L'Iran exacerbe les tensions avec Israël

Un missile iranien est tiré lors d'un exercice militaire près du détroit stratégique d'Ormuz (Photo, AFP).
Un missile iranien est tiré lors d'un exercice militaire près du détroit stratégique d'Ormuz (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 30 avril 2022

L'Iran exacerbe les tensions avec Israël

L'Iran exacerbe les tensions avec Israël
  • La semaine dernière, trois personnes ont accusées d'espionnage pour le compte du Mossad, le service de renseignements israélien
  • Le régime a toujours tenté d'exploiter le conflit israélo-palestinien à ses propres fins

Les défis du régime iranien augmentent à la fois au niveau national et mondial. Alors que la République islamique tente d'étendre son ingérence régionale, elle exacerbe les tensions avec son principal adversaire, Israël.

Le ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité a annoncé la semaine dernière qu'il avait arrêté trois personnes accusées d'espionnage pour le compte du Mossad, le service de renseignements israélien. Leur identité et les preuves qui ont conduit aux allégations portées contre eux n'ont pas été communiquées.

Il est important de noter que le régime iranien a de lourds antécédents concernant des accusations d'espionnage et de «collaboration avec des États ennemis» pour justifier des peines sévères à l’encontre de détenus politiques. Cette tendance s'est accrue ces dernières semaines, alors que Téhéran tente d'étendre son ingérence régionale comme une couverture contre l'échec probable des négociations sur l’accord nucléaire de 2015 avec les grandes puissances mondiales (P5+1). L'opposition à l'existence d'Israël a toujours été au centre des préoccupations du régime des mollahs, une opposition remise en cause depuis 2020, avec la normalisation d’un certains nombres de pays arabe avec Tel-Aviv. Téhéran a condamné à plusieurs reprises de tels accords.

Le régime a toujours tenté d'exploiter le conflit israélo-palestinien à ses propres fins. Certains n’ont pas pris en compte les tentatives de Téhéran servant ses intérêts personnels comme un obstacle majeur à la réalisation de ses revendications légitimes. Le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, s'est entretenu ce mois-ci avec un responsable du Hamas, laissant entendre un soutien imminent à de nouvelles attaques. Lors de cette conversation, il aurait décrit Israël comme «trop faible» pour résister à des attaques. Parmi les autres composantes de cette mouvance, figure le principal mouvement régional pro-iranien, le Hezbollah, au Liban, qui a rejoint le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) dans des conflits en Syrie et ailleurs.

En avril, Téhéran a célébré la Journée nationale de l'armée, avec des défilés militaires qui ont dévoilé une gamme de missiles et de drones, dont un grand nombre serait en mesure d'atteindre Israël. Pour marquer cette occasion, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a prononcé un discours télévisé dans lequel il a déclaré que les forces iraniennes frapperaient au «cœur» d'Israël si ce pays faisait «le moindre geste» contre la théocratie.

«Le régime n'a pas de programme concernant la prospérité et le développement, et c'est pourquoi il a toujours invoqué des croquemitaines étrangers, car ils sont utiles pour couvrir ses propres échecs»

Dr Majid Rafizadeh

Le mois dernier, le CGRI a lancé une série de missiles sur le Kurdistan irakien et a affirmé par la suite avoir ciblé un complexe utilisé pour l'entraînement du Mossad. La frappe a été initialement signalée comme un acte de vengeance contre une opération israélienne en Syrie ayant provoqué la mort de deux officiers du CGRI. Cependant, des rapports ultérieurs ont affirmé que cette frappe était plus étroitement liée à l'indignation iranienne face à un projet de canalisations soutenu par Israël qui permettrait aux produits énergétiques de la région kurde de concurrencer plus efficacement les alternatives iraniennes. Aucune preuve n'a jamais été présentée pour étayer les affirmations d'une forte influence du Mossad dans cette région, alors que les autorités kurdes avaient fermement nié le fait qu'une telle présence avait été autorisée.

Les questions persistantes sur la frappe de missiles de mars sont susceptibles d'influencer des questions similaires concernant la version de l'Iran sur les récentes arrestations. Jusqu'à ce que l’on en sache plus sur les supposés agents du Mossad dont les arrestations ont été annoncées la semaine dernière, les opposants au régime présument que leur motivation était politique et que les accusations ne sont guère plus qu'un coup visant à promouvoir l'unité parmi les extrémistes fondamentalistes.

Dans la mesure où même la nationalité des détenus n'a pas été publiquement révélée, il est également possible que cela s’avère être un autre cas où les autorités du régime prennent en otage des citoyens étrangers et des binationaux et les accusent de crimes contre la sécurité nationale, dans le cadre d'une volonté de les utiliser comme monnaie d'échange dans les négociations avec les gouvernements occidentaux.

À titre d’exemple, bien que deux ressortissants britanniques aient été libérés le mois dernier en échange du remboursement d'une dette vieille de plusieurs décennies, au moins une dizaine d'autres Européens et Américains restent emprisonnés ou dans l'impossibilité de quitter l'Iran. Un résident permanent aux États-Unis, Shahab Dalali, n'a vu son cas révélé publiquement que ce mois-ci après que sa femme a accordé une interview dans laquelle elle a souligné la nécessité de «libérer tous les otages». Nahid Dalali a précisé que son mari avait été accusé d'«aide et de complicité» en faveur des États-Unis après avoir quitté ce pays pour assister en Iran aux funérailles de son père.

La menace d'arrestation plane fréquemment sur ces voyages familiaux lorsque le visiteur détient la citoyenneté ou la résidence permanente aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou dans tout autre pays occidental. La ressortissante irano-britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, récemment libérée, avait emmené sa fille de deux ans rendre visite à ses parents iraniens avant d'être arrêtée et accusée d'être «l'une des dirigeantes» d'un «réseau d'infiltration». Elle avait été condamnée à cinq ans d’incarcération dans la prison d'Evin.

Le régime n'a pas de programme concernant la prospérité et le développement, et c'est pourquoi il a toujours invoqué des croquemitaines étrangers, car ils sont utiles pour couvrir ses propres échecs. À titre d’exemple, en 1980, la République islamique a provoqué la guerre en Irak et a utilisé «la bénédiction divine» – comme l'a affirmé l'ancien guide suprême, l'ayatollah Khomeiny – pour anéantir l'opposition interne. Les groupes d'opposition locaux, notamment le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), l'Organisation des Fedayin du peuple et tout mouvement progressiste qui a osé défendre la démocratie ou les droits des femmes, ont fait face à de violentes mesures répressives.

Il est temps que le régime iranien trace clairement la voie vers la prospérité et le développement au lieu de rendre les autres responsables de ses propres échecs.

 

• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

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