La loi israélienne devrait fermement s’appliquer aux colons de Homesh

Le village palestinien de Barqa, avec un drapeau israélien qui flotte sur l’avant-poste de Homesh en Cisjordanie, le 17 janvier 2022 (Photo, AP).
Le village palestinien de Barqa, avec un drapeau israélien qui flotte sur l’avant-poste de Homesh en Cisjordanie, le 17 janvier 2022 (Photo, AP).
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Publié le Vendredi 10 juin 2022

La loi israélienne devrait fermement s’appliquer aux colons de Homesh

La loi israélienne devrait fermement s’appliquer aux colons de Homesh
  • Il est évident que les colonies sont un obstacle majeur à la paix et à la coexistence en Terre sainte
  • Le retrait des colons israéliens de Homesh constituerait un acte de rétablissement de la loi et de l'ordre et rendrait tardivement justice aux Palestiniens

Il y a dix-sept ans, Israël mettait en vigueur son plan de désengagement. Ce dernier est en grande partie associé au retrait des colonies juives de la bande de Gaza, mais l’on oublie que, dans une sorte de ballon d’essai, le gouvernement dirigé par Ariel Sharon avait également décidé d’évacuer quatre colonies de Cisjordanie. Cet événement aurait pu être le précurseur d’un désengagement unilatéral en Cisjordanie et de l’évacuation de dizaines de milliers de colons israéliens là-bas, en particulier ceux basés dans les colonies isolées et à proximité des grands centres de population palestiniens. C’était sans compter la fin brutale de la carrière politique de M. Sharon pour cause de maladie. Sa disparition a éliminé cette option et on connaît bien la suite.

Homesh, au nord de la Cisjordanie, était l’une des colonies évacuées en 2005 par les Forces de défense israéliennes (Tsahal), mais, depuis lors, des colons juifs religieux ultranationalistes ont tenté à plusieurs reprises de la reconstruire et de s’y réinstaller. Le gouvernement israélien est impuissant face à ces extrémistes qui s’installent sur ce bout de terre palestinien privé.

Il se trouve que j’ai été le témoin direct du plan de désengagement de Gaza et dans les quatre colonies de Cisjordanie. Je faisais partie du comité de presse internationale qui s’est rendu là-bas pour rapporter au monde ce qui, quelques mois plus tôt, semblait être une tâche impossible: retirer les colonies juives des territoires palestiniens occupés. Tsahal l’a fait avec une efficacité impressionnante, même si la logique du caractère unilatéral de cette opération reste très discutable.

Pourtant, aussi importante qu’ait été l’évacuation de la bande de Gaza – sans victimes ni incidents majeurs –, c’est l'évacuation de Homesh qui a marqué le plus durablement les esprits, depuis la minute où nous sommes arrivés là-bas au milieu de la nuit jusqu’à ce que tous les colons soient évacués par les soldats israéliens dès le lendemain. Ce sont les propos ignobles et menaçants proférés par ces colons envers les soldats et la presse qui ont donné la forte impression que le dernier mot n’avait pas été dit.

Les colons n’ont montré aucun respect pour la loi ou les personnes chargées de l’appliquer. Ils étaient déterminés à mener un dernier combat en se barricadant sur les toits qu’ils ont entourés de barbelés. Avec des renforts issus d’autres colonies, ils voulaient que le gouvernement israélien et le public national et international sachent qu’ils n'avaient aucune intention d’accepter une évacuation définitive.

J’ai quitté les lieux avec la forte impression qu’il existe une part de la société israélienne –même si je soupçonne qu’elle n’en fait plus partie intégrante – qui n’acceptera pas l’autorité de l’État d’Israël à moins que cela ne serve ses propres objectifs et que cela facilite ses activités illégales, soit construire des colonies. Les conseils viennent plutôt des rabbins et des écrits religieux, ce qui pousse ces gens-là à croire qu’ils ont un droit divin sur cette terre.

«Certains colons ont refusé d’accepter qu’une loi puisse s’appliquer à eux, mais, malgré cela, ils n’ont subi aucune répercussion juridique évidente.» - Yossi Mekelberg

Par conséquent, les lois promulguées par l’État ne s’appliquent tout simplement pas à eux. Cette attitude se reflète dans leur vision des Palestiniens qui vivent sur cette terre depuis des siècles. Ces colons messianiques et ultranationalistes les perçoivent au mieux comme des hôtes à tolérer. Et pour souligner cette croyance en leur propre suprématie, ils harcèlent constamment leurs voisins palestiniens en leur rendant la vie aussi inconfortable que possible dans leurs propres maisons et sur leur propre terre.

À la fin du mois dernier, des avocats du gouvernement israélien ont déclaré à la Haute Cour de justice que ceux qui se sont réinstallés à Homesh doivent être expulsés. Cette décision intervient à la suite d’une pétition déposée par des Palestiniens du village voisin de Barqa qui possèdent le terrain et à qui l’on a refusé l’accès depuis la construction de Homesh en 1978, même après l’expulsion ultérieure de ses résidents juifs. Cependant, ces avocats n’ont pas fait part à la plus haute juridiction du pays du calendrier d’évacuation des colons et ils ne semblent d’ailleurs pas avoir été encouragés à le faire par les juges. Le tribunal a été informé que le gouvernement procéderait à une «évaluation hebdomadaire de la situation» pour établir un tel calendrier.

En d’autres termes, une nouvelle évacuation pourrait ne jamais avoir lieu, ce qui défie à la fois la justice et le bon sens. Après tout, Homesh est un cas particulièrement extrême d’avant-poste illégal. Il ne s’agit pas seulement du droit international qui interdit toutes les colonies ou même que tous les gouvernements israéliens considèrent les avant-postes comme illégaux (jusqu’à ce qu'ils changent d’avis sous l’effet de la pression politique). Dans le cas de Homesh, leur présence là-bas viole également la loi très spécifique sur le désengagement qui stipule que les juifs ne peuvent pas y vivre. Cette colonie est née dans le péché en 1978, privant les Palestiniens de leur terre. Depuis son évacuation, certains colons ont refusé d’accepter qu’une loi puisse s’appliquer à eux, mais, malgré cela, ils n’ont subi aucune répercussion juridique évidente.

Pour quiconque aspire à ce que les Israéliens et les Palestiniens vivent en paix en Terre sainte, il est évident que les colonies sont un obstacle majeur à la paix et à la coexistence et un facteur qui contribue grandement aux frictions quotidiennes avec les Palestiniens, délibérément provoquées par les occupants de ces communautés et avant-postes illégaux. Mais ceux qui s’infiltrent dans des endroits comme Homesh représentent un danger supplémentaire en sapant l’autorité de l’État et l’ensemble du système juridique qu’ils ont déjà nettement affaibli.

Ironiquement, malgré leur comportement criminel, ils bénéficient de la protection des forces de sécurité, au lieu d’être poursuivis et punis chaque fois qu’ils commettent une infraction. Il est tout aussi inquiétant de constater qu’un groupe de députés écervelés les soutient activement en visitant Homesh et en encourageant ses habitants à résister à leur expulsion. Je ne peux imaginer une alliance plus troublante entre voyous et députés. Si la loi doit s’appliquer aux premiers, les seconds ne méritent pas leur position privilégiée – et certainement pas la confiance du public.

Le retrait des colons israéliens de Homesh constituerait un acte de rétablissement de la loi et de l'ordre et rendrait tardivement justice aux Palestiniens auxquels la terre a été volée. C’est un premier pas pour que le gouvernement israélien impose son autorité à ces colons qui nuisent à la fois à la société palestinienne et à la société israélienne.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

Twitter: @Ymekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com