WASHINGTON: L'administration Biden tente d'inverser la vapeur sur l'inflation, qui semble incontrôlable, afin de regagner un peu de popularité à quelques mois des élections de mi-mandat, mais ses leviers sont en réalité très réduits.
"Il y a plusieurs manières de (...) maintenir le niveau de vie", a déclaré Joe Biden mercredi, lors d'une rencontre à la Maison Blanche avec les fabricants de lait pour bébé, produit touché par une pénurie.
Il a évoqué par exemple une baisse du prix des médicaments, ou de la garde d'enfants, pour aider les parents à reprendre le travail, alors qu'une pénurie de main d'oeuvre pousse les employeurs à augmenter les salaires, ce qui contribue à alimenter l'inflation.
Le président démocrate a cependant reconnu que son administration était à court de possibilités quant à une "action immédiate" pour faire baisser le prix de l'essence.
"Il n'y a pas grand-chose que l'administration puisse faire directement pour combattre l'inflation", a ainsi expliqué à l'AFP Gregory Daco, économiste en chef d'EY-Parthenon.
Joe Biden s'en était notamment remis mardi à la banque centrale américaine, la Fed, dont la mission est à la fois de contrôler les prix et d'assurer le plein emploi. Son président Jerome Powell avait été reçu à la Maison Blanche, en présence de la ministre de l'Économie et des Finances, Janet Yellen.
Mais cette rencontre "est plus un symbole visant à montrer que l'administration a conscience que l'inflation affecte de nombreux ménages aux États-Unis et que c'est un fléau qu'il faut résoudre de manière urgente", selon Gregory Daco.
Cela signale aussi que "l'administration n'a pas le pouvoir de limiter l'inflation de manière directe", a-t-il ajouté.
«Aider la Fed»
Réduire le coût de certains médicaments, augmenter les impôts pour les Américains les plus riches et pour les multinationales, accélérer la construction de logements, puiser dans les réserves stratégiques...,Joe Biden a détaillé lundi, dans une tribune dans le Wall Street Journal, certaines options possibles, ou les mesures déjà lancées.
Mais, pour la plupart, elles "nécessitent soit que le Congrès adopte une législation (bonne chance!), soit elles seront peu efficaces pour réduire l'inflation à court terme", relève dans un billet l'économiste Stephanie Kelton, professeure à l'université Stony Brook.
Le gouvernement fédéral peut pourtant, à travers sa politique budgétaire, "aider la Fed à faire son travail", estime pour sa part Marc Goldwein, vice-président du Committee for a Responsible Federal Budget, une organisation centriste.
"Le gouvernement dispose de nombreux autres outils pour réduire la demande, stimuler l'offre de main-d'œuvre et de capital, encourager l'épargne et réduire directement les prix", relève-t-il mercredi dans une série de tweets.
Une autre mesure serait de réduire les droits de douane sur des centaines de milliards de produits chinois, ce que la Maison Blanche hésite à faire dans un contexte de tensions diplomatiques avec Pékin.
L'inflation a un peu ralenti en avril, mais reste proche de son plus haut niveau en 40 ans, à 8,3% selon l'indice CPI.
«Réduire les coûts»
À défaut d'avoir une réelle marge de manœuvre sur la trajectoire des prix, l'administration joue à présent la carte de la communication.
"Le président a souligné son intention de faire tout ce qu'il peut pour réduire les coûts auxquels les Américains sont confrontés pour des postes importants de leur budget", a déclaré Janet Yellen mercredi sur CNBC.
Mardi, la secrétaire au Trésor a par ailleurs fait son mea culpa, reconnaissant n'avoir pas su anticiper la vigueur ni la persistance de l'inflation.
Le principal conseiller économique de Joe Biden, Brian Deese, s'était exprimé mardi devant les journalistes lors du point presse quotidien de la Maison Blanche, assurant que le sujet était la "principale priorité économique" du président.
"Nous pouvons effectuer cette transition vers une croissance stable sans sacrifier tous ces progrès économiques si nous prenons les bonnes décisions", a-t-il estimé.
La Fed a commencé en mars à relever ses taux directeurs, pour rendre le crédit plus onéreux et ralentir la demande. Les craintes grandissent désormais, de voir l'activité économique ralentir - voire tomber en récession.
Pour Gregory Daco, "ce ralentissement économique est voulu, et est même désiré et souhaitable, puisque sans ce ralentissement économique, il est peu probable que l'inflation diminue".
Avoir entamé ce mouvement plus tôt aurait sans doute réduit le risque de récession, mais "on aurait eu moins de croissance que ce qu'on a aujourd'hui", estime-t-il.