RIO DE JANEIRO: Les procureurs brésiliens chargés d'enquêter sur des accusations de pratiques esclavagistes de Volkswagen dans un ranch en Amazonie dans les années 1970 et 1980 se sont montrés "confiants" mardi dans la possibilité d'une "indemnisation adéquate" à l'issue d'une première audience devant un tribunal prudhommal de Brasilia.
Le constructeur automobile allemand "a réclamé un délai pour se prononcer au sujet des éléments de preuve présentés et nous avons décidé qu'il pourra se manifester par écrit en septembre et qu'une nouvelle audience aurait lieu à ce moment-là", a expliqué Rafael Garcia, procureur en charge du dossier.
L'audience à huis clos, qui a duré un peu plus de deux heures mardi après-midi, était une première étape "pour évaluer s'il est possible de trouver un accord" financier afin d'éviter des poursuites judiciaires, selon le procureur.
"Nous sommes confiants, nous pensons qu'à la fin de la procédure, nous obtiendrons la réparation adéquate pour les graves violations des droits humains qui ont eu lieu dans le ranch", a-t-il ajouté.
"Nous avons présenté toutes les preuves obtenues lors des investigations, en montrant la gravité des faits relatés par les travailleurs, et documentés, qui montrent que les ouvriers étaient dans une situation analogue à de l'esclavage", a insisté M. Garcia.
Les ouvriers agricoles, embauchés notamment pour des travaux de déforestation, "étaient empêchés de quitter les lieux, ne pouvant s'absenter qu'après le remboursement de dettes qui étaient tout simplement impayables".
Les enquêteurs ont exposé aux représentants de l'entreprise allemande un dossier de 90 pages avec des témoignages sur les atrocités commises par des dirigeants de Volkswagen, dont au moins un Allemand, et des gardes armés dans un ranch de bétail de 70 000 hectares dont la multinationale était propriétaire dans le bassin amazonien.
«Frappés et attachés à des arbres»
Selon ces témoignages, les ouvriers étaient forcés à dépenser presque tout leur maigre salaire pour acheter sur place de la nourriture vendue à des prix exorbitants.
"Ceux qui tentaient de s'échapper étaient frappés, attachés à des arbres et laissés sur place des jours durant", avance par ailleurs le procureur Garcia.
"Un ouvrier a tenté de s'échapper, mais s'est fait capturer. Pour le punir, ils ont enlevé sa femme et l'ont violée", peut-on lire dans le rapport d'enquête, un témoignage corroboré par trois personnes. D'autres témoignages font état de disparitions suspectes.
Le constructeur automobile allemand n'a pas répondu immédiatement aux solliciations de commentaire de l'AFP à l'issue de l'audience. Il avait auparavant assuré être disposé "à contribuer très sérieusement à l'enquête".
En 2020, le groupe avait payé 36 millions de réais (5,5 millions d'euros) pour indemniser des familles d'ex-ouvriers torturés ou assassinés durant la dictature militaire (1964-1985).
L'audience de mardi porte plus précisément sur la période 1974-1986. À l'époque, le groupe avait bâti une grande exploitation agricole en Amazonie, la "Companhia Vale do Rio Cristalino", qui est devenue le plus grand ranch de bétail de l'Etat du Para (nord).
Les atrocités ont été dénoncées dans un premier temps par Ricardo Rezende, prêtre catholique qui a passé des années à compiler des témoignages de victimes après s'être installé dans le Para en 1977.
«Réparation symbolique et nécessaire»
Le fait qu'un constructeur automobile décide de se lancer dans l'exploitation agricole peut sembler incongru, mais cela en dit long sur la politique environnementale du régime militaire, qui offrait des aides à des agriculteurs, mais aussi à de grandes entreprises, pour développer la région amazonienne à marche forcée, à grands coups de déforestation.
Volkswagen aurait notamment bénéficié d'abattements fiscaux et de prêts sans intérêt, grâce à ses liens étroits avec les généraux au pouvoir.
"D'une part, Volkswagen adorait la dictature, d'autre part (le ranch) était très lucratif, avec près de 6 000 personnes travaillant presque gratuitement", a estimé le père Rezende.
"C'est impossible de compenser les souffrances d'une personne qui a été torturée en payant des indemnités. Il n'y a pas de réparation suffisante pour les souffrances des femmes dont les maris ou les fils ne sont jamais revenus", a insisté le prêtre. Mais selon lui, "une réparation symbolique est nécessaire".