HAUTEVILLE-LOMPNES : Candidat à sa succession dans la 5e circonscription de l'Ain, qui lui fut largement acquise, le nouveau ministre des Solidarités Damien Abad joue une partie serrée aux législatives, entre divisions au sein de son ancienne famille politique et accusations de violences sexuelles.
Il est 17H00 mercredi lorsque le député s'extrait d'une petite voiture pour participer à l'inauguration de « La clinique du souffle », à Hauteville, joli coin de plateau verdoyant.
Il était le dernier élu attendu, on peut couper le ruban. Une bise ici, un sourire là: « Damien » est dans son élément. Au second tour des législatives 2017, il a récolté dans ce canton 64,5% des suffrages sous l'étiquette Les Républicains, contre 34,5% au candidat LREM.
Premier handicapé à siéger à l'Assemblée nationale, patron des députés LR, cet homme de 42 ans a quitté sa famille politique deux jours avant sa nomination au sein du gouvernement d'Elisabeth Borne et se présente sans étiquette.
« Monsieur le ministre, cela me fait très plaisir de t'appeler comme ça pour la première fois! », lui lance sans rancune le président LR du Conseil départemental Jean Deguerry dans son discours.
Son tour venu, Damien Abad rappelle, devoir de réserve électorale oblige, qu'il ne s'exprimera que comme ancien président du conseil départemental (2015-2017). Il salue cet « exemple concret » d'équipement de santé « dans les territoires ruraux et de montagne ».
« Pour moi, il n'est pas passé dans une autre famille, mais a fait le choix de servir l'intérêt général. Je n'ai pas le doigt sur la couture du pantalon, je sais reconnaître la valeur de l'homme, loin du jeu des étiquettes politiques », confie M. Deguerry, en marge de l'inauguration.
« Tous les élus et militants me soutiennent, car ils savent très bien que je suis un homme de conviction et que mon engagement a toujours été total, fidèle et loyal. Il faut pouvoir dépasser les étiquettes partisanes », abonde à son tour M. Abad dans un entretien.
Choix personnel
Et d'assurer qu'il mène « une campagne sereine », malgré son changement de cap et malgré les accusations de violences sexuelles qui le visent depuis la publication de deux témoignages à charge dans Médiapart.
A Cerdon, village viticole situé à 24 km, Julien Martinez en doute. A 34 ans, ce formateur en vente proche de Xavier Bertrand a été désigné par LR après « le retournement de veste » de M. Abad. « Comment peut-on en un jour passer de premier opposant à ministre d'Emmanuel Macron? », critique ce conseiller municipal d’opposition à Oyonnax, venu tracter et parler problématique agricole.
Il dit « ne pas avoir besoin de mettre une pièce dans la machine » pour que « les gens lui parlent » de ce « revirement ». S'il refuse de commenter les accusations de violences sexuelles - « la justice tranchera » - il n'en remarque pas moins qu'elles viennent « polluer la campagne ».
A ses côtés, le vigneron Marc Dubreuil, qui a voté Abad en 2017, acquiesce: « on ne peut pas retourner sa veste comme ça, juste pour un poste... ». Ce qu'Alexandre Nanchi, candidat LR dans la 2e circonscription et secrétaire départemental du parti résume ainsi: « nous avons mené des combats ensemble et je regrette ce choix personnel. Pas évident de ferrailler contre un ancien compagnon de route, mais on ne choisit pas ses adversaires politiques ».
A gauche, on dénonce aussi ce « revirement », et « cette façon de vouloir encore plus de pouvoir », comme le formule le suppléant Nupes Pascal Baudet. Mais là-aussi, pas question « de faire des accusations un argument de campagne, on trouverait ça très malsain ».
La même retenue domine dans la petite salle communale d'Evosges (140 habitants), où Damien Abad tient en soirée une réunion publique, après avoir pris soin de dire qu'il ne s'exprimerait pas sur « ce que vous avez lu dans les journaux ». « La justice doit faire son travail », résument plusieurs électeurs, indifférents à son basculement politique.
« Je vote pour l'homme », affirme ainsi Hugo Spalletti, retraité de 69 ans, devant une affiche de campagne de Damien Abad, sans mention d'appartenance politique.