A Kiev, la bataille du pain sous les bombes russes

Quand l'électricité est coupée, un générateur prend le relais. Comme il consomme beaucoup d'essence, le personnel pompe dans les réservoirs des camionnettes de livraison immobilisées sur le parking. (AFP).
Quand l'électricité est coupée, un générateur prend le relais. Comme il consomme beaucoup d'essence, le personnel pompe dans les réservoirs des camionnettes de livraison immobilisées sur le parking. (AFP).
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Publié le Jeudi 02 juin 2022

A Kiev, la bataille du pain sous les bombes russes

  • Les deux boulangeries industrielles, propriétés du groupe ukrainien Khlibni Investytsiï - qui revendique 8% du marché de la boulangerie ukrainienne - se trouvent dans le village de Novi Petrivtsi
  • A Tsar-Khlib, près de 300 employés ont désormais repris du service, encore à temps partiel, et la production est revenue à 50 tonnes par jour, juste au-dessus des 40 tonnes qui permettent d'équilibrer les comptes

NOVI PETRIVTSI: Les machines ronronnent, les boules dorées défilent à la chaîne et une odeur sucrée flotte dans l'usine Tsar-Khlib qui, malgré la guerre, n'a jamais cessé d'alimenter Kiev en pain, contrairement à sa voisine, Chanta, détruite par des missiles russes.

Les deux boulangeries industrielles, propriétés du groupe ukrainien Khlibni Investytsiï - qui revendique 8% du marché de la boulangerie ukrainienne - se trouvent dans le village de Novi Petrivtsi, juste au nord de la capitale, aux abords de laquelle les forces russes se sont avancées le 24 février.

Elles se sont retrouvées à moins de huit kilomètres de la ligne de front et ont rapidement perdu une majorité de leur main d’œuvre et de leurs clients, bloqués dans les zones occupées ou partis se mettre à l'abri loin des combats.

"Mais on a vite réalisé qu'il fallait continuer à produire car il restait des gens, et ils disaient 'On veut du pain'", explique à l'AFP Anton Paliy, un ingénieur de 43 ans qui supervise la production de l'usine Tsar-Khlib.

Avec une petite fraction de ses 800 salariés, dont une vingtaine installés à demeure dans le sous-sol, la fabrique réduit la voilure mais continue de fonctionner, produisant 16 tonnes de pain frais par jour contre 100 avant-guerre.

Quand l'électricité est coupée, un générateur prend le relais. Comme il consomme beaucoup d'essence, le personnel pompe dans les réservoirs des camionnettes de livraison immobilisées sur le parking.

Quand les sirènes anti-aériennes retentissent, les ouvriers partent à la cave. Les miches chaudes s'amoncellent alors à la sortie du four dans un beau fatras, qu'il faut résorber après l'alerte.

Aucun camionneur n'acceptant de rouler jusqu'à l'usine, elle doit tenir sur ses réserves de farine. Quand une cargaison arrive finalement, fin mars, alors que les Russes se retirent de la périphérie de Kiev, "on l'a accueillie en fanfare", plaisante Anton Paliy.

Mais le bruit des machines couvre celui des armes et rend la situation un peu plus tenable "psychologiquement", dit-il.

« Crime de guerre »

A quelques centaines de mètres, la fabrique Chanta, inaugurée en 2018, est sur un autre créneau: la boulangerie et briocherie congelée et haut-de-gamme.

Elle aussi a continué sa production au début de la guerre. Mais le 16 mars, plusieurs missiles russes sont tombés sur le bâtiment, dont la moitié est partie en fumée.

L'attaque a eu lieu pendant un couvre-feu de 36 heures et n'a pas fait de victimes, mais une enquête a été ouverte pour déterminer si les Russes ont volontairement visé cette infrastructure civile, en violation du droit international.

Pour le directeur du groupe Khlibni Investytsiï, Oleksandr Tarenenko, il n'y a pas l'ombre d'un doute. L'usine a reçu une dizaine de roquettes, "ça ne peut pas être autre chose qu'un crime de guerre".

Devant l'amoncellement de tôles calcinées, trône encore un missile abattu par les systèmes de défense anti-aérienne.

L'usine Chanta n'est pas la seule: selon le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, la Russie a détruit ou lourdement endommagé 200 usines ou grandes entreprises depuis le début de la guerre.

Et leur reconstruction s'annonce compliquée. Ici, les dégâts sont estimés à 5 millions d'euros et, comme il s'agit d'un cas de "force majeure", les assurances rechignent à les couvrir.

Les banques n'octroient pas de prêts en ce moment et aucune aide publique n'a été débloquée, si bien que l'usine, faute de système de conservation de sa production, reste paralysée et ses 140 ouvriers au chômage.

