STOCKHOLM : La guerre en Ukraine s'est traduite par une vague de soutien à une adhésion à l'Otan en Suède, avec une annonce de candidature attendue dans les prochains jours. Mais nombreux sont ceux, élus ou simples citoyens, à confesser un sentiment de précipitation.
"Tout le monde aurait aimé avoir plus de temps, parce que c'est une question énorme", dit à l'AFP l'ancien Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven. "En même temps on sait qu'on n'a pas toujours le temps dont on aimerait disposer".
Dans sa marche vers l'Otan, Stockholm est apparu suiviste. L'idée d'une candidature ne s'est vraiment imposée que lorsqu'il est devenu évident que la Finlande voisine allait franchir le pas.
Une image montrant la Suède en Mr. Bean se faisant prendre à copier sans vergogne sur son voisin finlandais est devenu un des "memes" viraux ayant marqué les discussions.
"Moi aussi j'aurais aimé que la Finlande puisse attendre", dit à l'AFP l'ancienne ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallström.
"C'est une question qui revient lors des délibérations et qui inquiète, on aurait aimé avoir plus de temps pour discuter, écouter les représentants et les arguments", dit celle qui a elle-même changé d'avis après avoir été longtemps contre une entrée dans l'Otan.
Historiquement anti-adhésion, le parti de la Première ministre Magdalena Andersson devrait annoncer dimanche un changement de ligne, ouvrant la voie à une candidature du pays scandinave, resté hors des alliances militaires depuis plus de deux siècles.
Mais tant lors de la consultation interne qu'au niveau national, les critiques ont émergé contre un débat escamoté et expédié pour s'aligner sur la décision finlandaise.
"Ce n'est pas la Suède qui contrôle le calendrier, mais la Finlande, parce que c'est elle qui a une frontière de 1 300 kilomètres avec la Russie", souligne Anders Lindberg, éditorialiste politique du quotidien Aftonbladet et proche des sociaux-démocrates.
Le changement est d'autant plus considérable que la Suède "a construit son identité sur sa neutralité" puis son non-alignement, note l'analyste.
«Merci» la Finlande
Le pays scandinave n'a pas été en guerre sur son territoire depuis qu'elle a renoncé aux alliances militaires au début du XIXe siècle, après l'ère napoléonienne.
Habituée à décider au terme de longues commissions gouvernementales pour parvenir à un consensus, le pays a cette fois dû réagir en urgence, à l'image d'un rapport sur l'adhésion à l'Otan publié vendredi par les partis au Parlement après seulement quelques semaines de travail.
Pour les experts en sécurité militaire, les responsables suédois ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes, en ayant trop évité de mettre sur la table la question de l'Otan.
"Avant, les sociaux-démocrates suédois disaient toujours: +on y pensera quand la Finlande adhèrera+. Mais parce qu'ils pensaient que la Finlande n'adhèrerait jamais", souligne Elisabeth Braw, experte de la défense des pays nordiques à l'American Enterprise Institute.
La Finlande, elle, avait théorisé une "option Otan", une capacité à rejoindre l'alliance rapidement en cas de besoin et de consensus politique.
"La responsabilité de cette situation repose sur les gens et les organisations qui ont refusé de discuter de l'Otan jusqu'à très récemment", estime Robert Dalsjö, chercheur à l'Institut suédois de recherche sur la Défense (FOI).
"Donc oui, ça va vite. Mais ça va vite parce que c'est une question de sécurité nationale (...) On ne peut pas retarder indéfiniment, parce que des gens ne se sont pas intéressés à la question auparavant", dénonce l'expert.
Pour d'autres, la Finlande a rendu le meilleur service possible à la Suède en accélérant le mouvement.
Les Suédois, qui aiment avec une certaine condescendance appeler "petits frères" les autres pays nordiques moins peuplés, se sont cette fois retrouvés dans le rôle du petit garçon.
"Sans la Finlande, jamais la Suède n'aurait adhéré à l'Otan. Merci, grand frère!", a titré le quotidien Expressen dans un éditorial jeudi.