Liban: Hausse des enlèvements contre rançon

Le village d'Arsal dans le district de Baalbek au Liban (Photo, Reuters).
Le village d'Arsal dans le district de Baalbek au Liban (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 29 avril 2022

Liban: Hausse des enlèvements contre rançon

  • Des gangs vendent et achètent des victimes au Liban et les retiennent en Syrie
  • Il y a 53 cas depuis janvier, les auteurs utilisent les réseaux sociaux pour «attirer les victimes en prétendant pouvoir les aider à émigrer»

BEYROUTH: Les forces de sécurité libanaises ont mis en garde les citoyens et les résidents contre l’augmentation des enlèvements dans le pays. Les auteurs cherchent à obtenir de grosses sommes d'argent pour le retour de leurs victimes saines et sauves.
La direction générale des Forces de sécurité intérieure (FSI) a déclaré que ces gangs utilisaient les réseaux sociaux afin d’attirer leurs victimes, souvent par le biais d'annonces sur TikTok, en prétendant pouvoir les aider dans leurs demandes d'émigration.
Les gangs sont généralement actifs dans la région de Baalbek-Hermel et à la frontière libano-syrienne, mais ils opèrent également dans les zones profondes du territoire syrien.
Une source de sécurité a déclaré à Arab News qu'entre le 1er janvier et le 20 avril, les services de sécurité libanais ont enregistré 53 cas d'enlèvement au Liban.
Il y a quelques jours, les agents de renseignement de l'armée libanaise ont réussi à libérer l'homme d'affaires local Akram Joumaa, sept heures après son enlèvement dans la ville de Lala, dans l'ouest de la Békaa.
Les ravisseurs s'étaient enfuis, emmenant Joumaa dans la région de Baalbek-Hermel, dans le nord de la Békaa, et avaient essayé de le vendre à un autre gang.
Ils ont exigé que sa famille paie une rançon pour son retour, mais il a finalement été libéré entre les villages de Dar Al-Waseah et de Bouday, dans les alentours de Baalbek.
Les agents de renseignement de l'armée ont également réussi à libérer Sadiq Roli, un ressortissant égyptien travaillant pour la société Al-Sabbah Media Corporation, après avoir été détenu par ses ravisseurs pendant environ un mois et demi.
Le 16 avril dernier, des hommes armés non identifiés ont intercepté une voiture transportant Roli et des membres de l'équipe d'une société de télévision qui tournait une série télévisée à Baalbek, près de la ville de Brital sur la route Baalbek-Hermel.
Ils ont tiré sur la voiture pour qu'elle s'arrête, et ont enlevé Roli, tandis que les autres passagers ont réussi à s'échapper. Les ravisseurs ont exigé une rançon de plus d'un million de dollars en échange de la libération de Roli, mais mardi à minuit, ils l'ont libéré à Baalbek.
Hassan Atoui, âgé de 32 ans, a été enlevé par deux hommes syriens qui l'ont vendu à un gang pour 3 millions de livres libanaises (1 975,50 dollars).
Atoui a été enlevé au début du mois d’avril dans la ville de Nabatiyeh, au sud du Liban, après son retour chez lui, venant d’un pays africain où il travaillait.
Atoui avait communiqué via les réseaux sociaux avec une agence de voyage basée dans la région d'Hermel, qui lui avait proposé de lui procurer un visa pour les États-Unis en échange d'une somme d'argent.
Il a accepté de rencontrer la personne qui prétendait diriger l'agence, mais a ensuite été pris en embuscade par des inconnus qui l'ont emmené dans la région de Baalbek-Hermel où ils l'ont vendu à un autre gang. Ils ont également volé l'argent qu'il avait en sa possession.
Le nouveau gang a demandé à ses proches de payer une rançon de 25 000 dollars en échange de sa libération, et a envoyé à sa famille des séquences vidéo le montrant en train d'être brutalisé.
