SAN FRANCISCO : Après Starbucks et Amazon, le mouvement de syndicalisation a gagné Apple samedi avec la victoire historique d'un syndicat dans un Apple Store américain, une première pour la marque à la pomme.
Sur les 110 employés du magasin de Towson, une ville en banlieue de Baltimore dans le Maryland, 65 se sont prononcés pour, et 33 contre, d'après le décompte diffusé en direct samedi par l'agence fédérale chargée de superviser le scrutin.
«Nous l'avons fait Towson ! Nous avons gagné ! Merci à tous ceux qui ont travaillé dur et nous ont soutenus !», a réagi sur Twitter le compte d'AppleCORE (Coalition des employés de distribution d'Apple), comme se sont baptisés les employés qui ont mené campagne.
«Aujourd'hui nous fêtons ça avec l'association des machinistes. Demain nous continuons la mobilisation», ont-ils ajouté.
Les membres d'AppleCORE ont mené campagne avec le syndicat IAM (Association internationale des machinistes). Ils demandent voix au chapitre pour décider des salaires, des horaires et des mesures de sécurité.
Le résultat de samedi signifie que les salariés de ce magasin, qui étaient appelés à voter depuis mercredi, devraient créer leur branche au sein d'IAM, une fois que l'agence fédérale aura certifié les résultats.
Cette victoire fait écho à celle d'un entrepôt d'Amazon à New York en avril, autre groupe technologique qui a tenté, en vain, de contrer les efforts de syndicalisation.
- «Dégoût» -
Ce n'était pas le premier Apple Store à essayer de se syndicaliser, mais c'est la première tentative qui débouche sur un vote.
La directrice de la distribution et des ressources humaines d'Apple, Deirdre O'Brien, s'était rendue dans le magasin en mai pour s'adresser aux employés.
«C'est votre droit de rejoindre un syndicat, mais c'est aussi votre droit de ne pas rejoindre un syndicat», leur avait-elle dit, d'après un extrait audio diffusé par le site Vice.
Elle avait assuré que la présence d'un intermédiaire compliquerait les rapports entre Apple et ses salariés.
«Je suis inquiète à l'idée qu'une organisation se retrouve au milieu de notre relation, une organisation qui n'a pas une compréhension profonde d'Apple et de nos activités», avait-elle encore déclaré. «Et surtout, une organisation qui à mon avis ne partage pas notre engagement pour vous».
Le groupe californien a refusé de commenter la nouvelle.
Le syndicat IAM a dénoncé, en amont, des tentatives de décourager les employés de voter «oui» à la syndicalisation.
Dans une vidéo réalisée par More Perfect Union, un média pro-syndicats, des militants d'AppleCORE ont fait part de leur «dégoût» face aux réunions qui semblaient conçues pour les dissuader.
«On nous disait 'Apple fournit de nombreux avantages sociaux, vous devriez être reconnaissants'«, y raconte l'une d'entre eux.
«J'applaudis le courage dont ont fait preuve les membres de CORE (...) pour parvenir à cette victoire historique», a commenté Robert Martinez, le président IAM International, dans un communiqué du syndicat.
- Suite incertaine -
«Ils ont réalisé un immense sacrifice pour des millions d'employés d'Apple dans le pays, qui ont tous suivi cette élection», a-t-il poursuivi, assurant que ce vote est un signe de la demande croissante pour des syndicats dans les magasins Apple et d'autres industries.
Il a aussi appelé Tim Cook, le patron du fabricant de l'iPhone, à respecter le résultat et à adopter rapidement une convention collective avec la nouvelle branche syndicale.
Sur le déclin depuis plusieurs décennies, les syndicats ont décroché ces derniers mois plusieurs victoires symboliques aux Etats-Unis, à commencer par le soutien explicite de Joe Biden.
La création du premier syndicat dans un café Starbucks directement géré par la chaîne aux Etats-Unis en décembre a suscité l'enthousiasme tandis que des salariés, souvent jeunes et éduqués, se mobilisent dans des ONG, des universités, des musées, des médias.
Chez Amazon, les salariés d'un entrepôt new-yorkais ont créé la surprise début avril en votant à majorité en faveur de la création d'un syndicat, une première pour le groupe aux États-Unis.
Mais cette victoire isolée (après deux échecs dans l'Alabama et avant un autre échec dans un centre de tri à New York) ne s'est pour l'instant pas traduite par des négotiations de fond.
L'entreprise a demandé l'annulation de ce résultat et l'organisation d'un second scrutin, au motif notamment que le syndicat aurait, à son avis, intimidé les employés pour les inciter à voter «oui».