Ukraine: combats de rue et bombardements russes à Severodonetsk, ville clé du Donbass

Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes (Photo, AFP).
Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 10 juin 2022

Ukraine: combats de rue et bombardements russes à Severodonetsk, ville clé du Donbass

  • Le Palais des Glaces, un des symboles de la ville, a été détruit dans un incendie provoqué par les bombardements russes
  • Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville du Donbass, Kramatorsk, étape importante pour conquérir l'intégralité de cette région frontalière de la Russie

LYSSYTCHANSK: Les forces ukrainiennes ont indiqué vendredi être à l'offensive dans la région occupée de Kherson (sud), dont elles redoutent une prochaine annexion par la Russie, tandis qu'elles continuent à "tenir bon" dans la ville-clé de Severodonetsk, dans l'est du pays.

"Notre aviation a frappé des positions russes, des sites où se concentrent équipements et personnel et des dépôts autour de cinq localités de la région de Kherson", a indiqué l'état-major de l'armée ukrainienne sur Facebook.

Depuis plusieurs jours, les Ukrainiens font état de combats dans cette région, dont la quasi-totalité est occupée par les troupes russes depuis les premiers jours de l'invasion russe lancée le 24 février.

Les autorités locales mises en place par Moscou réclament haut et fort une annexion. Un des négociateurs russes sur le conflit en Ukraine a évoqué le 1er juin la prochaine organisation d'un référendum dans les territoires occupés par les Russes sur cette question, qui pourrait avoir lieu en juillet.

Un projet qualifié d'"illégal" par Kiev, et qui rappelle le référendum qu'avait organisé la Russie en Crimée en 2014, avant d'annexer la péninsule dans la foulée.

Les informations sur ce qui se passe dans cette région - reliée à la Crimée par une bande de terre - sont rares.

Kiev a accusé mardi l'armée russe d'y avoir emprisonné près de 600 personnes, essentiellement des journalistes et militants pro-Kiev, et de les soumettre à des "tortures". Lors d'un voyage de presse organisé à Kherson par le ministère russe de la Défense fin mai, les habitants rencontrés par l'AFP se muraient dans le silence pour la plupart.

Le président russe Vladimir Poutine a lui comparé sa politique à celle du tsar Pierre le Grand, qui avait envahi une partie de la Suède ainsi que la Finlande, une partie de l'Estonie et de la Lettonie.

"On a l'impression qu'en combattant la Suède, il s'emparait de quelque chose. Il ne s'emparait de rien, il reprenait", a affirmé M. Poutine lors d'une rencontre avec des jeunes entrepreneurs à Moscou. "Apparemment, il nous incombe aussi de reprendre et de renforcer", a ajouté le président russe, semblant faire allusion à l'offensive russe en Ukraine.

Poursuite de la bataille de Severodonetsk 

Dans le Donbass, la bataille pour la ville-clé de Severodonetsk et sa ville jumelle Lyssytchansk continue, de plus en plus meurtrière.

"Severodonetsk, Lyssytchansk, et d'autres villes du Donbass, que les occupants considèrent maintenant comme leurs cibles, tiennent bon", a déclaré M. Zelensky dans une allocution jeudi soir.

Mais les combats se poursuivent dans la ville et les bombardements sont constants, a indiqué vendredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région. Il a souligné notamment que le Palais des Glaces, un des symboles de la ville, avait été détruit dans un incendie résultant d'un bombardement russe.

Lui qui affirmait il y a trois jours que Moscou s'était fixé pour objectif de prendre la ville d'ici au 10 juin s'est aussi félicité qu'ils n'aient "pas réussi", sur sa messagerie Telegram.

Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville du Donbass, Kramatorsk, étape importante pour conquérir l'intégralité du bassin du Donbass, région essentiellement russophone de l'est de l'Ukraine, en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

La bataille, qui dure depuis plusieurs semaines, est particulièrement meurtrière. Kiev déplore chaque jour "jusqu'à 100 soldats" tués et "500 blessés" dans les combats, a indiqué jeudi le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov. Les Russes eux ne disent rien sur leurs pertes.

