TUNIS: L’ambassadeur André Parant a un rêve: que son pays redevienne le premier fournisseur de la Tunisie, une position qu’il a perdue en 2017 au profit de l’Italie. Mais, de l’aveu même du diplomate français, l’environnement des affaires n’est guère favorable à l’investissement en Tunisie.
Comme il l’a récemment rappelé lors d’une conférence sur les relations franco-tunisiennes, la France reste, et de loin, le principal allié du plus petit pays du Maghreb sur le plan économique.
Elle en est en effet son premier partenaire commercial, avec 7 milliards d’euros en 2021, son premier client, avec près du quart des exportations tunisiennes. La balance commerciale est excédentaire au profit de la Tunisie; l’année dernière, le déficit commercial français s’élevait à près d’1,3 milliard d’euros. Les échanges entre les deux pays ont baissé de 20% en 2020 et ils ont augmenté de près de 17% l’année suivante, revenant presque à leur niveau de 2019, note l’ambassadeur.
L’érosion de la position commerciale de France en Tunisie tient, d’après l’ambassadeur de France, au fait que ce pays «a beaucoup développé ses partenariats avec d’autres, dont la Chine et la Turquie.
La France occupe également la première place en Tunisie en termes d’investissements en stocks et c’est le premier investisseur en flux (hors énergie). On compte dans le pays du Jasmin 1 400 entreprises totalement ou partiellement françaises.
L’érosion de la position commerciale de France en Tunisie tient, d’après l’ambassadeur de France, au fait que ce pays «a beaucoup développé ses partenariats avec d’autres, dont la Chine et la Turquie, qui n’y exportaient rien il y a vingt ans». Ce n’est pas le cas de l’Italie.
Cette dernière est la concurrente la plus sérieuse de la France en Tunisie, et depuis très longtemps. Certes, l’Italie n’était en 2020 que le troisième investisseur étranger du pays (avec 56 millions d’euros), derrière la France (174 millions d’euros) et l’Allemagne (58,3 millions d’euros). Mais elle se plaçait en deuxième position par le nombre d’entreprises totalement ou partiellement italiennes (près de 750 sur un total de 3700 entreprises étrangères).
D’ailleurs, l’Italie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Promos Italia est une structure du système de la Chambre de commerce italienne qui compte quinze membres présents dans neuf régions italiennes. Au mois d’avril 2022, elle a conclu avec Fipa-Tunisia un mémorandum d’entente avec l’agence de promotion de l’investissement étranger en Tunisie. Il s’agit d’un accord destiné à soutenir l’internationalisation des entreprises italiennes dans le pays et à améliorer les relations commerciales entre l’Italie et la Tunisie.
«Aucun investisseur français n’a manifesté de volonté de désinvestir, mais ceux qui comptaient augmenter leurs investissements les retardent et les nouveaux qui regardent la Tunisie attendent que les choses se clarifient pour concrétiser»
Un accord similaire a été conclu entre Fipa-Tunisia et Business France le 3 juin 2021, à l'occasion de la tenue, à Tunis, du 3e Haut Conseil de coopération franco-tunisien (HCC).
André Parant a beau être déterminé pour que son pays redevienne le premier fournisseur de la Tunisie, il n’est pas sans savoir que cette tâche incombe aux opérateurs privés, français et tunisiens, comme le rappelle une source proche du dossier. Or, la Tunisie est actuellement loin d’être accueillante pour les investisseurs, qu’ils soient tunisiens ou étrangers.
«La Tunisie dispose de beaucoup d’atouts, mais il y a des choses qui ne vont pas», observe l’ambassadeur. Les investisseurs sont en effet confrontés à cinq problèmes au moins: l’instabilité fiscale, un code des changes d’un autre âge, la faiblesse de la logistique, le secteur informel ainsi que «le retard pris dans la mise en œuvre des réformes économiques, qui pèse sur l’environnement des affaires», détaille Khelil Chaibi, nouveau président de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI). À cela s’ajoute «l’absence de visibilité», regrette André Parant.
«Aucun investisseur français n’a manifesté de volonté de désinvestir, mais ceux qui comptaient augmenter leurs investissements les retardent et les nouveaux qui regardent la Tunisie attendent que les choses se clarifient pour concrétiser», constate l’ambassadeur.