NEW YORK: Une pièce de théâtre sur la banque Lehman Brothers et des comédies musicales sur Michael Jackson ou sur un auteur noir et queer ont triomphé dimanche soir à New York aux récompenses de Broadway, qui retrouve des couleurs après la pandémie.
Souvent comparés aux Oscars du théâtre, ces 75e Tony Awards, diffusés sur CBS, ont conclu une saison de renouveau pour les théâtres de la capitale culturelle américaine, qui avaient rouvert à l'automne 2021 après 18 mois de fermeture à cause de la Covid-19.
Dans la ville de Wall Street, c'est une histoire de finance, "The Lehman Trilogy", qui est sortie victorieuse avec cinq récompenses, dont la meilleure pièce de théâtre, le meilleur acteur (Simon Russell Beale) et le meilleur metteur en scène (Sam Mendes).
La pièce de l'Italien Stefano Massini parcourt la longue vie de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, fondée au XIXe siècle par trois frères immigrés d'Allemagne, et dont la chute en 2008 avait déclenché une crise financière mondiale.
"MJ the Musical", un biopic à succès sur Michael Jackson, qui a reçu l'assentiment des héritiers et un accueil mitigé de la critique parce qu'il passe quasiment sous silence les accusations de pédophilie contre le "roi de la pop", a raflé quatre récompenses, dont celle du meilleur acteur de comédie musicale, pour Myles Frost, 22 ans. Deux des enfants de la star décédée en 2009 à 50 ans, Paris et Prince Jackson, ont fait une apparition sur scène.
"A Strange Loop", favori avec 11 nominations, a finalement remporté deux Tony, dont le plus prestigieux, celui de la meilleure comédie musicale et celui du meilleur livret musical pour son auteur, Michael R. Jackson -- sans lien avec le "roi de la pop".
«Canot de sauvetage»
La comédie musicale raconte les tourments d'un placeur de théâtre, artiste en herbe, noir et queer comme Michael R. Jackson, qui veut devenir auteur à Broadway.
"Je me sentais invisible. Je ne me sentais pas écouté, je me sentais incompris. Et j'ai voulu construire un petit canot de sauvetage pour moi, en tant qu'homme noir gay", a raconté, très ému et ovationné, l'artiste, enveloppé dans une grande cape fuchsia.
A son arrivée sur la scène du Radio City Music Hall, la maîtresse de cérémonie Ariana DeBose, oscarisée pour son rôle d'Anita dans le remake de "West Side Story", s'est dite "fière" devant les efforts de Broadway pour s'ouvrir davantage à la diversité.
Après la pandémie et la mort de George Floyd, un afro-américain tué par la police en juin 2020, provoquant un vaste mouvement contre le racisme aux Etats-Unis, Broadway avait rouvert à l'automne 2021 avec sept pièces ou comédies musicales écrites par des auteurs noirs, du jamais vu.
"Il y a des progrès, mais le travail doit continuer", a estimé auprès de l'AFP le chanteur et acteur Darius de Haas, l'un des fondateurs de Black Theatre United, qui défend une représentation plus diverse dans les théâtres américains.
Pour lui, "les producteurs et les propriétaires de théâtres ont ouvert les yeux et ont vu qu'ils pouvaient non seulement avoir des histoires reflétant plus de diversité à Broadway, mais aussi que cela peut fonctionner économiquement".
Situés autour de l'effervescente Times Square, les 41 théâtres de Broadway font la légende de New York mais ils sont aussi l'un de ses poumons culturel, économique et touristique. Avant la pandémie, les recettes dépassaient facilement 30 millions de dollars par semaine, voire 50 millions pour la semaine de Noël.
Cette saison 2021-2022 a encore été perturbée mais Broadway a retrouvé les foules, à l'image des 230 000 spectateurs s'y pressant la semaine dernière (environ 300 000 la semaine équivalente en 2019).