L'avocat de la famille, Achraf Al-Moussawi, a déclaré à Arab News : «La région de Baalbek-Hermel connaît un état de chaos sécuritaire sans précédent».
Il a ajouté : «Il y a des gangs organisés qui comprennent des fugitifs et d'autres qui se sont formés récemment, et qui trouvent facile de gagner de l'argent à travers les enlèvements, en l'absence de sécurité assurée par l'État.»
Et de poursuivre : «J'ai remarqué que de nombreux gangs utilisent désormais des femmes, pour la plupart liées aux membres du gang, qu'ils forment afin d’attirer les victimes et les faire chanter.»
«Les services de sécurité connaissent les membres de ces gangs par leur nom. Certains d'entre eux n'ont aucun mandat d'arrêt antérieur, ce qui signifie qu'ils sont nouveaux dans le monde du kidnapping et du crime, mais qu'ils gagnent beaucoup d'argent grâce à cela», a-t-il soutenu.
Malgré la libération réussie de certaines victimes, aucun kidnappeur n'a encore été arrêté, à l'exception de trois femmes soupçonnées d'être impliquées dans l'enlèvement de Joumaa.
La source de sécurité a déclaré : «Certains de ces stratagèmes d'enlèvement sont astucieux, mais ce qui est le plus dangereux, c'est que ces gangs recueillent beaucoup d'informations sur leurs victimes, et ont de nombreux complices qui les aident dans différentes régions.»
 «Les services de sécurité connaissent les membres de ces gangs par leur nom mais ne peuvent pas les arrêter car ils se cachent à l'intérieur du territoire syrien, d'où ils mènent leurs opérations», a-t-elle affirmé.
Selon la même source, Roli a été emmené en territoire syrien, il en aurait été de même pour Joumaa.
Entre-temps, la source a indiqué que le citoyen libanais George Mufrej, qui a été le premier à être enlevé par ces gangs alors qu'il se rendait à l'aéroport de Beyrouth, a été transféré par ses ravisseurs en territoire syrien où il est toujours porté disparu.
Les zones frontalières de la région d'Hermel avec la Syrie ne sont pas soumises au contrôle de l'État, car les passages illégaux pour la contrebande abondent, de même que ceux contrôlés par le Hezbollah, qui se sont multipliés depuis le début de la guerre en Syrie.
La source a déclaré que les services de sécurité libanais ont fait pression sur les familles des ravisseurs pour forcer leurs fils à respecter les lois.
«Nous devons utiliser les mêmes méthodes qu'eux, peut-être cela aidera-t-il à libérer les kidnappés», a révélé la source.
La source a aussi ajouté : «Roli et Joumaa ont été libérés grâce à cette méthode ; nous avons détenu les mères des kidnappeurs, fait une descente dans leurs maisons et forcé les familles à les contacter et à leur dire de laisser partir les kidnappeurs.»
«Les ravisseurs n'ont pas apprécié qu’ils rendent la monnaie de leur propre pièce et ont menacé le chef des renseignements de l'armée dans la région, le colonel Mohammed Al-Amin», a expliqué la source.
Cette dernière a estimé que l'âge des ravisseurs se situait entre 25 et 35 ans.
«Ces personnes devront un jour revenir de Syrie dans leurs maisons du quartier Al-Sharwana à Baalbek et Dar Al-Waseah. Certains sont issus des familles Jaafar, Zeaiter, Mardi et Saab, et nous les attendrons certainement à leur retour», a assuré la source.
Les services de sécurité libanais ont aussi indiqué qu'ils ont coopéré avec l'armée syrienne lorsque cela était nécessaire.
«Nous continuerons sans relâche à faire pression sur ces gangs. C'est le seul moyen de les atteindre et de les mettre hors d'état de nuire », ont-ils affirmé.
Et de soutenir : «Nous faisons du mieux que nous pouvons avec les moyens disponibles ; arrêter les kidnappeurs est une priorité mais nous avons un million de tâches chaque jour, et la lutte contre le terrorisme en est une.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com