Grenier à céréales

A l'inverse, l'usine Tsar-Khlib reprend des couleurs. Avec le retour progressif des habitants de Kiev, la demande "augmente chaque semaine", selon M. Tarenenko.

Si le Fonds monétaire international (FMI) anticipe l'effondrement du PIB ukrainien à 35% cette année, que les dégâts totaux pour l'ensemble de l'économie ukrainienne pourraient atteindre 600 milliards de dollars, la région de Kiev est celle qui montre les meilleures signes de reprises, estimait mi-mai le ministre des Finances Serguiï Martchenko.

"La demande des consommateurs augmente, les connexions se renouvellent" à Kiev et sa région, indiquait-il à l'AFP, soulignant que le retour d'ambassades dans la capitale contribuait à encourager les habitants à revenir et à "relancer leurs activités économiques".

A Tsar-Khlib, près de 300 employés ont désormais repris du service, encore à temps partiel, et la production est revenue à 50 tonnes par jour, juste au-dessus des 40 tonnes qui permettent d'équilibrer les comptes.

Pour la suite, Anton Paliy anticipe des problèmes d'approvisionnement en sel, les immenses mines du Donbass, dans l'est du pays au coeur des combats, ayant arrêté leur production en avril.

La farine l'inquiète moins: "l'Ukraine a toujours été le grenier à céréales de l'Europe et nous avons toujours produit plus de blé que nous en consommons, donc il ne devrait pas y avoir de problème. Enfin, ça dépendra de la suite des hostilités..."

Pour cet ingénieur, qui compare l'univers du pain à "une drogue", "se savoir utile dans ces temps difficiles" est réconfortant. "Ce n'est pas pour réclamer une médaille, mais on a fait notre boulot: on a aidé les gens", dit-il.

"Ils nous remercient d'avoir continué à travailler même sous les bombes", ajoute M. Tarenenko. "Et nous continuerons à le faire", dit-il, fier d'avoir rempli sa "mission: livrer tous les matins du pain frais à la capitale".


Des milliers de fidèles place Saint-Pierre avant les funérailles du pape

Des milliers de fidèles sont de nouveau massés jeudi devant la basilique Saint-Pierre de Rome afin de rendre un dernier hommage à la dépouille du pape François, devant laquelle plus de 50.000 pèlerins ont déjà défilé depuis mercredi matin, avant ses obsèques samedi. (AFP)
Des milliers de fidèles sont de nouveau massés jeudi devant la basilique Saint-Pierre de Rome afin de rendre un dernier hommage à la dépouille du pape François, devant laquelle plus de 50.000 pèlerins ont déjà défilé depuis mercredi matin, avant ses obsèques samedi. (AFP)
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  • La file des fidèles et touristes patientant pour rendre hommage au chef des plus de 1,4 milliard de catholiques, décédé lundi à 88 ans, s'étire aux abords du plus petit Etat du monde
  • De mercredi à 09H00 GMT à jeudi 09H00 GMT, plus de 50.000 personnes se sont recueillies devant la dépouille du jésuite argentin dans la monumentale basilique, selon Vatican News

CITE DU VATICAN: Des milliers de fidèles sont de nouveau massés jeudi devant la basilique Saint-Pierre de Rome afin de rendre un dernier hommage à la dépouille du pape François, devant laquelle plus de 50.000 pèlerins ont déjà défilé depuis mercredi matin, avant ses obsèques samedi.

La file des fidèles et touristes patientant pour rendre hommage au chef des plus de 1,4 milliard de catholiques, décédé lundi à 88 ans, s'étire aux abords du plus petit Etat du monde, dont les accès sont filtrés par un lourd dispositif de sécurité qui ralentit l'avancée des fidèles, a constaté l'AFP.

De mercredi à 09H00 GMT à jeudi 09H00 GMT, plus de 50.000 personnes se sont recueillies devant la dépouille du jésuite argentin dans la monumentale basilique, selon Vatican News. Les portes, qui devaient fermer à minuit, sont finalement restées ouvertes jusqu'à 05H30 du matin pour accueillir le flot de fidèles.

"Ce fut un moment bref mais intense devant sa dépouille", a témoigné jeudi matin auprès de l'AFP Massimo Palo, un Italien de 63 ans vivant à Rome. François "a été un pape au milieu de son troupeau, de son peuple, et j'espère que les prochains pontificats seront un peu comme le sien", a-t-il également confié.