Armes lourdes au compte-gouttes 

L'Ukraine pourrait toutefois reprendre Severodonetsk "en deux, trois jours", dès qu'elle disposera d'artillerie occidentale "de longue portée", avait assuré jeudi M. Gaïdaï.

Les Ukrainiens, qui en 107 jours de guerre ont épuisé leurs armements de fabrication russe et soviétique selon des sources militaires américaines, ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples - notamment des Himars d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

Si l'armement occidental semble arriver au compte-goutte en Ukraine, c'est parce que les alliés veulent s'assurer que Kiev est capable de l'absorber en toute sécurité et de limiter les risques de bombardement de ses stocks de munitions, expliquent ces sources militaires américaines.

"Nous essayons de maintenir un flux constant", a indiqué un responsable militaire américain.

M. Zelensky a dit avoir évoqué avec Emmanuel Macron l'aide militaire de la France à l'Ukraine, lors d'un échange téléphonique jeudi. Le président français, qui préside aussi l'Union européenne jusqu'au 30 juin, a notamment interrogé le président ukrainien "sur ses besoins" en équipements militaires, y compris "en armes lourdes", a confirmé Paris.

Les deux dirigeants ont aussi évoqué la candidature de Kiev à l'entrée dans l'UE. L'Ukraine espère que les Vingt-Sept lui accorderont, à l'issue d'un sommet les 23-24 juin, le statut officiel de candidat à une adhésion, début d'un processus qui peut durer des années.

Condamnés à mort 

Dans ce contexte, les autorités séparatistes prorusses ont annoncé jeudi la condamnation à mort de deux Britanniques et d'un Marocain.

Les Britanniques Aiden Aslin et Shaun Pinner et le Marocain Brahim Saadoun, qui vont faire appel, sont accusés d'avoir participé aux combats comme "mercenaires" aux côtés des Ukrainiens, a annoncé l'agence de presse officielle russe TASS.

Après Londres jeudi, le Haut commissariat de l'ONU pour les droits de l'Homme a fait part vendredi de sa préoccupation.

"Depuis 2015, nous avons observé que le soi-disant système judiciaire de ces républiques autoproclamées ne satisfont pas aux garanties essentielles d'un procès équitable (...). De tels procès contre des prisonniers de guerre constituent un crime de guerre", a déclaré une porte-parole, Ravina Shamdasani, depuis Genève.

Parallèlement, les chefs d’Etat de neuf pays d’Europe centrale et de l’Est (Roumanie, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, République tchèque, Slovaquie) se réunissent vendredi à Bucarest afin de plaider pour un renforcement du flanc oriental de l’Otan, à moins de trois semaines du sommet de l’Alliance, prévu du 28 au 30 juin à Madrid.

Malade, le secrétaire-général de l’Otan Jens Stoltenberg n'y participera que par visioconférence.

Céréales: le président sénégalais à Paris

La guerre a aussi provoqué une flambée des prix des céréales et des engrais, qui devrait avoir pour conséquence en 2022 une hausse dramatique de la facture pour les pays importateurs, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Les exportations de céréales ukrainiennes sont paralysées par le blocage de ses ports par la flotte russe de la mer Noire, et les pays africains et moyen-orientaux sont les premiers menacés par une crise alimentaire.

Le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l'Union africaine, doit rencontrer vendredi Emmanuel Macron en France, et compte lui demander la levée de sanctions européennes contre la Russie, en particulier l'exclusion de banques russes du système Swift, rouage essentiel des transferts de fonds internationaux, a-t-il dit.

M. Zelensky a lui demandé jeudi l'exclusion de la Russie de la FAO. L'organisation n'a pas immédiatement réagi à cet appel.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »