«Ne pas stigmatiser» les enfants de jihadistes, alerte Muriel Eglin, juge de Bobigny

Cette photo d'archive prise le 28 mars 2021 montre des femmes et des enfants marchant au Camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik) dans le nord-est de la Syrie Hasakah Province. (AFP)
Cette photo d'archive prise le 28 mars 2021 montre des femmes et des enfants marchant au Camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik) dans le nord-est de la Syrie Hasakah Province. (AFP)
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Publié le Vendredi 01 juillet 2022

«Ne pas stigmatiser» les enfants de jihadistes, alerte Muriel Eglin, juge de Bobigny

  • Les enfants de retour de Syrie sont des «victimes», souligne la vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny
  • Elle estime qu'il faut éviter de leur faire «porter le stigmate ou on court le risque de faire de la prophétie auto-réalisatrice»

BOBIGNY: Les enfants de retour de Syrie sont des "victimes", souligne la vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, Muriel Eglin, juridiction en charge de la quasi-totalité des arrivées.

La magistrate estime qu'il faut éviter de leur faire "porter le stigmate ou on court le risque de faire de la prophétie auto-réalisatrice".

QUESTION: Comment se portent les enfants de retour de la zone irako-syrienne ?

REPONSE: "A leur arrivée en France, certains étaient très mal en point psychiquement avec beaucoup de crises d'angoisse, un sommeil troublé, des cheveux qui tombent, des pleurs et d'autres au contraire, plus âgés, émerveillés parce qu'ils voyaient autour d'eux comme la possibilité d’aller à l’école, d’acheter des vêtements et des friandises dans les magasins.

Aujourd'hui, ils se réjouissent qu'on puisse manger à sa faim, que les gens n'ont pas peur dans la rue. Une liberté de ton et d'être qui les ravit.

Les enfants scolarisés ont un appétit d'appendre, beaucoup ont une intégration assez facile à l'école, quelques uns peuvent avoir du mal à se séparer de l'assistante familiale. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de traumatismes; ils sont là, au fond de la poche, ils ressortent un peu plus tard quand l'enfant se sent en sécurité.

Ils ont vécu des traumatismes extrêmement lourds avec des bombardements, témoins d'exactions. Des familles ont été forcées d'adhérer au projet éducatif de Daesh, qui était d'en faire des moudjahidines (combattants) pour défendre le califat.

Enfants de jihadistes: mode d'emploi d'un retour sur mesure

Psychologues, juges, éducateurs, nombreux sont les professionnels impliqués aux côtés des enfants de jihadistes rapatriés. Une prise en charge sur mesure dont l'objectif premier est d'insérer ces mineurs "dans une vie d'enfant".

Chiffre

Depuis 2016, 126 enfants ont été rapatriés. Les deux-tiers sont pris en charge par le tribunal pour enfants de Bobigny qui est compétent pour l'aéroport de Roissy.

69% ont au moins l'un de leurs parents incarcéré en France et 19% à l'étranger.

Santé et identité 

Dès leur arrivée sur un tarmac français, priorité est donnée à l'examen psychosomatique de ces mineurs revenus d'Irak, Syrie ou autre zone de guerre et exposés à des mois de violences. Le bilan dure "à peu près trois mois", indique Thierry Baubet, chef du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Avicenne de Bobigny.

Dans le même temps, un juge est saisi et ces enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance dans leur département d'arrivée (les Yvelines pour ceux ayant atterri à Villacoublay).

Il faut aussi donner une identité civile, parfois en réalisant des tests génétiques, à ces enfants souvent nés hors de France (parmi ceux arrivés à Roissy, 27% ont moins de 6 ans, 50% ont entre 6 et 12 ans selon des données de sources judiciaires actualisées en juin 2022).

Accueil 

En Seine-Saint-Denis, les enfants "vont tous dans des familles d'accueil, plus adaptées pour les tout petits parce qu'ils ont besoin d'une prise en charge maternante", souligne la vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, Muriel Eglin.

A contrario, dans les Yvelines, les mineurs sont plutôt dirigés vers des établissements collectifs. "On s'est rendu compte qu'ils retrouvaient une dimension collective qu'ils connaissaient dans les camps" de déplacés, et "cela permettait d'avoir une équipe pluridisciplinaire", explique Sandra Laventureux, directrice générale adjointe enfance au département des Yvelines.

