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Les secousses politiques se succèdent pour le régime iranien sans qu’il ne parvienne à résoudre les problèmes qui les sous-tendent. Les bouleversements politiques ressemblent à un barrage qui se rompt. Le simple observateur pourrait croire que ce dernier s'écroule en un clin d'œil. Mais, en réalité, ce sont de longues années de petites fuites non traitées qui font monter la pression jusqu'à ce que les barrages – et avec eux les systèmes politiques – se rompent, lorsqu'une dernière goutte vient briser l’ensemble de la structure.
Le régime théocratique de l'Iran présente en effet quelques fuites. L'Occident doit se préparer à l'effondrement pour éviter d'être inondé sans avertissement. L'opinion publique se méfie de plus en plus du gouvernement iranien. Ainsi, le mois dernier, on a vu un immeuble en construction de dix étages s’effondrer dans la ville d'Abadan, dans le sud-ouest du pays. Le bilan fait état quarante et un morts et de nombreux blessés. Il s'agit de l'incident le plus meurtrier de ce type survenu en Iran depuis des années. Les autorités attribuent l'effondrement à des individus corrompus et à un relâchement dans la mise en œuvre des mesures de sécurité. Quatorze personnes ont été arrêtées. Le promoteur de l'immeuble, Hossein Abdolbaghi, figure parmi les victimes, selon les autorités.
Toutefois, la population locale se méfie beaucoup du récit des autorités. Elle est convaincue que des bailleurs de fonds influents, qui ne sont autres que les hauts dirigeants du régime, ont facilité le départ d'Abdolbaghi pour qu'il échappe à la colère des citoyens. En effet, le site d'information iranien Memar a dépeint la manière dont les fonctionnaires accumulent les richesses en Iran: «Comme beaucoup d'autres personnes influentes en Iran, le secret de la fortune d'Abdolbaghi est bien simple: il sait tirer parti de ses relations et des opportunités offertes par le système de la “rente” [privilèges obtenus grâce à une influence injustifiée].»
Le fait qu'Abdolbaghi ait échappé à la justice explique le degré de la colère suscitée par la corruption en Iran. Ce climat est à l'origine de la scène à laquelle on a assisté à Abadan: la foule a hué un religieux qui représentait par le Guide suprême, Ali Khamenei, alors qu'il s'apprêtait à s'adresser aux familles des victimes à proximité de l'endroit où l'immeuble s'est effondré.
Il ne s'agit pas là d'un incident isolé; les slogans et les manifestations qui dénoncent le Guide suprême et son gouvernement envahissent l'Iran. On entend les gens scander «Mort à Khamenei», «Honte à Khamenei, retire-toi du pouvoir», «Mort au dictateur», «Mort à [Ebrahim] Raïssi [le président de la République islamique d’Iran]» et «Mort au régime iranien».
Au cours de sa campagne présidentielle, M. Raïssi a promis l'an dernier de s'attaquer aux problèmes économiques du pays et d'améliorer le niveau de vie de la population. On se souvient de sa fameuse déclaration: «En aucun cas nous n'augmenterons le prix du pain, des médicaments et de l'essence.» Depuis son arrivée au pouvoir, la situation économique ainsi que le niveau d’inflation et du chômage se sont pourtant détériorés. En effet, le mois dernier, le gouvernement a supprimé les subventions accordées aux œufs, aux poulets, aux produits laitiers et à l'huile végétale. Les prix se sont envolés et l'inflation en Iran atteint désormais près de 40%.
Une inégalité frappante existe entre les richesses naturelles extraites et la pauvreté extrême qui sévit parmi les Iraniens ordinaires.
Dr Majid Rafizadeh
Les sanctions américaines contre l'Iran ont été rétablies en 2018 après le retrait de Washington de l'accord multilatéral sur le nucléaire. Pourtant, de nombreux Iraniens attribuent plutôt à l'ineptie et à la corruption du gouvernement la responsabilité de leurs malheurs, parmi lesquels l'inflation galopante. Lors des manifestations qui parcourent l'Iran, ces chants résonnent dans les rues: «Notre pire ennemi n'est pas l'Amérique, ils mentent; notre ennemi vit parmi nous.» Cela explique les manifestations à caractère économique qui ont éclaté à travers le pays et qui ont rapidement pris une tournure politique. Ainsi, la province du Khouzistan, où se situe la ville d'Abadan, a accueilli en 2019 des manifestations hostiles au régime qui dénonçaient la flambée du prix du carburant. Elles ont été réprimées par la violence, entraînant la mort de plus de trois cents personnes et l'arrestation de milliers d'autres, selon l'organisation Amnesty International.
Le Khouzistan abrite les plus grandes réserves de pétrole et de gaz de l'Iran, mais cette région connaît très souvent des manifestations populaires. Ce climat s'explique par l'inégalité frappante qui existe entre les richesses naturelles extraites et la pauvreté extrême qui sévit parmi la population. Cela traduit bien les disparités et la corruption dont souffrent les Iraniens.
On assiste toutefois à des fuites de plus en plus nombreuses et fréquentes dans tout l’Iran, sans que ces dernières présagent pour autant l'effondrement imminent du pays. On peut s’attendre en outre à ce que ce pays fasse preuve d’une irresponsabilité croissante, confronté comme il l’est à une montée des pressions internes et externes, comme en témoignent les pétroliers étrangers qu’il a récemment interceptés ainsi que la recrudescence des tensions entre ce pays et Israël.
De nouveaux rapports attestent que l'Iran dispose désormais d'une quantité d'uranium enrichi suffisante pour fabriquer une bombe nucléaire. Le moment est donc venu pour les États-Unis de renforcer le soutien apporté à leurs partenaires dans la région. Ces derniers sont capables de jouer un rôle décisif dans les efforts diplomatiques qui visent à ramener Téhéran à la table des négociations. Le soutien des pays occidentaux à leurs partenaires dans la région pourrait en effet constituer la pièce qui manque pour résoudre ce puzzle. Il pourrait être de nature à dissiper le pessimisme qui entoure l'éventualité d'un nouvel accord multilatéral.
En conclusion, l'Occident doit se tenir prêt à affronter les grands bouleversements politiques qui secoueront l'Iran et à épauler ses alliés régionaux dans leur lutte contre le régime iranien.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: Les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
