PARIS: Après deux années de pause pour cause de pandémie, les élites politiques et économiques mondiales font leur retour la semaine prochaine à Davos, pour une réunion qui sera largement dominée par la guerre en Ukraine.
La dernière réunion en présentiel du Forum économique mondial (WEF) dans la station de ski suisse remonte à janvier 2020. On commençait à s'y inquiéter d'une mystérieuse maladie apparue en Chine, mais en se passionnant davantage pour les passes d'armes entre le président américain Donald Trump et la militante pour le climat Greta Thunberg.
Depuis, l'épidémie de Covid-19 s'est répandue à travers toute la planète, secouant l'économie mondiale. Trump a échoué à se faire réélire face à Joe Biden. La chaîne logistique mondiale s'enraye, l'inflation s'emballe. Et la Russie a envahi l'Ukraine.
Une résurgence de la pandémie a empêché l'édition 2022, intitulée "L'histoire à un tournant décisif", de se tenir comme d'habitude sous la neige en janvier. Mais elle est pour le fondateur du WEF, Klaus Schwab, celle "qui arrive au moment le plus opportun et la plus importante" depuis la création du forum, il y a plus de 50 ans.
"L'agression de la Russie (...) sera vue dans les livres d'histoire comme l'effondrement de l'ordre né après la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide", a-t-il estimé lors d'un briefing cette semaine, assurant que Davos ferait tout son possible pour soutenir l'Ukraine et sa reconstruction.
Le président ukrainien Volodomyr Zelensky sera lundi le premier chef d'Etat à faire un discours, en visio. Nombre de responsables politiques ukrainiens feront le voyage en personne.
On ne verra pas en revanche les habituels contingents de participants russes.
Exclure les Russes était "la bonne décision", selon le président du WEF, Borge Brende. "Nous espérons néanmoins que la Russie prendra un autre chemin (...) dans les années à venir, pour respecter la charte de l'ONU et ses obligations internationales."
«Diplomatie discrète»
Si l'ombre de la guerre en Ukraine va planer sur toute la réunion, le programme annonce aussi des débats sur des sujets allant du changement climatique à la flambée des prix de l'énergie et des craintes de crise alimentaire mondiale, en passant par les inégalités entre les sexes, le football ou le métavers.
Mais Davos est surtout réputé pour les discussions qui s'y organisent en marge du programme officiel. Avec de grands moments, comme les premières rencontres ministérielles entre les deux Corées en 1989, ou des discussions entre Frederik De Klerk, le président de l'Afrique du Sud de l'apartheid, et le dissident d'alors Nelson Mandela.
"La diplomatie discrète que (...) permet le forum est l'une des choses qui est vraiment au coeur du forum, et que Klaus Schwab considère comme son plus grand accomplissement", indique à l'AFP Adrienne Sorbom, professeure de sociologie à l'université de Stokholm et coautrice d'un livre sur le forum.
Quelques 2 500 participants sont encore annoncés cette année, dont nombre de chefs d'entreprises et plus de 50 chefs d'Etats et de gouvernements. L'affiche compte notamment le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ou l'émissaire américain pour le climat John Kerry, mais pas de grande star comme un président chinois ou américain.
"C'est un peu une déception", reconnaît Mme Sorbom.
Elle raconte que lors de sa venue à Davos en 2014, "les dirigeants économiques disaient: +si vous n'êtes pas là, vous n'existez pas+ (...) Tous ceux qui veulent être quelqu'un y vont".
Aujourd'hui encore, si la pertinence du forum est souvent remise en question, il continue d'attirer les poids lourds de l'économie et les dirigeants politiques, de même que ceux qui le critiquent le plus.
"A ce Davos, à ce festival de la richesse, je pense qu'on va voir à quel point notre monde est devenu inégal", estime Nabil Ahmed, un responsable de l'ONG Oxfam, qui milite pour taxer davantage les riches et fait partie des habitués de Davos.
"C'est important d'aller à Davos pour remettre le pouvoir en cause, pour mettre en avant les faits, pour parler directement à ces gouvernements et ces entreprises, et amplifier les voix qu'ils n'écoutent pas", explique-t-il.