Il a fallu parfois dépasser les fantasmes initiaux. "Certains éducateurs tremblaient presque au début de tomber sur des terroristes", et des familles appréhendaient de gérer des enfants qui pour certains "marchaient sur la pointe des pieds ou sursautaient au moindre bruit d'avion", raconte Josine Bitton, avocate d'enfants désignée par le juge Seine-Saint-Denis.

Enquête sur l'histoire familiale 

Des mesures judiciaires d'investigation éducatives (MJIE) sont lancées. La protection judiciaire à l'enfance cherche à comprendre l'histoire de la famille, notamment l'engagement idéologique des parents et des proches afin de déterminer qui pourrait assurer la garde.

En Seine-Saint-Denis, 14 mineurs ont été confiés à des membres de la famille élargie en tant que tiers dignes de confiance.

Dans les Yvelines, sur les 34 enfants arrivés entre 2019 et 2021 et confiés à l'ASE, seuls six sont encore dans le département, en voie d'être récupérés par leurs familles.

Parents 

Les équipes pluridisciplinaires s'occupent de maintenir et surveiller les liens avec le parent resté sur zone ou incarcéré. Il faut par exemple préparer et accompagner l'enfant au parloir en prison. "Pour sa construction, l'enfant a besoin de vérité. Ce n'est pas anodin d'avoir deux parents en prison", explique Me Josine Bitton, avocate de plusieurs enfants qui se rend au procès des parents pour "recueillir des bribes de leur histoire" et les restituer.

Q: Ces enfants représentent-ils un danger ?

R: La plupart des enfants avaient moins de trois ans quand ils sont arrivés en France et cinq ans plus tard, ils se posent beaucoup de questions. Et comme avec tous les enfants de la protection de l'enfance, l'enjeu est d'offrir les bons soins pour que ces traumatismes ne s'inscrivent pas dans la durée, qu'ils ne deviennent pas des adultes en douleur ou violents. Le plus tôt on prend en charge ces enfants, moins longtemps ils ont été exposés aux traumatismes, plus de chance on a de les aider à s'en sortir. Il faut garder en tête que ce sont des enfants qui sont victimes des errements de leurs parents.

Si on poursuit ces enfants d'un regard d'inquiétude, on court le risque de faire de la prophétie auto-réalisatrice et de leur faire porter un stigmate insoutenable. Prenons garde à ce qu'on appelle +l'inversion du stigmate+: la personne stigmatisée finit par se reconnaître dans ce stigmate et par le revendiquer, en faire un élément de son identité.

C'est très important de pourvoir les accueillir, les considérer comme des enfants, leur offrir les meilleurs conditions d'accompagnement et d'apprentissage et on pourra s'en sortir tous ensemble.

 

Q: Quel est le rapport parent-enfant ?

R: Plus de 65% des parents sont en prison, on repère si la visite est positive pour l'enfant. Il y a très peu de situations de suspension du droit de visite. Quand il y en a, c'est parce qu'il y a une radicalisation toujours agissante avec un discours très agressif ou lorsque des enfants subissent des pressions sur des déclarations qui auraient pu être faites, préjudiciables aux parents qui vont être jugés pour acte de terrorisme.

On a besoin de l'adhésion des familles pour que l'enfant puisse s'épanouir et grandir et avoir une compréhension de ce qui lui est arrivé. L'expérience montre que les prises en charge éducatives qui fonctionnent le mieux sont celles qui sont soutenues et encouragées par les parents.

On veut aussi s'assurer que les enfants vont grandir avec une vérité de leur histoire et ne pas rajouter des secrets à tous leurs traumatismes.

Des parents sont embarrassés et disent +je suis en prison parce que je suis allé en Syrie pour aider les enfants orphelins+. Cela fait grandir des enfants dans l'idée que leur parent sont victimes d'une injustice de la part des pouvoirs publics. On essaye de pousser les parents à avoir un discours de vérité même s'ils disent +je croyais bien faire mais c'est vrai que c'était une organisation qui faisait des meurtres, des attentats+. Qu'ils le regrettent ou non, c'est important que les enfants sachent pourquoi ils sont privés de leurs parents.


