BANCA : En campagne à Banca, petit village de la très rurale 4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, le berger et candidat Julien Lassalle a délibérement oublié son béret noir, qui rappelle un peu trop à son goût Jean, son médiatique frère et député sortant.
"J'avais déjà assez une image de demi-candidat et de petit frère", sourit le frère de Jean Lassalle, l'ex-candidat à la présidentielle et député depuis 20 ans de ce territoire entre Béarn et Pays basque, à qui il va tenter de succéder.
Julien Lassalle, 62 ans, berger à Lourdios-Ichère en vallée d'Aspe et candidat sous les couleurs du mouvement fraternel Résistons!, n'est pourtant pas totalement novice en politique.
Il s'était présenté aux élections régionales en 2021, pour le Mouvement de la ruralité, avec un score de 13,6% dans le département.
Depuis, Jean Lassalle a annoncé son retrait et proposé à son cadet de prendre le relais. "Il était à peu près sûr de passer pourtant !", affirme le candidat.
Ce jour de début juin, celui-ci fait campagne dans une vallée reculée du Pays basque, la vallée des Aldudes, entre montagnes et Navarre voisine. Ici, Pampelune est bien plus proche que Bayonne.
A Banca, village pentu de 320 âmes, Julien Lassalle et sa suppléante Véronique Mongaston rencontrent le maire, Michel Oçafrain, et quelques administrés.
L'édile détaille les projets de sa commune, touchée comme tous les villages alentour par la baisse démographique. Désenclavement économique et numérique, prise en charge des seniors isolés, problèmes de voirie dans un coin régulièrement touché par de violentes intempéries : il met tout sur la table. Sans oublier le monde agricole, étranglé par l'inflation.
«Aller voir les maires»
A Urepel (280 habitants), la maire Xole Aire tient le même discours. "La très grosse inquiétude, c'est les prix. Je ne sais pas comment on va faire pour vivre de l'agriculture. Les gens ont le visage fermé".
Depuis le début de la campagne, Julien Lassalle a rencontré les maires de 150 communes de sa vaste circonscription. Il compte bien arriver aux 230 d'ici le 12 juin. "À force, la timidité m'a un peu quitté", commente le candidat, bien loin des coups d'éclats médiatiques du grand frère.
"Vous croyez que c'est suffisant de rencontrer le maire et les élus ?", l'interroge Martin Suquilbide, maire des Aldudes, 310 habitants. "Oui, parce que le maire dans un petit village, c'est l'ancien Facebook : quand il y a un décès, tout le monde le sait avant midi", répond Julien.
"Cette phrase sur Facebook, c'est son idée !", s'amuse le grand frère, joint par l'AFP. Le député sortant ne s'est néanmoins pas privé de quelques conseils.
"Je lui ai suggéré d'aller voir tous les maires et de les interroger sur leurs difficultés." Les visites font mouche. "Les gens sont pragmatiques. On n'aime pas trop les belles paroles, mais plutôt les gens de terrain qui se déplacent", résume Xole Aire.
S'appeler Lassalle dans les Pyrénées-Atlantiques est presque une étiquette. "Il est sympathique, il a l'air sincère, mais son créneau c'est quand même de dire +vous avez connu Jean, voilà son frère+", relève Egoitz Urrutikoetxea, candidat de la gauche abertzale ("patriote" en basque).
Iñaki Echaniz, candidat Nupes, a grandi avec les enfants des frères Lassalle : "J'apprécie Julien et Jean même si on n'est pas d'accord politiquement".
Plutôt que faire "tomber un Lassalle", il se consacre à "faire gagner" son projet. L'absence du médiatique frère aîné même remplacé par Julien, crée l'occasion de "faire basculer cette circonscription à gauche", estime-t-il.
L'électorat paysan est une clé du succès, tous le savent. Annick Trounday, candidate de la majorité gouvernementale, a "beaucoup de respect" pour les deux frères, mais cette "fille, sœur et épouse d'agriculteur" vise le fauteuil du sortant.
En 2017, le candidat de La République en marche était en tête au 1er tour, avant de perdre face à Jean Lassalle, réélu avec 52,7 % des voix.