Rupture avec la tradition, le cercueil en bois clair ouvert du défunt pape, vêtu d'une mitre blanche et d'une chasuble rouge, les mains enserrant un chapelet, ne repose pas sur un catafalque, mais est posé sur un support à même le sol, devant le maître-autel, à la demande de Jorge Bergoglio, qui aspirait à plus de sobriété dans les rites funéraires papaux.

Le père des "laissés-pour-compte" 

"C'était un grand homme, c'était le père des laissés-pour-compte, des invisibles", a également confié jeudi à l'AFP Amerigo Iacovacci, un Romain de 82 ans.

Florencia Soria, une Argentine de 26 ans en voyage à Rome pour deux jours avec une amie, n'a pas hésité à rejoindre la file d'attente, armée d'un café, pour vivre ce "moment historique". Surtout pour nous "parce que nous sommes argentines. Nous étions des petites filles lorsque le pape a entamé son pontificat. Nous nous souvenons de ce moment", a-t-elle ajouté.

Les cardinaux, qui rejoignent progressivement Rome, se réunissaient jeudi matin pour la troisième fois, au lendemain d'une nouvelle "congrégation" en présence de 103 d'entre eux - électeurs et non électeurs.

Ces réunions préparatoires fixent les modalités des événements avant le conclave, auquel 135 électeurs - ceux âgés de moins de 80 ans - sont invités à prendre part. Certains ont toutefois déjà annoncé qu'ils ne viendraient pas pour raison de santé.

Mercredi, sur la place Saint-Pierre encadrée par la célèbre colonnade du Bernin, les fidèles ont dû patienter entre trois et plus de quatre heures pour entrer dans la basilique, selon plusieurs témoignages recueillis par l'AFP.

Un important dispositif de sécurité y était déployé, comprenant notamment des équipes de l'armée de l'air et de la défense munies de fusils brouilleurs de drones.

Le Vatican avait annoncé que jeudi, les fidèles pourraient rendre hommage au pape jusqu'à minuit. Mais mercredi, les visites ont finalement pu se poursuivre au-delà. Vendredi, les portes de la basilique seront ouvertes de 07H00 à 19H00.

Funérailles samedi 

L'affluence a également été massive mercredi à la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le centre de Rome, où le pape sera inhumé samedi conformément à sa volonté. Selon le préfet de Rome Lamberto Giannini, plus de 10.000 personnes s'y sont pressées à l'heure du déjeuner.

Plus tôt dans la matinée, la dépouille du pape avait été escortée par des dizaines de cardinaux, évêques, religieux et laïcs depuis la petite chapelle de la résidence Sainte-Marthe, où il a vécu de son élection en 2013 jusqu'à sa mort, vers la basilique couronnée par la coupole de Michel-Ange.

Le Vatican observera neuf jours de deuil à partir de samedi. Au cours de ces "novemdiales", des célébrations solennelles auront lieu chaque jour à Saint-Pierre, jusqu'au 4 mai.

Le cercueil sera fermé vendredi soir lors d'une cérémonie présidée par le cardinal camerlingue, l'Américain Kevin Farrell, qui gère les affaires courantes jusqu'au conclave.

Les funérailles de François se dérouleront samedi matin à partir de 08H00 GMT sur la place Saint-Pierre, où devraient converger au moins 200.000 fidèles, et 170 délégations étrangères.

"Il est impossible de savoir" combien de personnes seront présentes le jour des funérailles, "quelques centaines de milliers au minimum", a déclaré à l'AFP Pierfrancesco Demilito, chef du service de presse de la Protection civile italienne.

Comme pour Jean-Paul II en 2005, des dizaines de chefs d'Etat et de têtes couronnées assisteront aux funérailles du chef de l'Eglise catholique, sous haute sécurité.

Parmi eux, le président américain Donald Trump, ses homologues français Emmanuel Macron et ukrainien Volodymyr Zelensky ou encore le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

Le roi Felipe VI et la reine Letizia d'Espagne, le prince William, Albert II de Monaco et son épouse Charlène seront aussi présents.


Les marchés agricoles naviguent à vue, chahutés par la guerre commerciale

Le président américain Donald Trump s'adresse aux médias après avoir signé des décrets dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 23 avril 2025 à Washington, DC. (AFP)
Le président américain Donald Trump s'adresse aux médias après avoir signé des décrets dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 23 avril 2025 à Washington, DC. (AFP)
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  • De part et d'autre de l'Atlantique, les marchés agricoles sont secoués par les remous liés à la politique commerciale de l'administration Trump
  • Les cours des céréales et oléagineux à l'échelle mondiale évoluent ainsi au rythme des commentaires de la Maison Blanche

WASHINGTON: De part et d'autre de l'Atlantique, les marchés agricoles sont secoués par les remous liés à la politique commerciale de l'administration Trump, même si certains fondamentaux continuent d'influencer les cours.