Casse du Louvre: le 4e membre du commando présenté à la justice

Des policiers français se tiennent à côté d'un monte-meubles utilisé par des cambrioleurs pour pénétrer dans le musée du Louvre, sur le quai François Mitterrand, à Paris, le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français se tiennent à côté d'un monte-meubles utilisé par des cambrioleurs pour pénétrer dans le musée du Louvre, sur le quai François Mitterrand, à Paris, le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Le quatrième membre présumé du commando ayant dérobé en octobre des bijoux de la Couronne au Louvre a été interpellé et doit être présenté à la justice
  • Le vol spectaculaire, réalisé en huit minutes, relance la controverse sur la sécurité du Louvre

PARIS: Le quatrième homme présumé du commando qui a dérobé le 19 octobre en plein Paris les bijoux de la Couronne au musée du Louvre doit être présenté jeudi soir à la justice française, a appris l'AFP de sources proches du dossier.

Cet homme, originaire de Seine-Saint-Denis, fait partie des quatre personnes interpellées mardi dans le cadre de cette affaire retentissante.

Il a été arrêté mardi matin sur un chantier à Laval (nord-ouest), selon une source proche du dossier.

Les gardes à vue des trois autres personnes interpellées lors de ce nouveau coup de filet vont être levées, ont ajouté les sources proches du dossier.

Le vol en plein jour - un dimanche matin juste après l'ouverture du Musée du Louvre - a eu un retentissement considérable, y compris au niveau international.

Les bijoux volés, huit joyaux du XIXe siècle considérés comme des trésors nationaux, évalués par le musée du Louvre à 88 millions d'euros, sont toujours introuvables.

Dans leur fuite, les quatre malfaiteurs avaient abandonné la couronne de l'impératrice Eugénie. Cassé, le bijou peut être restauré, selon le musée.

Les malfaiteurs avaient agi, encagoulés, munis d'un monte-charge de déménageurs et armés de disqueuses. Leur casse, retentissant, n'a duré que huit minutes.

Avant les interpellations de mardi, les enquêteurs avaient pu arrêter, en deux coups de filet, trois des quatre membres présumés de l'équipe de cambrioleurs. Mais pas le ou les commanditaires.

Parallèlement à l'enquête judiciaire, la controverse ne faiblit pas sur la sécurité du Louvre.

Selon des informations du journal Le Monde publiées mardi soir, un audit de sûreté faisait état dès 2018 de la "vulnérabilité" que représentait le balcon par lequel sont entrés les cambrioleurs et notait son accès possible à l'aide d'une nacelle, des similitudes troublantes avec le mode opératoire utilisé. La direction actuelle a indiqué au quotidien n'avoir eu ce document en sa possession qu'après le casse.

Confronté à une vétusté alarmante, le Louvre avait fait l'objet en début d'année de l'annonce par le président Emmanuel Macron d'un projet "colossal" pour le désengorger et le moderniser. Le musée a également acté jeudi une augmentation de 45% du prix d'entrée pour ces derniers.


Macron relance le "service national", militaire et volontaire

Le président français Emmanuel Macron (au centre) prononce un discours devant l'armée pour dévoiler un nouveau service militaire national à la base militaire de Varces, dans les Alpes françaises, le 27 novembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (au centre) prononce un discours devant l'armée pour dévoiler un nouveau service militaire national à la base militaire de Varces, dans les Alpes françaises, le 27 novembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron lance un nouveau service national volontaire de dix mois, entièrement militaire et destiné aux 18-25 ans, pour renforcer les armées face aux menaces stratégiques
  • Le dispositif, présenté comme une réponse aux « besoins des armées », suscite des critiques politiques sur son coût, son calendrier et son orientation

PARIS: "Notre jeunesse a soif d'engagement": Emmanuel Macron a ressuscité jeudi un "service national" de dix mois pour les jeunes majeurs, qui sera "purement militaire" mais volontaire, censé "répondre aux besoins des armées" face aux menaces russes et aux risques accrus de conflit.

"La peur n'évite jamais le danger. La seule façon de l'éviter est de s'y préparer", a déclaré le chef de l’État dans un discours au sein de la 27e Brigade d'Infanterie de Montagne (BIM) de Varces, en Isère, au pied du massif du Vercors enneigé.

Il a aussi prévenu que les volontaires serviront "exclusivement sur le territoire national", après avoir assuré dès mardi qu'il ne s'agit pas "d'envoyer nos jeunes en Ukraine".

Une manière d'essayer de faire taire la polémique politique suscitée par les propos du chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, qui avait estimé que le pays devait être prêt à "accepter de perdre ses enfants".

Selon le président, entouré de jeunes et de militaires, "notre jeunesse a soif d'engagement" et "il existe une génération prête à se lever pour la patrie", dans le cadre de l'armée française.

