti apprenait avec stupeur que son président Jovenel Moïse venait d'être assassiné dans sa chambre par un commando armé. Un an après, les enquêtes piétinent, commanditaires et mobile restent inconnus et le climat politique est délétère. 

Ce jour-là, les assaillants semblent être entrés avec facilité dans la résidence du président. Quelques heures plus tard, la police haïtienne avait fait montre d'une rapidité exceptionnelle en arrêtant une vingtaine d'individus dont 18 anciens militaires colombiens. 

Ce fait d'armes n'a, pour l'heure, été suivi que de très lentes procédures judiciaires en Haïti et aux Etats-Unis. La présidence est depuis vacante, et aucune date n'est en vue pour un scrutin qui permettrait de nommer un successeur. 

A Port-au-Prince, pas moins de cinq juges d'instruction successifs ont déjà été chargés du dossier et aucun n'a encore formellement inculpé la quarantaine de personnes emprisonnées, dont les citoyens colombiens présumés membres du commando. 

Face au « manque de progrès tangibles », le bureau des Nations unies en Haïti a appelé jeudi à ce que « les moyens nécessaires » soient déployés afin que les responsables de l'assassinat « soient, dans les délais les plus brefs, traduits devant la justice ». 

Tristement réputée pour sa lenteur, la justice haïtienne est plus que jamais à la dérive dans la capitale: depuis un mois, les locaux du parquet de Port-au-Prince sont occupés par l'un des nombreux gangs qui contrôlent des pans entiers du territoire et multiplient les enlèvements crapuleux dans l'un des pays les plus pauvres du continent américain. 

Premier ministre cité 

La possible implication du Premier ministre est venue encore enrayer l'enquête. 

Nommé seulement deux jours avant l'assassinat du président, Ariel Henry est suspecté d'avoir eu des conversations téléphoniques avec l'un des principaux suspects quelques heures après l'attentat. 

Invité par le procureur à s'expliquer, le chef du gouvernement ne s'est pas présenté, qualifiant la démarche de »diversion ». Il a ensuite limogé le magistrat et nommé un nouveau ministre de la Justice. 

Cette zone d'ombre a poussé la veuve du président, Martine Moïse, grièvement blessée lors de l'attaque, à sèchement repousser l'invitation aux hommages officiels à son défunt mari, organisés par un « chef du gouvernement (qui) fait l'objet de présomptions graves d'assassinat sur le président de la République ». 

Jeudi matin, c'est une brève cérémonie qui s'est tenue au coeur du jardin du musée du Panthéon national, dans la capitale. 

« Malgré sa faiblesse, la justice doit continuer à faire le maximum pour traquer les coupables, les traduire devant leurs juges et leur infliger des peines exemplaires et dissuasives », a affirmé Ariel Henry devant un parterre de responsables et de diplomates étrangers. 

« La mort du président doit être le dernier acte d’une période d'ignominie et d'intolérance », a-t-il ajouté. 

Ce meurtre n'a fait qu'aggraver la déjà profonde crise politique haïtienne. 

Le Parlement n'est pas fonctionnel depuis deux ans, Jovenel Moïse n'ayant organisé aucune élection depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Et, privé de chef d'Etat, le pays s'est retrouvé avec un pouvoir judiciaire tout aussi défaillant, faute de juges nommés à la Cour de cassation. 

Preuves classifiées aux Etats-Unis 

Faute de confiance dans les institutions de Port-au-Prince, nombre d'Haïtiens tournent leur regard vers la justice américaine, qui a déjà inculpé trois suspects à Miami. 

La police judiciaire haïtienne a elle-même établi, dans son rapport d'enquête, que le complot contre le président avait été fomenté en Floride et les mercenaires colombiens recrutés par une société de sécurité basée à Miami. 

En janvier, deux premiers suspects ont été inculpés en Floride: Mario Palacios, un ressortissant colombien suspecté d'être l'un des cinq hommes armés qui sont entrés dans la chambre où a été tué le dirigeant, et Rodolphe Jaar, un citoyen haïtiano-chilien. 

S'est ajoutée une troisième inculpation en juin, celle de l'ex-sénateur haïtien John Joël Joseph, pour complicité de meurtre. 

Un quatrième membre présumé de l'attaque avait été arrêté à l'aéroport d'Istanbul en novembre, mais la justice turque a rejeté lundi la demande d'extradition formulée par Haïti et ordonné sa libération. 

Et les espoirs nés de l'avancée de la procédure judiciaire à Miami ont été douchés en avril quand un juge américain a décidé de classer sous le sceau du secret certaines preuves et auditions. 

La mesure a été prise car figurent parmi les suspects deux anciens informateurs de l'agence anti-drogue américaine DEA et un ancien informateur du FBI. 

« Nous ne voyons pas d'un bon œil le fait que les Etats-Unis se donnent cette possibilité de protéger certaines informations », note une source judiciaire haïtienne. « Tout un pan de cette histoire restera inconnu ». 


