WASHINGTON: Une enveloppe de 12 milliards de dollars de la Banque mondiale et un appel de l'ONU à débloquer les exportations ukrainiennes de céréales, la communauté internationale redouble d'efforts pour lutter contre la crise alimentaire qui s'est encore aggravée depuis l'invasion russe de l'Ukraine.
"La Russie doit permettre l'exportation sûre et sécurisée des céréales stockées dans les ports ukrainiens", a exhorté mercredi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors d'une réunion ministérielle organisée à New York par les États-Unis.
"Des voies de transport alternatives" à la sortie maritime de ces céréales, remplissant notamment des silos à Odessa, "peuvent être explorées - même si nous savons que cela ne suffira pas à résoudre le problème", a-t-il ajouté.
Avant même la guerre en Ukraine, l'insécurité alimentaire s'était accentuée dans le monde en raison des conflits, des crises climatiques et économiques.
Mais le conflit russo-ukrainien a empiré la crise, les deux pays assurant à eux seuls 30% du commerce mondial de blé.
Parallèlement au déblocage des exportations ukrainiennes, le chef de l'ONU plaide pour "un accès sans restriction" de la nourriture et des engrais russes aux marchés mondiaux.
Ces engrais n'ont pas été frappés par les sanctions occidentales contre Moscou après l'invasion le 24 février de l'Ukraine, mais la Russie a décidé d'arrêter leur exportation. Leur achat par des pays étrangers peut par ailleurs être bloqué par les mesures prises contre le système financier russe, selon des diplomates.
De leurs côtés, les institutions financières internationales ont lancé mercredi un "plan d'actions" avec des projets concrets pour accélérer les programmes existant, "cibler les travaux répondant aux besoins immédiats".
La Banque mondiale a ainsi annoncé l'octroi de 12 milliards de dollars au cours des quinze prochains mois dont la majorité ira aux pays d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Europe de l'Est et d'Asie centrale et du Sud, a précisé l'institution.
«Déclarations claires»
Cette enveloppe doit soutenir en particulier des projets en faveur de l'agriculture de ces pays, de "la protection sociale pour amortir les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires", et favoriser des projets d'approvisionnement en eau et d'irrigation, a expliqué l'institution.
Elle a aussi annoncé qu'elle disposait de 18,7 milliards de dollars non utilisés qui vont être également dédiés aux projets.
"Au total, cela représente plus de 30 milliards de dollars disponibles pour la mise en œuvre de la lutte contre l'insécurité alimentaire au cours des 15 prochains mois", a relevé la Banque mondiale.
"La hausse des prix alimentaires a des effets dévastateurs sur les plus pauvres et les plus vulnérables", a déploré le président de la Banque mondiale, David Malpass.
"Pour informer et stabiliser les marchés, il est essentiel que les pays fassent maintenant des déclarations claires sur les futures augmentations de production en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie", a-t-il estimé.
«Stockage inutile»
Il recommande aux pays de faire "des efforts concertés" non seulement pour augmenter l'approvisionnement en énergie et en engrais, aider les agriculteurs à augmenter les plantations et les rendements des cultures, mais encore pour "supprimer les politiques qui bloquent les exportations et les importations (...) ou encouragent le stockage inutile".
A New York, le secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui présidait lui-même la réunion ministérielle consacrée à la crise alimentaire, a souligné l'engagement des États-Unis à lutter contre la famine et la malnutrition.
Washington a débloqué "215 millions de dollars supplémentaires" pour la lutte contre l'insécurité alimentaire, a-t-il précisé.
Selon Antonio Guterres, "en seulement deux ans, le nombre de personnes souffrant d'insécurité alimentaire grave a doublé, passant de 135 millions avant la pandémie de Covid-19 à 276 millions aujourd'hui".
L'an passé, 193 millions de personnes dans 53 pays se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire aiguë, c'est-à-dire qu'elles ont eu besoin d'une aide urgente pour survivre, selon l'ONU.
Et l'inquiétude grandit alors que l'Inde, frappée par une canicule exceptionnelle, entend interdire ses exportations de blé pour assurer la sécurité alimentaire de ses 1,4 milliard d'habitants.
Lundi, l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, avait souligné qu'il fallait réunir les pays "pour examiner lesquels d'entre eux pourraient aider à combler le déficit" de blé provoqué par le conflit en Ukraine.
Selon elle, les États-Unis pourraient figurer parmi ces pays. Des discussions sont déjà en cours avec les agriculteurs américains à ce sujet.