De Saddam Hussein à l'EI: l'Irak n'en finit pas de fouiller ses charniers

Des femmes tiennent des photos de leurs fils disparus dans la ville de Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 10 mai 2022 (Photo, AFP).
Des femmes tiennent des photos de leurs fils disparus dans la ville de Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 10 mai 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 10 juin 2022

De Saddam Hussein à l'EI: l'Irak n'en finit pas de fouiller ses charniers

  • Depuis 1980 et la guerre avec l'Iran, l'Irak a vécu de dictature en conflits, passant du régime de Saddam Hussein à la guerre confessionnelle de 2006-2008
  • L'Irak est d'ailleurs l'un des pays qui comptent le plus grand nombre de personnes disparues, selon la Comité international de la Croix-Rouge

NAJAF: La pelleteuse vrombit et les légistes se mettent au travail: à Najaf comme dans de nombreux endroits en Irak, des ossements sont exhumés pour identification, une tâche titanesque dans un pays où les charniers témoignent de l'horreur des conflits passés.

La scène se répète inlassablement. Un crâne est débarrassé d'une couche de glaise, un tibia placé dans un sac mortuaire et le travail d'investigation peut commencer en laboratoire, où les ossements seront croisés avec les échantillons de sang des proches des disparus.

Depuis 1980 et la guerre avec l'Iran, l'Irak a vécu de dictature en conflits, passant du régime de Saddam Hussein à la guerre confessionnelle de 2006-2008 au règne de la terreur du groupe djihadiste Etat islamique (EI), défait en 2017. Tant de victimes, tant de charniers.

L'Irak est d'ailleurs l'un des pays qui comptent le plus grand nombre de personnes disparues, selon la Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

A Najaf (centre), les fouilles ont débuté en mai sur un terrain d'environ 1 500 m2 pour exhumer les ossements de victimes de la répression du soulèvement anti-Saddam de 1991. La fosse commune, où se trouvent les restes d'une centaine de disparus, a été découverte lorsque des promoteurs ont voulu préparer le terrain avant la construction de bâtiments.

«Il n'est jamais venu»

Intissar Mohammed a été convoquée pour donner une goutte de sang, les autorités pensant que les restes mortuaires de son frère pourraient se trouver dans ce charnier.

Hamid a disparu en 1980, sous Saddam Hussein. A l'époque, sa soeur Intissar et toute la famille s'installent en Syrie. Hamid reste en Irak pour ses études avec la promesse de les rejoindre ensuite.

"On l'a attendu, mais il n'est jamais venu", raconte Intissar Mohammed entre deux sanglots. Le jeune homme aurait été enlevé par des inconnus "et nous n'avons plus jamais eu de nouvelles", dit-elle.

Rentrée en Irak en 2011, Intissar garde l'espoir d'en savoir plus. La goutte de sang qu'elle a donnée sera "comparée avec les ossements retrouvés in situ", explique Wissam Radi, technicien de la médecine légale de Najaf.

Mais le processus d'identification prend du temps et use la patience des proches qui se sentent parfois abandonnés.

Car ouvrir un charnier et identifier les victimes a un coût et "les obstacles les plus importants sont financiers", explique Dergham Kamel de la Fondation des martyrs, une institution gouvernementale chargée de la gestion des charniers.

La Direction de la protection des fosses communes n'a reçu "aucun financement du gouvernement" entre 2016 et 2021, assure-t-il.

Et il faut compter avec la centralisation de l'Irak qui ralentit tout, les comparaisons génétiques étant exclusivement réalisées à Bagdad.

A Mossoul, que l'EI a tenue de 2014 à 2017, et dans le nord de l'Irak, les légistes progressent lentement dans l'analyse des quelque 200 charniers laissés par les djihadistes.

«Que Dieu ait pitié»

Hassan al-Anazi, directeur de la médecine légale de Ninive, province dont Mossoul est le chef-lieu, demande ainsi à ce que la base de données des disparus regroupe les identités de la totalité des victimes de l'EI de la région. En vain.

"On compte des milliers de disparus", explique-t-il. "Chaque jour, une trentaine de familles viennent nous voir pour nous demander des nouvelles de leurs proches".

Or, faute de volonté politique, "le charnier de Khasfa (à Mossoul), l'un des plus grands, n'a toujours pas été ouvert. Il contient les restes d'officiers, de médecins et d'universitaires tués par l'EI" et compterait environ 4 000 victimes.

Oum Ahmed est en quête d'informations sur le sort de ses fils. Ahmed et Faris étaient policiers quand l'EI s'est emparé de Mossoul en 2014. Ils ont été enlevés par les djihadistes et ont disparu.

"J'ai frappé à toutes les portes. Je suis même allée à Bagdad. Mais je n'ai obtenu aucune réponse", dit-elle.

Tant que les restes d'une personne disparue n'ont pas été identifiés, les proches ne reçoivent par ailleurs aucune indemnisation de l'Etat irakien. Or, dans bien des cas, les pères, fils et frères tués par l'EI étaient soutiens de famille.

Pour aider les familles, Dalia al-Mamari a créé l'association La ligne humaine à Mossoul qui prodigue ses conseils sur le processus d'indemnisation. Elle déplore que "le gouvernement (soit) très lent". Et, "souvent, il nous donne pour toute réponse: +vos enfants sont morts, que Dieu ait pitié d'eux+", soupire-t-elle.


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.