Législatives: Percée de la gauche unie qui fait jeu égal avec le camp Macron

Emmanuel Macron quitte l'isoloir pour voter aux élections législatives dans un bureau de vote du Touquet, le 12 juin 2022 (Photo, AFP).
Emmanuel Macron quitte l'isoloir pour voter aux élections législatives dans un bureau de vote du Touquet, le 12 juin 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 13 juin 2022

Législatives: Percée de la gauche unie qui fait jeu égal avec le camp Macron

  • Près de deux mois après la réélection d'Emmanuel Macron, la majorité sortante sous l'étiquette Ensemble! a obtenu 25,75% des voix
  • Les deux camps ont une semaine pour conjurer l'abstention et le désintérêt des Français, qui atteint un nouveau record à 52,49%

PARIS: Arrivés à quasi égalité au premier tour des élections législatives, le camp Macron va devoir batailler face à la gauche unie pour conserver la majorité absolue à l'issue d'un premier tour marqué par une abstention record.

Près de deux mois après la réélection d'Emmanuel Macron, la majorité sortante sous l'étiquette Ensemble! a obtenu 25,75% des voix, soit 21.442 voix de plus que la Nupes (LFI, PCF, PS et EELV) rassemblée derrière Jean-Luc Mélenchon (25,66%), sur 23,3 millions de votants.

Les deux camps ont une semaine pour conjurer l'abstention et le désintérêt des Français, qui atteint un nouveau record à 52,49%, dépassant celui de 2017 (51,3%).

Le camp Macron garde toutefois l'avantage dans les projections des 577 sièges de députés, avec une fourchette de 255 à 295 sièges, devant la Nupes (150 à 210), selon les instituts de sondage.

Ensemble! espère conserver la majorité absolue, fixée à 289 députés, ce qui lui permettrait d'éviter de composer avec d'autres groupes pour faire adopter les textes de l'exécutif, à commencer par l'emblématique réforme des retraites qui doit entrer en application dans un an, selon la promesse de M. Macron.

Mais jusqu'où ira le tassement pour la majorité sortante alors qu'en 2017, LREM et Modem avaient raflé plus de 32% au premier tour avant d'obtenir près de 350 députés au second.

"Nous sommes la seule force politique en mesure d'obtenir une majorité forte et claire", a affirmé la Première ministre Elisabeth Borne.

"La majorité est loin d'être acquise (...) C'est un très sérieux avertissement qui est adressé à Emmanuel Macron", a toutefois estimé Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France.

En cas de duel Nupes/RN LREM donnera des consignes de vote «au cas par cas»

La République en marche ne donnera pas de consigne nationale mais "au cas par cas" dans les circonscriptions où s'opposeront des candidats du Rassemblement national et de la coalition mélenchoniste Nupes lors du deuxième tour des législatives, a indiqué le parti présidentiel à l'AFP dimanche.

"C'est le Front Républicain, contre les extrêmes", a expliqué le parti présidentiel, en faisant valoir que "certains candidats de la Nupes sont extrêmes: ce sera en fonction de la personnalité de la Nupes qui est qualifiée, notamment si c'est quelqu'un qui a les valeurs de la République". "Mais nous ne soutiendrons aucun candidat RN", a ajouté LREM.

Mélenchon appelle au déferlement

Symbole des difficultés de la macronie, deux ex-ministres, Jean-Michel Blanquer et Emmanuelle Wargon, ont été éliminés dès le premier tour. La ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Amélie de Montchalin est en ballottage défavorable dans sa circonscription de l'Essonne, tout comme le ministre des Affaires européennes Clément Beaune à Paris.

Elisabeth Borne est, elle, en meilleure posture dans le Calvados avec 34,32% devant la Nupes (24,53%).

En cas de défaite pour l'un des quinze ministres engagés, la démission sera inéluctable conformément à une règle non écrite mais déjà appliquée en 2017 par M. Macron.

"La vérité est que le parti présidentiel est battu et défait", a lancé l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui a appelé le "peuple" à "déferler dimanche prochain" dans les isoloirs.

