BEYROUTH: Le grand mufti, le cheikh Abdel Latif Derian, a profité de son sermon de la fête du Fitr pour prévenir les sunnites du danger que constitue l’abstention du vote lors des prochaines élections législatives qui auront lieu le 15 mai au Liban.
Dans un discours prononcé à la mosquée Al-Amin, au cœur de Beyrouth, Derian s'est adressé à une foule qui comptait plusieurs candidats sunnites et a affirmé que l'abstention était la formule magique qui permettrait aux personnes corrompues d'accéder au pouvoir.
Cette mise en garde survient après que les observateurs internationaux ont déclaré que l'abstention électorale des sunnites favoriserait «l'influence croissante du Hezbollah et de ses alliés de la secte sunnite, à travers la victoire des loyalistes du parti ou de ses alliés. En effet, plus le taux de participation aux élections est faible, plus il sera facile pour le Hezbollah de gagner dans les zones sunnites.»
Derian a tenu ces propos alors que le pays célébrait la fête du Fitr dans un contexte de difficultés financières accablantes.
Le président Michel Aoun a exprimé ses vœux sur Twitter à l'occasion de la fête du Fitr: «Que ceux qui portent en eux le bien veillent aux bons intérêts et à la sécurité de la nation.»
«Que cette fête soit une invitation à tous pour dépasser les intérêts à court terme et concrétiser les ambitions et les espoirs nationaux en faveur du développement et du redressement de notre patrie», a-t-il ajouté.
Quant au Premier ministre Najib Mikati, il a souhaité que «le Liban se rétablisse aussi vite que possible grâce aux efforts de chacun et à une coopération positive, sachant qu'il ne peut y avoir d'autre solution.»
«La répétition des erreurs est un crime, et les pires crimes sont ceux que l'on commet contre la patrie, sous prétexte de la défendre», a-t-il poursuivi.
Derian, la plus haute autorité de l'islam sunnite dans le pays, s'est exprimé lundi parce que «l'enthousiasme sunnite du vote est en baisse» en raison «du mépris qu'éprouve la population à l'égard de la classe dirigeante et de la pauvreté qu'elle a engendrée», a indiqué un responsable de Dar al-Fatwa à Arab News.
«Le 'courant du Futur' et ses partisans comptent parmi ceux qui s'abstiendront de voter, bien que l'ancien Premier ministre Saad Hariri n'ait pas demandé le boycott des élections. Ils ont décidé de ne pas voter parce qu'ils sont peu convaincus des candidats qui pourraient remplacer Hariri.»
La décision de Hariri a conduit la majorité de son bloc parlementaire – qui compte 19 sièges – à ne pas se présenter aux élections. Mikati et ses prédécesseurs Fouad Siniora et Tammam Salam, ainsi que l'ancien ministre de l'Intérieur Nohad Machnouk, ont également décidé de ne pas se présenter aux élections.
«La faim ne connaît ni sectes ni régions. Nous sommes unis par notre souffrance face à des crises qui s'aggravent et par notre volonté nationale de changer la situation et de surmonter l'effondrement et l'échec. Nous aspirons à devenir un État porteur d'un message et lié par une amitié sincère aux frères arabes qui ont soutenu le Liban et le peuple libanais dans les circonstances les plus difficiles», a précisé le responsable.
Derian a sévèrement critiqué les autorités et a décrit la situation comme étant «très grave et dangereuse.»
«Ils essaient de faire de l'agresseur un bienfaiteur et du criminel un héros, élevant l'inutile aux plus hauts rangs de louanges et d'honneur. Ce sont eux qui ont fait du Liban un État en faillite qui mendie de l'eau, de l'électricité et du pain.»
«Aucun de ces bons à rien n'a le courage d'avouer les crimes qu'il a commis au moyen de la corruption et de l'argent mal acquis. Ils font tous semblant d'être des anges et des saints pour pouvoir retourner à la scène du crime, et ils continuent de répandre la corruption. Méfiez-vous de leurs déclarations trompeuses et mensongères.»
Derian a insisté sur le fait que «le changement ne peut être réalisé de loin ni par de simples souhaits. On y parvient par une participation active, massive et honnête. Le choix des membres du Parlement constituera le point de départ de la réforme souhaitée. Quand il s’agit d’une action nationale, il n'y a pas de place pour le désespoir. Nous ne pouvons pas nous soumettre à l'échec et à la corruption, au suicide et à la mort.»
«Pourquoi certains candidats pensent-ils que les gens sont des moutons menacés par la force, même quand ils ont faim et peur ? Les crises sociales et humanitaires ne sont résolues que par le gouvernement et par des institutions étatiques compétentes et efficaces», a-t-il conclu.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com