SEOUL : Ex-membre des forces spéciales sud-coréennes, Ken Rhee a dû enfreindre la loi de son pays pour partir combattre en Ukraine mais, pour lui, cela aurait été un "crime" de ne pas mettre ses compétences au service d'un pays en guerre.
Ken Rhee, un ex-officier des Navy SEALs, une force d'opérations spéciales de la marine sud-coréenne, s'est rendu à l'ambassade d'Ukraine à Séoul pour partir au front début mars, au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelait des volontaires du monde entier à venir prêter main forte à ses combattants.
Séoul ayant interdit à ses ressortissants de se rendre en Ukraine, il a dû enfreindre la loi pour rejoindre les combats. Blessé alors qu'il dirigeait une patrouille, il a été rapatrié en Corée du Sud, où il a été cueilli par quinze policiers à son arrivée.
L'ex-combattant, qui anime une chaîne YouTube suivie par 700 000 abonnés et un compte Instagram très suivi où il a partagé son expérience en Ukraine, dit ne rien regretter.
"C'est comme si en vous vous promenant sur la plage, vous voyez un panneau 'baignade interdite' et que vous voyez un baigneur se noyer. C'est un délit de ne pas l'aider. C'est comme ça que je vois les choses", dit-il à l'AFP.
M. Rhee, 38 ans, est né en Corée du Sud mais a grandi aux Etats-Unis, où il a suivi une formation pour intégrer les Navy SEALs. Son père l'a cependant convaincu de s'engager en Corée du Sud.
Il a servi au sein de cette armée pendant sept ans, suivant une formation SEAL américaine et coréenne et effectuant des missions en Somalie et en Irak, avant de partir pour créer une société de conseil en défense.
"J'ai les compétences. J'ai l'expérience. J'ai participé à deux guerres différentes et, en allant en Ukraine, je savais que je pouvais aider", fait-il valoir.
Sévères critiques
Mais en Corée du Sud, où M. Rhee est connu pour avoir participé à la série YouTube populaire "Fake Men", son engagement a été vu d'un mauvais œil.
"Ca a été instantané. En Corée, les gens m'ont simplement reproché d'avoir enfreint la loi".
Ses détracteurs qualifient sa décision d'irresponsable, et estiment qu'il a publié sur YouTube et Instagram des images de lui sur le terrain pour frimer.
L'ex-officier n'entend pas se laisser abattre. "Je pense qu'il est assez facile de savoir qui sont les bons et qui sont les méchants", dit-il à propos de la Russie et de l'Ukraine.
Il dit avoir été témoin de crimes de guerre commis par des Russes lors de son premier jour sur la ligne de front à Irpin.
"J'ai vu un civil qui conduisait... et ils lui ont tiré dessus, il est mort devant nous", raconte-t-il.
"Cela nous a rappelé, à moi et à mes coéquipiers, ce que nous faisions et pourquoi nous étions là".
En raison de sa formation militaire, M. Rhee a constitué sa propre équipe multinationale, en charge d'opérations spéciales, en recrutant des volontaires.
"Je mangeais des rations canadiennes. Mon arme était tchèque. j'avais un lance-missile américain et une roquette allemande... mais rien provenant de Corée", assure-t-il.
Il a essayé d'emporter avec lui ses lunettes de vision nocturne mais il n'a pas pu, faute d'autorisation du gouvernement. Séoul a fourni une aide non létale à Kiev et M. Ree lui reproche de ne pas en avoir fait davantage.
"La Corée a des équipements de pointe... ils sont très bons dans la fabrication d'armes", souligne-t-il.
«Rendez-vous à Taïwan»
Moscou a déclaré cette semaine que 13 Sud-Coréens s'étaient rendus en Ukraine et que quatre d'entre-eux avaient été tués.
Séoul a dit essayer de vérifier ces affirmations. Bien que M. Rhee ne connaisse pas le sort de tous ses coéquipiers, il affirme que "beaucoup de [ses] amis sont morts".
"Je ne veux pas que leurs sacrifices soient oubliés". C'est pour cela notamment qu'il envisage d'écrire un livre - et peut-être un scénario sur ce qu'il a vécu avec ses camarades.
Mais d'abord, il doit faire face aux conséquences légales de son départ. Il a bon espoir de ne pas finir en prison.
Désormais, l'ex-soldat fait l'objet d'une interdiction de quitter son pays et il est soigné pour ses blessures.
Mais il espère pouvoir un jour se battre à nouveau.
La blague quand les gens quittaient la ligne de front était : "Rendez-vous à Taïwan", raconte-il, faisant référence au risque que Pékin suive l'exemple de Moscou et finisse par reprendre l'île par la force.