L'enjeu est de tenter de trouver les réserves de voix suffisantes pour envoyer, comme il le souhaite, le leader insoumis à Matignon et tenter d'imposer à M. Macron un gouvernement de cohabitation, comme la gauche plurielle y était parvenue en 1997 avec Lionel Jospin.

Alors que M. Mélenchon avait exhorté les Français à faire de ces élections un "troisième tour" de la présidentielle, la gauche devrait quoiqu'il arrive être le principal bloc d'opposition au Palais-Bourbon. Une forme de victoire, fruit de l'accord d'unité arraché.

LREM a indiqué qu'elle ne donnerait pas de consigne nationale mais "au cas par cas" dans les circonscriptions où s'opposent des candidats du RN et de la Nupes, jugeant que certains candidats de la gauche unie étaient des "extrêmes". Un choix jugé "scandaleux" par l'écologiste Yannick Jadot.

"Un scandale démocratique", a accusé le président de SOS racisme Dominique Sopo qui a souligné que l'extrême droite était "le camp du racisme tout autant que du refus de l'égalité et de la démocratie".

Face à un début de polémique Elisabeth Borne a tweeté dans la soirée: "Face à l'extrême droite, nous soutiendrons toujours les candidats qui respectent les valeurs républicaines", réponse à une demande de clarification de Fabien Roussel. "Notre ligne: ne jamais donner une voix à l'extrême droite", a-t-elle clarifié.

Le RN progresse et espère un groupe à l'Assemblée

Le Rassemblement national a progressé dimanche au premier tour des législatives et sera présent au second tour dans 200 circonscriptions, mais il reste en voix à la troisième place derrière la majorité sortante et la Nupes.

Sur la lancée d'un score d'environ 19% des voix (13,2% en 2017), le parti d'extrême droite espère obtenir un groupe à l'Assemblée nationale pour la première fois depuis 1986. Pour cela, il doit obtenir au moins 15 députés.

L'institut Harris crédite le RN de 23 à 45 sièges, Elabe de 25 à 35 sièges. Mais l'institut Ifop est moins optimiste et lui donne entre 5 et 25 sièges.

Le RN troisième, Zemmour éliminé

Comme prévu, les candidats du Rassemblement national (18,68%) n'ont pas réussi à capitaliser sur la dynamique de Marine Le Pen qui avait engrangé à la présidentielle plus de 40% des voix au second tour. Cantonné à huit élus en 2017, le contingent de députés RN devrait cependant être nettement plus étoffé cette fois, et compter encore dans ses rangs Mme Le Pen, largement en tête dans sa circonscription du Pas-de-Calais (53,96% mais non élue faute de votants suffisants).

Depuis son fief d'Hénin-Beaumont, elle a exhorté les électeurs à "envoyer un groupe très important de députés patriotes dans la nouvelle Assemblée nationale".

En cas de duel entre Ensemble! et la Nupes, Mme Le Pen a incité ses partisans à "ne pas choisir". "La France n'est ni une salle de marché ni une ZAD", a-t-elle tonné.

A l'inverse, dans le sillage de la lourde chute de sa candidate Valérie Pécresse à la présidentielle, LR (10,42%) devrait perdre sa place de premier groupe d'opposition à l'Assemblée nationale.

Les Républicains vont compter leurs survivants parmi la centaine de sortants, en espérant tirer au maximum profit de leur ancrage local. Mais d'ores et déjà plusieurs figures ont été battues dimanche, comme Julien Aubert, Gilles Platret ou Guillaume Larrivé.

De son côté, Eric Zemmour, qui fut l'un des animateurs de la présidentielle, a raté son atterrissage en politique. Le polémiste d'extrême droite a été éliminé dans le Var, tout comme les autres ambassadeurs de son parti Reconquête!, Guillaume Peltier dans le Loir-et-Cher et Stanislas Rigault dans le Vaucluse.


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
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  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.

 

 


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.