PARIS : Les résultats d'EDF seront finalement encore plus mauvais que prévu cette année, en raison des problèmes de corrosion de son parc nucléaire qui ont contraint à mettre à l'arrêt 12 réacteurs et vont fortement limiter la production cette année.
Le producteur d'électricité estime désormais que la baisse de sa production nucléaire prévue en 2022 lui coûtera 18,5 milliards d'euros d'Ebitda (excédent brut d'exploitation), au lieu de 16 milliards annoncés en mars (revus à 14 milliards en mai), selon un communiqué jeudi.
Par comparaison, en 2021, l'Ebitda d'EDF était de 18 milliards d'euros.
Le groupe indique également une nouvelle fois "ajuster son estimation de production nucléaire pour 2022 à 280-300 TWh contre 295-315 TWh précédemment".
"EDF poursuit son programme de contrôles et prépare avec la filière nucléaire la réparation des portions de tuyauteries concernées par la corrosion sous contrainte", explique le groupe.
"On projette de manière plus fine les réparations à mener", a indiqué lors d'une conférence de presse Régis Clément, directeur adjoint de la production nucléaire.
A ce jour, 12 réacteurs sur 56 sont en effet arrêtés pour un phénomène de "corrosion sous contrainte" (CSC) avérée ou soupçonnée.
EDF en dénombre "quatre pour lesquels les expertises ont confirmé de la CSC", selon le responsable, dont trois (Civaux 1, Chooz 1, Penly 1) avec de la corrosion à la fois sur le système d'injection de sécurité (RIS) - un circuit crucial qui permet de refroidir le réacteur en cas d'accident - et celui de refroidissement à l'arrêt (RRA). Le réacteur de Chinon B3 compte un défaut au niveau d'une soudure mais sur le seul circuit RRA.
"Le design aujourd’hui est une cause qui nous apparaît comme prépondérante", a souligné Régis Clément, une cause qui semble accentuée par le soudage.
La conception avait déjà été évoquée mardi par le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk. Une cause qui pourrait expliquer pourquoi les réacteurs les plus anciens et les plus nombreux, ceux de 900 MW, sont selon lui "peu voire pas" concernés par le phénomène de corrosion.
"A ce stade pour 2022, EDF considère qu’il n’est pas nécessaire d’anticiper de nouveaux arrêts de réacteurs", indique le groupe, qui a en revanche programmé des "arrêts intermédiaires" à partir du 2ème trimestre 2023 pour quatre réacteurs.
"Nos réacteurs tournent aujourd'hui parce qu'ils sont sûrs", a assuré Régis Clément.
«Jeu politique»
"Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage", a réagi Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, qui voit dans la publication de ces chiffres "un jeu politique pour justifier Hercule", un plan de restructuration d'EDF que l'exécutif et la direction du groupe souhaiteraient remettre sur la table, après y avoir provisoirement renoncé l'an dernier.
Emmanuel Macron avait en effet évoqué lors de la campagne pour la présidentielle une renationalisation d'EDF dans le cadre d'"une réforme plus large".
"Nous augmentons la probabilité de nationalisation que nous relevons à 75% contre 50% précédemment", ont commenté les analystes d'Oddo BHF dans une note. "Cette hypothèse pourrait devenir une priorité du gouvernement après l'échéance des élections législatives du mois prochain compte tenu des perspectives fragiles d'EDF", écrivent-ils.
Le groupe, déjà lourdement endetté, fait face à une série de défis: construction de nouveaux EPR annoncée par le président Emmanuel Macron, prolongations des réacteurs, essor des énergies renouvelables...
Le groupe avait déjà par ailleurs alerté de l'impact du relèvement par l'Etat du mécanisme de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité d'électricité nucléaire historique) sur ses résultats. Ce mécanisme oblige EDF à vendre à bas prix une électricité qui vaut beaucoup plus cher sur les marchés et l'Etat en a augmenté les volumes pour contenir la hausse des factures.
L'aggravation des perspectives financières justifie de "suspendre" ce dispositif, a estimé Amélie Henri, secrétaire nationale CFE-Unsa énergies pour EDF.
Face à ce contexte difficile, le PDG du groupe a annoncé jeudi dernier un "recours gracieux" contre cette décision du gouvernement, alors que l'Etat est son premier actionnaire.