PARIS: La défaite sur le fil de Brigitte Bourguignon aux législatives laisse le ministère de la Santé sans pilote, alors que le sujet fait partie des « urgences » du gouvernement, à la veille d'un été « difficile » dans les hôpitaux.
Un petit mois et puis s'en va. Devancée de 56 voix dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais par son concurrent du Rassemblement national, Mme Bourguignon a indiqué lundi en début d'après-midi sur twitter prendre « acte de ce résultat », mettant fin aux spéculations sur un hypothétique recours.
Hier, à une très courte majorité, les électeurs de la 6e circonscription du Pas-de-Calais ont fait le choix d’élire la candidate du Rassemblement National. Je prends acte de ce résultat et veux remercier l’ensemble des personnes qui m’ont soutenue au cours de cette campagne. ⤵️
— Brigitte Bourguignon (@BrigBourguignon) June 20, 2022
Avec la double peine imposée par l'Elysée: ministre battu, ministre exclu.
Son court passage lui aura juste laissé le temps d'annoncer de « premières mesures » (heures supplémentaires payées double, élèves infirmiers « immédiatement » employables) pour juguler la pénurie de soignants à l'hôpital, avant un été « difficile » de son propre aveu.
Mais elle ne sera plus en poste pour recevoir les conclusions de la « mission flash » sur les soins non programmés, commandée fin mai par le président Emmanuel Macron pour limiter les dégâts aux urgences.
Une tâche confiée au président de l'association Samu-Urgences de France, François Braun, qui avait recensé mi-mai au moins 120 services contraints de limiter leur activité ou s'y préparant. Ses propositions sont attendues avant le 1er juillet.
Le feu couve aussi dans les maternités, où le principal syndicat de gynécologues (Syngof) s'est récemment inquiété du risque de « fermetures estivales inopinées » faute de soignants. Alerte aussi en psychiatrie où quatre syndicats dénoncent « l'effondrement » du service public et appellent à la grève le 28 juin.
Le remaniement fait donc craindre une perte de temps précieux. « Il est important que les choses s'accélèrent, nous avons besoin d'arbitrages rapides et d'une enveloppe sur la table », s'impatiente ainsi le patron de FO-Santé, Didier Birig, qui dénonce un ministère aux abonnés absents faute d'y avoir été reçu depuis l'élection de M. Macron.
Ceux qui ont rencontré l'éphémère locataire de l'avenue Duquesne décrivent toutefois une ministre « attentive » et »à l'écoute », comme le président de France Assos Santé, Gérard Raymond, qui déplore de devoir « pratiquement repartir de zéro ».
« Il faut un profil politique »
« C'est très ennuyeux », reconnaît aussi Olivier Milleron, porte-parole du Collectif Inter-Hôpitaux, qui attend désormais « un ministre qui ait la possibilité de prendre rapidement des décisions, ce qui n'était pas forcement le cas de Mme Bourguignon ».
Plusieurs noms circulent déjà, comme ceux du député Philippe Juvin, du président de région Jean Rottner ou du maire de Reims Arnaud Robinet, qui présentent tous le double avantage d'être médecins et membre des Républicains, dont le groupe parlementaire sera crucial pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale.
Un autre se heurte déjà à un tir de barrage: Frédéric Valletoux, tout juste élu député (Horizons) de Seine-et-Marne et à la tête depuis plus de dix ans de la Fédération hospitalière de France, où il plaide avec constance pour les gardes obligatoires et l'installation régulée des médecins libéraux.
« Ce serait vécu comme une déclaration de guerre », prévient Franck Devulder, président de la CSMF - premier syndicat de la profession - qui souhaite au contraire « une personnalité absolument pas clivante » et « de consistance » et souligne que l'ex-directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, Nicolas Revel « a ces qualités ».
Pressenti pour succéder à Martin Hirsch aux Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'ancien patron de l'Assurance maladie coche aussi beaucoup de cases selon un cadre du camp présidentiel, pour qui »il faut un profil politique » qui « connaisse bien son sujet et soit capable de créer du consensus ».
La tâche s'annonce d'emblée haletante, avec la « grande concertation » que le chef de l'Etat entend lancer dès juillet sur le thème de la santé, déjà érigée au rang d'« urgence » du gouvernement, au même titre que le pouvoir d'achat et le climat.
Le tout sur fond de reprise de l'épidémie de Covid, dont le nombre de cas a presque triplé en trois semaines, et alors que des annonces sur la fin de l'état d'urgence sanitaire et le maintien de certaines mesures étaient prévues en conseil des ministres mercredi. Un calendrier chamboulé par l'élimination de Mme Bourguignon.