Emmanuel Macron a donc confirmé que ce nouveau dispositif, baptisé simplement "service national", sera lancé "progressivement dès l'été prochain", avec un début de sélection des candidats dès mi-janvier. Il durera dix mois (un mois de formation, neuf au sein de l'armée).

- Un effort "indispensable" -

Disette budgétaire oblige, le dispositif montera en puissance graduellement: la première année, il doit concerner 3.000 jeunes, avec un objectif de 10.000 par an en 2030, puis une ambition de 42.500 en 2035. Ce qui ferait 50.000 par an en cumulant avec les personnes qui font déjà le service militaire volontaire (SMV) et son équivalent ultramarin, le service militaire adapté (SMA), qui perdureront en parallèle car ils ont un objectif différent d'insertion professionnelle.

Les crédits nécessaires, 2,3 milliards d'euros pour la période 2026-2030, selon une source proche du dossier, sont prévus par l'actualisation de la loi de programmation militaire voulue par Emmanuel Macron, mais qui doit encore être votée. Cet effort budgétaire est "indispensable", a-t-il plaidé à l'intention d'un Parlement plus divisé que jamais.

Les volontaires seront à 80% des jeunes hommes et femmes de 18-19 ans, futurs soldats pour lesquels le service fera office d'"année de césure" avant les études supérieures et sera ainsi valorisé dans Parcoursup. Les autres, futurs aspirants, auront jusqu'à 25 ans, sélectionnés sur la base de leur spécialisation (ingénieurs, infirmiers, traducteurs...).

Ce nouveau dispositif signe aussi l'enterrement du service national universel (SNU) qui était cher au président.

Promesse du candidat Macron en 2017 au nom de la "cohésion nationale", lancé en 2019, le SNU, destiné aux mineurs de 15 à 17 ans, n'a jamais pu être généralisé. Et il "n'est aujourd'hui plus adapté au contexte stratégique" créé par l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, reconnaît l’Élysée.

Emmanuel Macron avait annoncé en janvier son intention de "permettre à une jeunesse volontaire d'apprendre avec les armées et d'en renforcer les rangs" en cas de besoin.

Sans toutefois aller jusqu'à rétablir la conscription, service militaire obligatoire supprimé en France en 1997. Ce rétablissement "est une idée portée par ceux qui méconnaissent la réalité de ce que sont nos armées aujourd'hui", a-t-il martelé jeudi dans les Alpes.

- "Ni le temps ni l'argent" -

Le service volontaire sera rémunéré 800 euros par mois minimum pour chaque volontaire, qui sera aussi logé, nourri et équipé, selon l’Élysée.

Une somme insuffisante pour La France insoumise qui prône "une conscription citoyenne" payée "au Smic" afin de "faire face aux grands enjeux de notre siècle", dont le climat.

Le Parti socialiste a pour sa part contesté dans un communiqué "une annonce présidentielle improvisée" qui "ne répond à aucune exigence de sérieux" et réclamé "l'ouverture immédiate d'un débat parlementaire sur le rôle des citoyens dans la Défense nationale et la protection du territoire".

"On n'a ni le temps ni l'argent donc ça suppose de ne pas se précipiter", a également critiqué le sénateur UDI Hervé Marseille sur Public Sénat, mettant en garde contre une annonce "purement médiatique".

Douze pays en Europe ont préservé ou rétabli la conscription obligatoire. Face à la dégradation de la situation stratégique, une demi-douzaine d'autres ont décidé de rétablir un service volontaire.

Le général Mandon a déclaré la semaine dernière que le pays devait restaurer sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prêt à "accepter de perdre ses enfants".

La déclaration a été jugée "va-t-en-guerre" par une partie de la gauche tandis que, du côté du Rassemblement national, on dénonçait une "faute" et on prévenait que les Français n'étaient pas "prêts à aller mourir pour l'Ukraine".


Le Sénat récupère le budget de l'Etat, le compromis reste hors de vue

Les sénateurs français votent le budget de la sécurité sociale au Sénat, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Les sénateurs français votent le budget de la sécurité sociale au Sénat, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
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  • Le Sénat, dominé par la droite et les centristes, aborde le budget 2026 avec une ligne stricte : réduire les dépenses, rejeter de nouvelles taxes et viser un déficit de 4,7 % du PIB
  • Les divergences restent fortes avec l’Assemblée nationale et la gauche, rendant le compromis budgétaire très incertain

PARIS: Le Sénat, intransigeant sur sa ligne anti-taxes prônée par la droite, s'attaque jeudi au projet de budget de l'Etat pour 2026. Une étape cruciale sur la route d'un compromis budgétaire encore hors de vue, même si certains envisagent toujours une étroite voie de passage.