"Les décisions erratiques" de Donald Trump sur le plan commercial "fragilisent l'opinion des investisseurs: ils ne savent plus trop dans quoi investir", commente auprès de l'AFP Damien Vercambre, analyste au cabinet Inter-Courtage.

Les cours des céréales et oléagineux à l'échelle mondiale évoluent ainsi au rythme des commentaires de la Maison Blanche, provoquant par ailleurs des "craintes financières", selon l'analyste.

A la Bourse de Chicago, les prix du blé et du maïs ont baissé sur la semaine, à cause notamment des incertitudes commerciales. Le soja a pour sa part évolué en dents de scie, pour se retrouver au final à des niveaux proches de la semaine passée.

Sur Euronext, "les cours suivent Chicago, qui est déprimé", résume Damien Vercambre.

La pause de 90 jours décidée par Donald Trump sur une partie des surtaxes à l'importation, à l'exception notable de celles visant la Chine, est à nouveau venue bouleverser la donne après un début d'année agité.

En parallèle, le président américain Donald Trump a évoqué mercredi la possibilité d'un accord commercial "équitable" avec la Chine, sans que les négociations aient toutefois réellement commencé, d'après un ministre de premier plan.

La guerre commerciale initiée par l'exécutif américain depuis le retour à la Maison Blanche de Donald Trump a débouché sur 145% de droits de douane additionnels sur les produits chinois entrant aux Etats-Unis, et 125% décidés en représailles par Pékin sur les marchandises en provenance des Etats-Unis.

"Un jour ou l'autre, un accord sera conclu avec la Chine", assure l'analyste américain Dewey Strickler, d'Ag Watch Market Advisors.

Mais si le ton de l'administration américaine se veut désormais rassurant, les marchés semblent attendre des actions concrètes de la part de Washington.

"Nous sommes dans une phase d'attente et d'hésitation en ce moment", les investisseurs "attendant la moindre avancée en matière de politique commerciale", confirme Rich Nelson, de la maison de courtage Allendale.

"Il y a (cette) peur que l'économie capote, comme (...) en 2018 (sous le premier mandat de Donald Trump, ndlr) où les prix du soja et du maïs aux Etats-Unis s'étaient cassés la figure, avant qu'il y ait une réconciliation avec la Chine", rappelle M. Vercambre.

- Influence des fondamentaux -

Si le spectre de la guerre commerciale occupe une grande partie du paysage, des éléments fondamentaux influencent tout de même les cours, dont la météo ou encore les perspectives de production.

Aux Etats-Unis, les acteurs du marché sont "moins inquiets des conditions météorologiques et de la menace d'un temps sec" notamment "pour la Corn Belt américaine", ce qui pousse le maïs américain à de "nouveaux plus bas sur deux semaines", explique Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.

"Il y a eu beaucoup de pluie dans le Midwest, en particulier dans les régions du Sud", participant au mouvement baissier du maïs et du blé américain, abonde Dewey Strickler.

Sur le Vieux Continent, "les perspectives de production pour la nouvelle campagne (...) sont aussi meilleures", observe M. Vercambre.

Plus précisément, "le sud de l'Europe a bénéficié de précipitations abondantes, ce qui a amélioré l'humidité des sols et augmenté les perspectives de rendement des cultures", selon un rapport de la Commission européenne.

Selon ce même rapport, néanmoins, dans le centre et le nord de l'Europe, "les conditions sèches prédominent" ce qui pourrait "nuire au développement des cultures d'hiver".


Ukraine: Pékin dénonce des «accusations sans fondement» sur la présence selon Kiev de combattants chinois

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  • Pékin a dénoncé mercredi des "accusations sans fondement" après que l'Ukraine eut affirmé que des soldats chinois combattaient au sein de l'armée russe et que des entreprises chinoises aidaient Moscou à fabriquer du matériel militaire
  • "La Chine s'oppose avec force à des accusations sans fondement et à de la manipulation politique", a tonné le porte-parole de la diplomatie chinoise

PEKIN: Pékin a dénoncé mercredi des "accusations sans fondement" après que l'Ukraine eut affirmé que des soldats chinois combattaient au sein de l'armée russe et que des entreprises chinoises aidaient Moscou à fabriquer du matériel militaire.

"La Chine s'oppose avec force à des accusations sans fondement et à de la manipulation politique", a tonné le porte-parole de la diplomatie chinoise Guo Jiakun, lors d'un point de presse, au lendemain de la convocation de son ambassadeur au ministère ukrainien des Affaires étrangères.