Volker Turk préoccupé par les mesures «draconiennes» contre les manifestants dans les universités américaines

Des étudiants manifestent sur leur lieu de campement, devant l’entrée du Hamilton Hall, à l’université de Columbia, à New York, le 30 avril 2024. (Reuters)
Des étudiants manifestent sur leur lieu de campement, devant l’entrée du Hamilton Hall, à l’université de Columbia, à New York, le 30 avril 2024. (Reuters)
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  • Des manifestations propalestiniennes se sont propagées dans les universités du Texas, de New York et de la Californie, entre autres régions des États-Unis
  • Les étudiants protestent contre les pertes humaines à Gaza et appellent à un cessez-le-feu

NEW YORK: Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a déclaré, mardi, être préoccupé par «une série de mesures draconiennes» prises par les autorités éducatives et les forces de l’ordre pour disperser les manifestations dans les universités aux États-Unis

Volker Turk déclare: «La liberté d’expression et le droit de se réunir pacifiquement sont fondamentaux pour la société, en particulier lorsqu’il existe de profonds désaccords sur des questions majeures, comme c’est le cas dans le cadre du conflit entre le territoire palestinien occupé et Israël.» 

Des manifestations propalestiniennes se sont propagées dans les universités du Texas, de New York, d’Atlanta, de l’Utah, de la Virginie, du New Jersey, de la Californie et d’autres régions des États-Unis, alors que les étudiants protestent contre les pertes humaines à Gaza, appellent à un cessez-le-feu et exigent que les autorités de leurs universités retirent les investissements des entreprises impliquées dans l’attaque militaire israélienne contre Gaza. 

Bien que largement pacifiques, les manifestations ont été dispersées ou démantelées à certains endroits par les forces de sécurité. Des centaines d’étudiants et d’enseignants ont été arrêtés. Par ailleurs, certains font face à des accusations ou à des sanctions académiques. 

M. Turk se dit préoccupé par certaines réponses disproportionnées des autorités chargées de l’application de la loi dans plusieurs universités, appelant à ce que de telles actions soient minutieusement réfléchies et entreprises «de manière à protéger les droits et libertés d’autrui». 

Il ajoute que toutes ces actions doivent être guidées par le droit humanitaire, tout en «favorisant un débat dynamique et en garantissant des espaces sûrs pour tous». 

Il répète que les activités et discours antisémites, antiarabes et antipalestiniens sont «totalement inacceptables, profondément troublants et répréhensibles». Cependant, le comportement des manifestants doit être évalué et traité individuellement plutôt que par des «mesures radicales qui imputent à tous les membres d’une manifestation les points de vue inacceptables de quelques-uns», ajoute M. Turk. 

«L’incitation à la violence ou à la haine fondée sur l’identité ou les points de vue, qu’elle soit réelle ou supposée, doit être fermement rejetée. Des discours aussi dangereux peuvent rapidement déboucher sur de véritables violences, comme nous en avons déjà été témoins.» 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


La police de New York déloge les manifestants pro-palestiniens de l'université Columbia

Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
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  • Des dizaines de personnes, certains portant le keffieh, ont été interpellées et placées dans des bus de la police
  • La présidence de Columbia avait commencé lundi à «suspendre» administrativement des étudiants qui refusaient de quitter le "village" de tentes

NEW YORK: La police de New York est intervenue manu militari mardi soir à l'université Columbia, épicentre de la mobilisation pro-palestinienne sur les campus américains, afin de déloger les manifestants qui se barricadaient dans un bâtiment depuis la nuit précédente.

L'ensemble des manifestants ont été évacués du campus, affirment les médias américains.

La colère étudiante américaine se propage depuis deux semaines des grandes universités de la côte Est à celles de Californie en passant par le sud et le centre, rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960.

A New York mardi soir (vers 01H30 GMT mercredi), c'est en tenue antiémeute, aidés d'un véhicule d'intervention avec échelle, que des dizaines, voire des centaines de policiers, sont entrés sur le campus.

Des agents casqués, grimpant sur l'échelle, sont ensuite entrés via une fenêtre dans le bâtiment occupé.

Des dizaines de personnes, certains portant le keffieh, ont été interpellées et placées dans des bus de la police, a constaté l'AFP. A l'extérieur du campus, la foule criait "Palestine libre!".

"Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix", a écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le périmètre de cet établissement privé de Manhattan.

Jusqu'au 17 mai

Depuis deux semaines, elle et de nombreux autres dirigeants d'universités à travers le pays font face à des manifestants, parfois quelques dizaines seulement, qui occupent leur campus pour s'opposer à la guerre menée par Israël à Gaza contre le Hamas.

Dans sa lettre à la police de New York, Mme Shafik demande aux forces de l'ordre de "maintenir une présence sur le campus au moins jusqu'au 17 mai, afin de maintenir l'ordre et de s'assurer qu'aucun campement ne soit établi." La cérémonie de remise des diplômes est prévue le 15 mai.

Dans la nuit de lundi à mardi, quelques dizaines de protestataires se sont barricadés dans un bâtiment, Hamilton Hall. Le bâtiment a été renommé "Hind's Hall" par le groupe pro-palestinien "Columbia University Apartheid Divest", en hommage à une fillette de six ans tuée à Gaza.

