LONDRES: L'inflation a bondi à 9% en avril sur douze mois au Royaume-Uni, un record en 40 ans, principalement à cause de l'énergie, accentuant la crise du coût de la vie et les pressions sur Downing Street pour agir.
C'est une très forte envolée mensuelle comparé à mars (7%), selon le rapport mensuel publié mercredi par l'Office national des statistiques (ONS).
Les prix en avril ont été tirés à la hausse « par une poussée brusque dans les prix de l'électricité et du gaz » à cause d'un relèvement du plafond tarifaire, a commenté Grant Fitzner, économiste de l'ONS.
« Des augmentations abruptes sur un an du coût des métaux, des produits chimiques et du pétrole brut se sont aussi poursuivies », entraînant à la hausse les prix de sortie d'usine, ajoute-t-il.
Le ministre des Finances Rishi Sunak a fait valoir dans un communiqué que « les pays à travers le monde font face à une inflation en hausse » et que celle d'avril au Royaume-Uni vient de l'énergie, stimulée par les cours sur les marchés mondiaux.
Lundi, le gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE) avait qualifié la situation d'« apocalyptique » pour les prix alimentaires. Andrew Bailey avait aussi averti que l'inflation, partie pour dépasser 10% cette année au Royaume-Uni, pourrait monter encore plus haut si l'Ukraine, gros producteur de blé notamment, ne parvient pas à exporter ses récoltes.
Les responsables de la BoE estiment que « 80% » de l'inflation britannique sont dus à la hausse des prix de l'énergie, dopés par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Les 20% restants s'expliquent notamment par un marché du travail très tendu au Royaume-Uni, notamment dans la foulée du Brexit.
Le Royaume-Uni est particulièrement dépendant au gaz dans son mix énergétique, et donc vulnérable à la flambée des cours mondiaux des hydrocarbures, comparé à d'autres pays comme la France, qui tire son électricité largement du nucléaire.
Les gouvernements de l'UE ont par ailleurs mieux protégé les ménages de la hausse que le gouvernement britannique, a relevé Paul Dales, de Capital Economics, interrogé par l'AFP.
« Déprimant »
« Nous ne pouvons plus attendre que ce gouvernement, déconnecté des réalités, agisse », a fustigé la responsable des Finances pour le parti d'opposition travailliste, Rachel Reeves, affirmant que son parti allait tenter de faire voter un « budget d'urgence ».
Les critiques s'accumulent contre l'action du gouvernement considérée comme insuffisante au regard de la crise du coût de la vie, alors que des millions de Britanniques doivent désormais restreindre leurs repas ou leur consommation d'énergie.
« C'est déprimant que tout augmente, il doit bien y en avoir qui en profitent, probablement les grandes entreprises, pourquoi elles ne peuvent pas réduire (les prix)? Ou le gouvernement? », s'interrogeait mercredi Gerald Pursey, chauffeur de taxi de 62 ans, en sortant d'un supermarché à Londres.
Rishi Sunak devrait dévoiler mercredi un plan « pour aider face au coût de la vie, stimuler la croissance et investir dans le capital » lors du dîner annuel de la CBI, la principale organisation patronale britannique.
Dans un communiqué révélant les grandes lignes de son discours au gala de la CBI, le ministre promet une baisse d'impôts, lors du budget d'automne pour les sociétés, et détaille les mesures déjà prises, notamment « 22 milliards de livres de soutien direct » entre réductions des taxes sur l'essence, coupes d'impôts locaux, ou crédits pour les factures de chauffage.
Il ajoute qu'une baisse des factures d'énergie de 200 livres supplémentaires entrera en vigueur en octobre et une hausse du plafond d'exonération de charges sociales d'ici quelques semaines. Il se dit prêt à faire plus.
La plupart de ses critiques demandent cependant une taxe exceptionnelle sur les profits des géants pétroliers et gaziers, qui ont largement profité de la flambée des prix des hydrocarbures, ce que le Premier ministre Boris Johnson a encore semblé écarter mercredi.
« Les compagnies pétrolières prévoient d'investir 70 milliards de livres dans l'économie sur les années à venir et sont déjà taxées à 40% », a justifié Boris Johnson.
Mardi, l'ONS avait dévoilé un taux de chômage britannique au plus bas depuis 1974 à 3,7%, mais signalé que l'inflation mangeait les salaires réels.
La flambée des prix devrait amener la BoE à relever encore son taux directeur, actuellement à 1%, ce qui devrait peser sur la croissance.
L'activité a reculé en mars et la BoE projette pour l'an prochain une contraction de l'économie britannique, qui devrait se retrouver en queue du G7.