KIEV : De retour du front sud, le président ukrainien Volodymyr Zelensky assure dimanche que ses troupes gardent le moral et ne doutent pas de la victoire face aux Russes, dans un conflit qui pourrait durer des années selon l'Otan.
Au cours d'une rare visite en dehors de Kiev, où il s'est barricadé au début du conflit quand la capitale était menacées par l'armée russe, Zelensky s'est rendu dans la ville de la mer Noire de Mykolaïv, rendant visite aux troupes stationnées à proximité et dans la région voisine d'Odessa.
"Nous ne donnerons le Sud à personne, nous allons tout reprendre, et la mer sera ukrainienne, elle sera sûre", a-t-il déclaré dans une vidéo publiée sur Telegram alors qu'il rentrait à Kyev.
Ses propos ont été suivis par une évaluation plus sombre de la situation par le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.
La guerre pourrait durer "des années", a-t-il mis en garde dans une interview publiée dimanche par le quotidien allemand Bild, en exhortant les pays occidentaux à inscrire leur soutien à Kiev dans la durée.
"Nous ne devons pas faiblir dans le soutien à l'Ukraine, même si les coûts sont élevés, pas seulement en ce qui concerne le soutien militaire mais aussi en raison des prix de l'énergie et de l'alimentation qui montent", a dit Jens Stoltenberg.
Les forces russes concentrent leur puissance de feu sur l'est et le sud de l'Ukraine ces dernières semaines depuis l'échec de leur tentative de prendre la capitale Kiev après l'invasion éclair du 24 février.
"Les pertes sont importantes. De nombreuses maisons ont été détruites, la logistique civile a été perturbée, il y a de nombreux problèmes sociaux", a déclaré M. Zelensky.
«Envie de vivre»
"J'ai demandé qu'une assistance soit mise en place pour les personnes qui ont perdu des êtres chers de manière plus généralisée. Nous allons définitivement reconstruire tout ce qui a été détruit. La Russie n'a pas autant de missiles que notre peuple a envie de vivre", a-t-il ajouté.
M. Zelensky a remercié les soldats, qui contiennent la poussée des troupes russes, soutenues à l'est depuis la Crimée annexée, pour leur "service héroïque".
"Il est important que vous soyez vivants. Tant que vous êtes vivants, il y a un mur ukrainien solide qui protège notre pays", leur a-t-il dit.
Une vidéo, diffusée par la présidence, l'a montré à Mykolaïv avec le gouverneur local, Vitaliy Kim, devant la façade béante du siège de l'administration régionale, touché par une frappe russe en mars qui avait fait 37 morts.
Cette ville portuaire et industrielle de près d'un demi-million d'habitants avant la guerre est toujours sous contrôle ukrainien, mais elle est proche de la région de Kherson, presque entièrement occupée par les Russes. Une frappe russe y a fait deux morts et 20 blessés vendredi.
Elle reste une cible de Moscou car elle se trouve sur la route d'Odessa, le plus grand port d'Ukraine, à 130 km au sud-ouest près de la Moldavie, lui aussi toujours sous contrôle ukrainien et au centre des discussions sur l'exportation bloquée des millions de tonnes de céréales ukrainiennes.
La Russie, qui contrôle cette zone de la mer Noire malgré les tirs de missiles ukrainiens contre ses navires, explique que les eaux sont minées.
A Mykolaïv, des soldats ukrainiens essayent tant bien que mal de maintenir leurs routines d'avant-guerre, l'un d'eux affirmant qu'il n'abandonnerait pas son régime végan alors qu'il est en première ligne du front.
Oleksandr Zhuhan a déclaré avoir reçu un colis d'un réseau de volontaires pour maintenir son alimentation. "Il y avait du pâté et des saucisses végan, du houmous, du lait de soja (...) et tout ça gratuitement", s'est réjouit le professeur de théâtre de 37 ans.
«Héros»
A Kiev, des milliers de personnes se sont rassemblées samedi pour rendre hommage à un jeune homme, Roman Ratushny, 24 ans, figure du mouvement pro-européen Maïdan en Ukraine, tué en combattant les Russes dans l'est du pays.
Devant son cercueil drapé d'un drapeau ukrainien jaune et bleu au pied d'un monument surplombant la tentaculaire place de l'Indépendance dans la capitale, des personnes de tous âges ont salué sa mémoire.
"Je pense qu'il est important d'être là car c'est un héros de l'Ukraine et nous devons nous souvenir de lui", a déclaré à l'AFP Dmytro Ostrovsky, un lycéen de 17 ans.
Cette perte donne un visage humain au chagrin partagé par les Ukrainiens, alors que l'effusion de sang se poursuit dans le pays.
Des combats acharnés font notamment rage près de Severodonetsk, dans la région du Donbass (est), partiellement contrôlée par des séparatistes prorusses depuis 2014 et dont la Russie, après avoir échoué à prendre Kiev dans les premières semaines de son offensive, s'est fixé pour objectif de prendre le contrôle total.
"Une expression dit: il faut se préparer au pire et le meilleur viendra de lui-même", a déclaré samedi dans un entretien à l'AFP Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk, qui abrite notamment les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk.
"Bien sûr qu'il faut qu'on se prépare", a ajouté celui qui a plusieurs fois prévenu que les Russes finiraient par encercler Lyssytchansk en coupant ses principales routes d'approvisionnement.
"La situation est difficile, dans la ville (de Lyssytchansk) et dans toute la région", a-t-il souligné, car les Russes "bombardent nos positions 24 heures sur 24".
Les habitants de Lyssytchansk se préparaient à être évacués : "Nous abandonnons tout et nous partons. Personne ne peut survivre à une telle frappe", a déclaré une habitante, Alla Bor, professeur d'histoire.
Plus tôt dans la journée, Serguiï Gaïdaï avait fait part de "davantage de destruction" encore à l'usine chimique assiégée Azot à Severodonetsk, où se cachent plus de 500 civils, dont 38 enfants.
5 morts à Donetsk
Les autorités prorusses de Donetsk, capitale de la "république" autoproclamée du même nom dans la partie du Donbass qui échappe au contrôle de Kiev depuis 2014, ont de leur côté affirmé que des bombardements ukrainiens sur la ville avaient fait cinq morts et 12 blessés parmi la population civile.
C'est enfin au nord, depuis le Bélarus d'où les forces russes avaient débuté leur attaque, que les Ukrainiens craignent à nouveau une offensive.
Dans un entretien publié cette semaine par le National Defense Magazine, une publication américaine spécialisée, le général Volodymyr Karpenko, chef de la logistique de l'armée de terre ukrainienne, a reconnu que l'Ukraine avait perdu "environ 50%" de ses armements.
Ce n'est qu'après avoir repoussé les forces russes que l'Ukraine sera prête à engager de nouvelles négociations avec Moscou, a déclaré David Arakhamia, le chef de la délégation ukrainienne, à l'antenne ukrainienne de la radio américaine Voice of America.
"Un accord a minima (pour des négociations, ndlr), ce serait si nous les repoussions ou s'ils repartaient de leur plein gré aux positions qu'ils occupaient avant le 24 février" , a-t-il dit.