MANAGUA: Le Parlement du Nicaragua a voté mardi la dissolution de l'Académie de la langue espagnole, affiliée à l'Académie royale espagnole et vieille de près d'un siècle, ainsi que 82 autres ONG ou associations accusées de violation de la loi sur les "agents étrangers".
Le Parlement, dominé par les partisans du gouvernement du président de Daniel Ortega, a voté, sans débat, par 75 voix des 91 députés, la suppression de la personnalité juridique à ces associations, à la demande du gouvernement.
L'Académie nicaraguayenne de la langue espagnole fondée en 1928, équivalent de l'Académie française, est accusée, comme les autres associations visées, de ne pas s'être pliée à la loi sur les "agents étrangers" de 2020 qui impose à toute personne ou entité recevant des fonds de pays extérieurs de s'enregistrer auprès du ministère de l'Intérieur.
Cette loi prévoit également un contrôle pointilleux des comptes et la suppression de droits civiques et politiques.
Selon le ministère de l'Intérieur, les ONG dissoutes "ont violé et n'ont pas respecté leurs obligations" légales et ont "fait obstacle au contrôle et la surveillance" auxquelles elles sont astreintes par la loi des "agents étrangers".
Parmi les membres de l'Académie figurent notamment Sergio Ramirez, écrivain et ex-vice-président du gouvernement sandiniste après la chute du dictateur Anastasio Somoza.
«Barbarie culturelle»
Sergio Ramírez a fait part à l'AFP de sa "stupéfaction" devant ce qu'il a qualifié de "barbarie culturelle". "C'est une idée barbare de confisquer la recherche, le travail sur la langue", a-t-il avancé.
M. Ramirez, qui vit en exil depuis 2021 pour avoir échappé à un mandat d'arrêt, a affirmé avoir reçu des messages des académies de tout le continent après cette dissolution qui a selon lui "levé une vague de stupeur et de réprobation".
"L'Académie nicaraguayenne de la langue espagnole (ANL) regrette profondément l'annulation de la personnalité juridique d'une institution consacrée à l'étude de la langue et à la culture de la littérature nicaraguayenne", a déclaré l'organisation dans un communiqué. Sa dissolution entrave "le fonctionnement d'une institution, dont le travail a contribué à la mise en valeur du bien culturel le plus précieux: la langue".
L'Académie s'était déjà défendue des accusations portées contre elle en soulignant que ses travaux portent sur la grammaire et le dictionnaire de la langue espagnole.
Près de 200 entités (ONG, associations, organisations humanitaires...) ont été à ce jour dissoutes par les autorités nicaraguayennes depuis la crise ouverte en 2018 par les manifestations contre le gouvernement de Daniel Ortega.
L'opposition a été réprimée dans le sang avec un bilan d'au moins 355 morts, des dizaines de milliers d'exilés et des centaines d'emprisonnement, selon la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH).
Le gouvernement accuse les ONG dissoutes de recevoir des fonds de l'étranger pour fomenter un coup d'Etat avec le soutien des Etats-Unis.
Daniel Ortega, un ex-guérillero sandiniste âgé de 76 ans a été élu en novembre 2021 pour un quatrième mandat consécutif lors d'un scrutin d'où étaient absents tous ses adversaires potentiels de poids, ceux-ci ayant été arrêtés ou contraints à l'exil.