PARIS: La guerre en Ukraine a fait s'accélérer la flambée des prix de l'énergie, entraînant une inflation inédite doublée d'une croissance à plat en France comme en Europe. La combinaison de ces deux phénomènes réveille le spectre de la stagflation.
Qu'est-ce que la stagflation?
Quand la croissance stagne et s'ajoute à l'inflation sur une longue période, on parle de "stagflation".
Celle-ci survient généralement après un choc qui affecte l'économie et a des répercussions sur toute la chaîne de production, les prix et l'emploi.
Dans les années 1970, les chocs pétroliers, causés par la baisse de l'offre et l'augmentation du prix du pétrole, ont été à l'origine d'une période de stagflation, à laquelle les banques centrales ont immédiatement répondu par une politique monétaire restrictive en relevant les taux directeurs pour limiter l'inflation, faisant peser la facture sur les ménages.
Est-on actuellement dans une période de stagflation?
L'inflation a été d'abord alimentée par la levée des restrictions sanitaires, avec un fort rebond de la consommation et des problèmes d'approvisionnement des entreprises.
La guerre en Ukraine a entraîné par la suite un nouveau choc sur les prix, tant sur les carburants que sur les cours des matières premières, notamment alimentaires.
S'ajoute à cela des ménages prudents face à cette incertitude, qui craignent pour leur pouvoir d'achat et préfèrent épargner.
En France, les derniers indicateurs économiques publiés vendredi par l'Insee font craindre un début de stagflation.
La croissance française est à l'arrêt au premier trimestre, conjuguée à une inflation de 4,8% sur un an, un record en France depuis 1985.
Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, déclarait d'ailleurs début mars que la crise énergétique actuelle, marquée par une flambée des prix était "comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973".
Mais il faudrait que cette situation perdure "sur au moins plusieurs trimestres" pour pouvoir parler de stagflation, assure Pierre Jaillet, chercheur à l'Institut européen Jacques-Delors. Il souligne aussi que toutes les conditions ne sont pas réunies puisque l'investissement reste fort et que le gouvernement a contribué à l'effort pour soutenir la demande avec, par exemple, l'octroi des chèques énergie.
De son côté, la secrétaire générale adjointe de l’OCDE Laurence Boone a reconnu vendredi au micro de France Info voir "les prix élevés et la croissance ralentir", "dans une période de guerre, de pandémie [où] on voit aussi beaucoup de volatilité".
Mais au sujet de la stagflation, elle a appelé à la "prudence avec ce type de mot".
Quelles sont les réponses possibles
Au niveau européen, chaque pays peut intervenir avec sa propre politique budgétaire, comme cela a été le cas au plus fort de la crise sanitaire.
"L'une des questions qui se pose maintenant, c'est de savoir dans quelle mesure le futur gouvernement va peser sur la perte du pouvoir d'achat", après les énormes moyens déployés par les pouvoirs publics pour aider les ménages et entreprises depuis la pandémie, explique-t-il.
La situation française fait écho à la croissance de la zone euro, qui a ralenti à 0,2% ce premier trimestre par rapport au trimestre précédent, tandis que l'inflation reste à 7,5% sur un an, a annoncé Eurostat ce vendredi.
Cette situation complique la tâche de la Banque centrale européenne (BCE). Le risque est de paralyser la reprise économique après la pandémie de Covid-19 si elle relève brusquement ses taux directeurs.
Un tour de vis monétaire renchérit le coût des emprunts pour les entreprises et les ménages, ce qui peut peser in fine sur la consommation et les investissements.
Pour l'instant, l'inflation est bien supérieure au niveau de taux d'intérêt de la BCE, et par contrecoup à celui des taux d'emprunt proposés par les banques. "D'un point de vue historique, c'est complètement inédit", remarque Pierre Jaillet.
Mais la présidente de la BCE Christine Lagarde a ouvert mercredi la possibilité d'une première hausse des taux directeurs cet été, si l'inflation persiste à un niveau élevé.
Dans le même élan, la BCE a déjà arrêté en mars le programme d'urgence destiné à soutenir l'économie pendant la crise provoquée par le Covid-19 et déclaré arrêter les achats nets d'actifs dès l'été.