D'un budget à l'autre... Après avoir acté mercredi d'irréconciliables divergences avec l'Assemblée nationale sur le budget de la Sécurité sociale, la chambre haute se penche sur le deuxième volet de son marathon budgétaire à partir de 14H30.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 occupera les sénateurs jusqu'à un vote solennel le 15 décembre. Et contrairement aux députés, qui ont massivement rejeté la partie "recettes" du texte le week-end dernier, les élus de la Haute assemblée auront l'opportunité de parcourir l'ensemble du budget, recettes comme dépenses.

Cela arrange bien la majorité sénatoriale, une solide alliance entre la droite et les centristes. Car sa ligne directrice est simple: "Plus d'économies et moins de taxes injustes", a résumé mercredi le chef des sénateurs Les Républicains, Mathieu Darnaud.

Redevenu sénateur, Bruno Retailleau est plus offensif encore ces derniers jours vis-à-vis du gouvernement.

Le "compromis" budgétaire ? "Moi, je parle de tambouille", a-t-il encore égratigné mercredi sur franceinfo. Le scénario d'une loi spéciale en cas d'échec du processus budgétaire ? Il serait meilleur, selon lui, qu'un budget qui "appauvrit les Français"...

Les débats sur le budget de la Sécu, ces derniers jours, ont dressé le tableau d'une droite sénatoriale inflexible, refusant la suspension de la réforme des retraites et la quasi-totalité des compromis trouvés à l'Assemblée nationale.

Ce texte va désormais revenir sur le bureau des députés, samedi en commission et mardi dans l'hémicycle, pour une nouvelle lecture.

- "Un rouleau-compresseur" -

Bis repetita sur le budget de l'Etat ? "Notre majorité, c'est un rouleau-compresseur, elle vote en bloc, contrairement à l'Assemblée", assure à l'AFP le chef des centristes, Hervé Marseille. "On essaie d'avoir une ligne qui soit claire et audible: limiter les impôts, trouver des économies".

Ainsi, les sénateurs entendent bien respecter l'objectif d'un déficit ramené à 4,7% du PIB en 2026, contre 5,4% en 2025. Avec deux ambitions: limiter les nouveaux prélèvements - environ 14 milliards dans la copie du gouvernement - et aller plus loin que les 17 milliards d'économies de dépenses proposées par Sébastien Lecornu.

Transformation de l'aide médicale d'Etat pour les sans-papiers en aide médicale d'urgence, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, suppression de 4.000 postes d'enseignants supplémentaires, refus de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, restriction de la taxe sur les "holdings patrimoniales" proposée par le gouvernement...

Voici, pèle-mêle, les propositions que la Haute assemblée promet de voter.

"C'est la droite la plus dure qu'on ait connu", s'inquiète le patron du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. "Nous faisons face à une droite revancharde. Clairement, ce n'est pas avec elle que nous pourrons avancer" vers un compromis, renchérit son collègue Thierry Cozic.

- Compromis impossible ? -

Si la gauche est minoritaire au Sénat, le gouvernement peut difficilement faire sans elle à l'Assemblée nationale. L'abstention des socialistes y sera nécessaire - voire même insuffisante - pour envisager l'adoption définitive d'un budget, si Sébastien Lecornu continue de renoncer à l'article 49.3.

Après l'échec de la taxe "Zucman", les socialistes cherchent toujours à faire contribuer les plus hauts patrimoines. Une nouvelle proposition a fleuri mercredi, celle d'un emprunt "forcé" visant les foyers les plus aisés.

Si le gouvernement a accueilli avec "bienveillance" cet amendement, il semble n'avoir aucune chance de passer le filtre du Sénat.

Malgré ces divergences majeures, le Premier ministre Sébastien Lecornu continue de croire à un compromis possible avant la fin décembre.

Plusieurs sources parlementaires et gouvernementales espèrent notamment qu'un accord potentiel sur le budget de la Sécu, la semaine prochaine à l'Assemblée, ferait souffler un vent positif sur le budget de l'Etat.

"Chacun affiche ses positions mais je pense qu'il y a la volonté non feinte de trouver une voie de passage", a reconnu le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR). "Il faudra à un moment qu'on enlève les costumes."