MANILLE: Le fils et homonyme de l'ancien dictateur philippin Ferdinand Marcos, donné large vainqueur de l'élection présidentielle par les sondages, a conclu sa campagne samedi par un meeting géant dans la banlieue de Manille.
Une victoire au scrutin de lundi couronnerait des décennies d'efforts pour réhabiliter l'héritage de son père, le dictateur Marcos renversé en 1986 et mort en exil aux Etats-Unis.
La perspective de voir arriver Ferdinand Marcos Junior dans le palais présidentiel inquiète cependant les militants des droits de l'homme, les dignitaires religieux et les analystes politiques, qui craignent un gouvernement "sans contrainte".
Dix candidats sont en lice pour succéder au président Rodrigo Duterte dans un scrutin à un tour où la majorité relative suffit pour être élu.
Des dizaines de milliers de partisans de Marcos vêtus de rouge ont bravé le soleil brûlant et le vent samedi pour se rassembler sur un terrain vague poussiéreux surplombé par un casino de luxe, une image symbole des immenses écarts de richesse de ce pays que beaucoup quittent pour travailler à l'étranger.
Au pied d'un écran géant où le candidat est apparu tout sourire dans un déluge de musique pop, reggae et hip hop philippin à plein volume, la foule agitait des petits drapeaux aux couleurs nationales.
"Nous allons gagner à condition que vous restiez vigilants lundi pour qu'il n'y ait pas de nouvelle tragédie", a lancé Marcos Jr, 64 ans, dans une allusion à la victoire qu'il estime s'être faite voler à la présidentielle 2016.
Parmi ses supporters, Mary Ann Oladive, 37 ans, employée d'un centre d'appels, espère que Junior fera l'unité du pays et donnera des emplois. "Nous lui faisons confiance, nous espérons qu'après les élections, ils nous donneront un meilleur avenir aux Philippines", a-t-elle expliqué.
Pour son retour, le clan Marcos s'est nourri de la colère populaire contre la corruption et la pauvreté persistant sous les différents gouvernements depuis la dictature.
Selon les sondages, M. Marcos Jr pourrait remporter la présidentielle avec la majorité absolue, ce qui serait une première depuis le départ de son père.
Les observateurs craignent qu'un tel résultat affaiblisse l'équilibre des pouvoirs, favorise la corruption et mène à une nouvelle tentative de révision de la Constitution de 1987, pour notamment mettre fin à la limite d'un seul mandat pour les présidents.
"S'il remporte une victoire vraiment écrasante, cela pourrait lui donner cette sorte confiance et d'élan pour changer plus radicalement le système politique des Philippines", estime Richard Heydarian, professeur de sciences politique à l'Université De la Salle à Manille.
Selon le dernier sondage de Pulse Asia Research, M. Marcos Jr l'emporterait avec 56% des suffrages contre 33% pour sa plus proche rivale, Leni Robredo qui l'avait battu en 2016 pour le poste de vice-président.
Entrée tardivement en campagne, Mme Robredo, 57 ans, qui a martelé que "l'avenir du pays" est en jeu, espère encore créer la surprise au vu de sa récente ascension dans les enquêtes d'opinion.
Réhabilitation
Son dernier meeting s'est déroulé dans une ambiance de carnaval, ses partisans se rassemblant par dizaines de milliers dans le quartier d'affaires de Manille, vêtus de rose. "La victoire nous attend", a-t-elle lancé à ses supporters.
"Je pense que cette élection est très importante, le six prochaines années de notre vie en dépendront", explique à l'AFP Charmaigne Ang, 18 ans, qui votera pour la première fois et ne croit pas aux sondages.
Encore sous le coup de sa défaite de 2016, Marcos Jr a mené une campagne très encadrée.
Evitant les débats télévisés avec ses rivaux et fuyant les interviews sauf celles menées par des célébrités complaisantes, il a privilégié des vidéos sur YouTube qui cherchent à les présenter, lui et sa riche famille, comme des Philippins ordinaires.
La réécriture de l'histoire familiale est aussi passée par une campagne massive de désinformation sur les réseaux sociaux visant l'électorat jeune qui n'a pas connu la période du père, marquée par la corruption et les violences.
La popularité de M. Marcos Jr s'est encore renforcée grâce à l'alliance formée avec la fille du président sortant, Sara Duterte, qui brigue la vice-présidence, et par le soutien de plusieurs dynasties politiques rivales.
Quelques jours avant l'élection, les défenseurs des droits et plusieurs prêtres catholiques se sont exprimés pour empêcher un retour de la famille Marcos au palais Malacanang.
"Ce sera six nouvelles années d'enfer", a prévenu le militant et satiriste politique Mae Paner, 58 ans, qui a participé au soulèvement populaire ayant mis fin à la dictature et qui a fait campagne pour Mme Robredo.
Des centaines de prélats catholiques ont soutenu publiquement Mme Robredo et son candidat à la vice-présidence Francis Pangilinan, estimant qu'il s'agissait d'une "bataille pour l'âme" du pays.