PARIS : Fraîchement nommé au ministère de l'Agriculture, Marc Fesneau s'attaque à l'épineux dossier des négociations commerciales entre industriels et grande distribution, qui saluent son implication mais avertissent d'un mois de juin «vraiment critique» en période de forte inflation.
Les enjeux sont importants puisque ces discussions annuelles déterminent le prix de nombreuses denrées qui seront ensuite vendues dans les rayons des grandes surfaces.
Le nouveau ministre de l'Agriculture? «Naturellement attentif au fonctionnement de l'ensemble de la filière, et en même temps très conscient du problème de pouvoir d'achat des consommateurs», dixit Jacques Creyssel, le délégué général de la FCD, représentant de la grande distribution.
«Il a pris immédiatement la mesure du sujet, et a montré une sensibilité très fine sur le sujet», selon Richard Panquiault, directeur général d'une organisation représentant de nombreux industriels vendant sous marque nationale (l'Ilec, ou Institut de liaisons des industries de consommation).
Le ministre, qui a animé jeudi un comité de suivi sur les négociations, avait «manifestement bien préparé ses dossiers», rapporte Jean-Philippe André, président de l'Ania, principale organisation de l'agroalimentaire.
Un consensus plutôt rare chez les représentants de la grande distribution ou de l'agroindustrie, qui ont plutôt l'habitude de ferrailler sur le sujet des négociations commerciales.
- Des intérêts divergents -
Julien Denormandie, prédécesseur de Marc Fesneau, avait poussé les différents acteurs à se remettre autour de la table à peine les négociations annuelles achevées, le 1er mars, pour que l'exceptionnelle inflation du coût de l'énergie, du transport ou des matières premières agricoles soit bien prise en compte dans le prix des produits.
La production de denrées alimentaires est de moins en moins rentable si le prix de vente n'est pas réévalué à la hausse, plaident les agriculteurs et les industriels.
«Le problème, c'est qu'aujourd'hui l'entreprise doit accepter les hausses de l'amont sans jamais savoir si les augmentations seront prises en compte par le client», résume le président de l'Ania.
De leur côté, les grandes surfaces entendent limiter au maximum les hausses de prix d'achat à leurs fournisseurs pour ne pas rogner leurs propres marges et continuer à être compétitifs vis-à-vis des consommateurs.
Mais il ne faut «pas d’amalgame» entre les besoins des filières en amont et les questions de «pouvoir d’achat», plaide Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA.
«Les renégociations portent sur à peu près la moitié du total des contrats, ce qui constitue des renégociations extrêmement lourdes», note Jacques Creyssel auprès de l'AFP.
- 10% de hausses de prix -
«Chaque jour qui passe coûte des millions, voire des dizaines de millions à l'industrie», en raison d'une hausse constante des coûts de production, souligne Richard Panquiault.
S'il donne un bon point à Lidl et Auchan, avec lesquels «on a des discussions qui avancent», le directeur général de l'Ilec regrette que certains commerces soient «vraiment excessifs dans leurs demandes» de transparence, soupçonnant certains de le faire pour «gagner du temps» alors que le mois de juin est présenté comme «vraiment critique».
Dans tous les cas, assure Jacques Creyssel, «l'impact va être important, avec des hausses de prix demandées de 10% en moyenne». Ceci alors qu'«on constate d'ores et déjà des répercussions assez fortes» avec une baisse de consommation de nombreux produits «et un report sur les premiers prix et les marques de distributeur».
«Cela signifie que l'inflation risque de se traduire par une contraction de l'activité, c'est un sujet à regarder de très près», alerte encore Jacques Creyssel.
Il est «très clair que la situation est très inconfortable pour tout le monde et très dangereuse pour un certain nombre d'acteurs», conclut Richard Panquiault.