« Trouver à manger », ou le désespoir des habitants de Lyssytchansk, dans l'est de l'Ukraine

Short Url
Publié le Vendredi 27 mai 2022

« Trouver à manger », ou le désespoir des habitants de Lyssytchansk, dans l'est de l'Ukraine

  • L'encerclement de Lyssytchansk et Severodonetsk est actuellement un objectif clé des forces russes du Donbass
  • Avant la guerre, l'agglomération formée par Lyssytchansk et Severodonetsk comptait quelque 200.000 habitants

LYSSYTCHNANSK: Il pensait pouvoir négocier avec les Russes, pour qu'ils le laissent passer sur la dernière route goudronnée permettant de sortir de la ville ukrainienne de Lyssytchansk, dans le Donbass, pilonnée par les forces russes.

Mais Artem Ivassenko, mineur de profession, a failli se faire tuer en essayant d'aller chercher de la nourriture et des médicaments pour son père et pour les gens réfugiés avec lui dans la cave de leur immeuble. Ce alors même que la route, qui mène vers des localités légèrement moins bombardées, était encore techniquement sous contrôle ukrainien.

Mais cette chaussée - au cœur de la dernière poche de résistance ukrainienne de la région de Lougansk, une des deux régions du Donbass dont les Russes veulent prendre le contrôle total - est désormais dans l'angle de tirs des chars russes. Et s'est transformée, après trois mois de guerre, en champ de bataille fumant.

Artem Ivassenko, 34 ans, n'en savait rien en quittant son abri, car Lyssytchansk et la ville voisine de Severodonetsk sont depuis des semaines privées d'électricité et de toute possibilité de communication avec le monde extérieur.

"Je ne sais que ce que je vois", dit-il, sous la lumière blafarde d'une ampoule de sa cave, alimentée par un générateur. "Et ce que j'ai vu, ce sont des obus exploser à 10-15 mètres de mon camion la dernière fois que j'ai pris cette route", dit-il, tout en réconfortant son père souffrant, allongé dans un coin sur un lit de camp.

Quelques femmes âgées apportent en souriant une soupe qu'elles ont préparée sur un braséro dans la cour, jonchée d'éclats d'obus.

Malgré son inquiétude, Artem Ivassenko se prépare néanmoins à tenter une fois encore d'emprunter cette route, quelles que soient les forces qui la contrôlent désormais.

"Si ce sont les Russes, je leur dirais que je cherche de l'aide pour des gens qui sont mourants", dit-il. "N'importe qui devrait comprendre qu'il s'agit d'une raison légitime et me laisser passer. Et s'ils me tuent, ils me tuent".

« Si déprimés qu'ils n'ont plus peur »

L'encerclement de Lyssytchansk et Severodonetsk est actuellement un objectif clé des forces russes du Donbass. Avec la dernière route sortant de Lyssytchansk devenue champ de bataille, ils sont sur le point de bloquer l'accès aux deux villes, ce qui leur permettrait de poursuivre leur offensive plus vers l'ouest.

Pour ces deux villes, le seul lien restant avec le reste de l'Ukraine est une route de campagne poussiéreuse, que même les chars ou des camions militaires équipés de pneus géants peinent à emprunter.

Oleksandr Kozyr s'inquiète beaucoup à cause de cette petite route.

Lui qui gère le principal centre de distribution d'aide humanitaire de Lyssytchansk a affaire quotidiennement à des gens angoissés et affamés, qui vivent sur leurs dernières réserves.

"Les gens sont prêts à prendre tous les risques pour de l'eau et de la nourriture, dit cet homme de 33 ans, la voix fatiguée. "Ils sont si déprimés qu'ils n'ont plus peur. Tout ce qu'ils veulent, c'est trouver à manger".

« Beaucoup plus difficile »

Après avoir aidé une femme inquiète pour sa mère malade, Oleksandr Kozyr raconte une scène qui témoigne du désespoir auquel il est confronté.

"Des pompiers distribuaient de l'eau quand des bombardements ont commencé. Ils ont couru se mettre à l'abri, mais les gens qui attendaient de l'eau s'en fichaient (...) Les gens leur ont couru après sous les bombardements, tellement ils avaient besoin d'eau", dit-il.

Son centre de distribution, renforcé par des sacs de sable, a été en partie détruit par une attaque au mortier cette semaine. L'escalier mène à une cave où vivent depuis bientôt trois mois des dizaines de familles, installées à même le sol, dans l'obscurité.

La dernière grande route étant désormais impraticable, ils risquent d'y passer encore des semaines, alors que les distributions de nourriture deviennent de plus en plus imprévisibles. "Les choses sont devenues beaucoup plus difficiles ces derniers jours", dit Oleksandr Kozyr.

« Rester et attendre »

Avant la guerre, l'agglomération formée par Lyssytchansk et Severodonetsk comptait quelque 200.000 habitants. Les gens qui distribuent de la nourriture estiment qu'ils sont encore au moins 20.000 dans les caves de Lyssytchansk. Mais personne ne se risque vraiment à deviner combien ils pourraient être encore dans le déluge de feu de Severodonetsk.

Evguenia Mykhno, retraitée, et son mari viennent juste de quitter Severodonetsk, grâce à un bénévole qui a profité d'un bref répit dans les combats pour évacuer les premières personnes qu'il a croisées dans la rue.

Le couple s'est retrouvé sur une place de Lyssytchansk, sans aucune affaire ni idée de l'évolution de la guerre.

"Je ne vois pas très bien ce qu'on peut faire si la grande route a été coupée", dit Evguenia Mykhno, 67 ans. "On ne peut pas rebrousser chemin et on ne peut pas sortir".

"On peut rester ici et attendre", dit son mari Oleksandr avec une pointe d'humour. "Ca, on sait faire".


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Short Url
  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Short Url
  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Short Url
  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.