Sur leur compte Instagram, ce groupe a dénoncé une "invasion" du campus.

La présidence de Columbia avait commencé lundi à "suspendre" administrativement des étudiants qui refusaient de quitter le "village" de tentes.

«Chaos»

A six mois de la présidentielle dans un pays polarisé, ce mouvement estudiantin a fait vivement réagir le monde politique.

Joe Biden "doit faire quelque chose" contre ces "agitateurs payés", a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. "Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui", a-t-il ajouté.

"Alors que l'université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu'il a peur de s'attaquer au sujet", a écrit sur X le chef républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson dans la soirée. Il réclame depuis longtemps le départ de sa présidente, Minouche Shafik.

"Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche" et ne représente "pas un exemple de manifestation pacifique", avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale du président démocrate Joe Biden.

Les manifestants pro-palestiniens exigent eux que leurs universités coupent les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël.

Columbia refuse.

Mais un autre campus d'élite du nord-est, Brown University à Providence dans le Rhode Island, a annoncé un accord avec les étudiants: démantèlement du campement contre un vote de l'université en octobre sur d'éventuels "désinvestissements de +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+".

«Rétablir l'ordre»

A travers les Etats-Unis, les images de forces de l'ordre en tenue anti-émeute intervenant brutalement sur des campus ont fait le tour du monde. Depuis le week-end dernier, des centaines d'étudiants, enseignants, militants d'une vingtaine d'universités ont été interpellés, certains arrêtés en placés en détention.

A l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, un groupe d'étudiants a revendiqué avoir hissé un drapeau palestinien au centre du campus, avant que la police ne remette en place les couleurs des Etats-Unis, selon la presse.

Ces nouvelles manifestations pro-palestiniennes aux Etats-Unis ont ravivé le débat électrique depuis octobre entre liberté d'expression et accusations d'antisémitisme.

Le pays compte le plus grand nombre de juifs dans le monde après Israël, et des millions d'Américains arabo-musulmans.

La guerre dans la bande de Gaza a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien qui a entraîné le massacre de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste palestinien et sa vaste opération militaire à Gaza a fait 34.535 morts, majoritairement des civils, selon le Hamas.


La Chine affirme que le Hamas et le Fatah ont mené des discussions à Pékin

Des drapeaux du parti politique palestinien Fatah et une affiche de son futur dirigeant Yasser Arafat sont représentés placés dans les débris d'un bâtiment détruit lors d'un précédent bombardement israélien, à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, au milieu du conflit en cours. dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
Des drapeaux du parti politique palestinien Fatah et une affiche de son futur dirigeant Yasser Arafat sont représentés placés dans les débris d'un bâtiment détruit lors d'un précédent bombardement israélien, à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, au milieu du conflit en cours. dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
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  • La Chine soutient depuis des décennies la cause palestinienne
  • Pékin milite traditionnellement pour une solution basée sur le principe de deux Etats, alors que le processus de paix israélo-palestinien est au point mort depuis 2014

PEKIN: La Chine a annoncé mardi que le Hamas et le Fatah, deux groupes palestiniens qui se déchirent depuis de nombreuses années, ont mené d'encourageantes discussions à Pékin afin de parvenir à une "réconciliation intra-palestinienne".

Après des combats acharnés, le mouvement islamiste Hamas, rival du Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, s'est emparé du pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza.

L'armée israélienne mène depuis plus de six mois dans ce territoire une offensive d'ampleur, qui a entraîné la mort de nombreux civils, après l'attaque sans précédent du groupe islamiste en Israël.

Le Fatah conserve un contrôle administratif partiel en Cisjordanie, via l'Autorité palestinienne.

"A l'invitation de la Chine, des représentants du Mouvement national de libération de la Palestine (Fatah, ndlr) et du Mouvement de résistance islamique (Hamas, ndlr) se sont récemment rendus à Pékin pour des discussions approfondies et franches sur une promotion de la réconciliation intra-palestinienne", a indiqué mardi Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

"Les deux parties ont pleinement exprimé leur volonté politique de parvenir à la réconciliation par le dialogue et la consultation, ont discuté de nombreuses questions spécifiques et ont réalisé des progrès", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse régulière.

"Ils sont convenus de poursuivre ce processus de dialogue en vue de parvenir au plus vite à l'unité palestinienne."

La Chine soutient depuis des décennies la cause palestinienne.

Pékin milite traditionnellement pour une solution basée sur le principe de deux Etats, alors que le processus de paix israélo-palestinien est au point mort depuis 2014.

Définie par les Etats-Unis comme une rivale, la Chine a renforcé ces dernières années ses relations commerciales et diplomatiques avec le Moyen-Orient, dont une grande partie est traditionnellement sous influence américaine.

La guerre entre Israël et le Hamas, qui a fait des milliers de morts dans les deux camps, a été déclenchée après une attaque sanglante et sans précédent lancée le 7 octobre par le Hamas contre le territoire israélien à partir de la bande de Gaza sous contrôle du mouvement islamiste palestinien.

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé mardi un nouveau bilan de 34.535 morts dans le territoire.