BERLIN : L'inflation en Allemagne a encore atteint un record en avril, à 7,4% sur un an, poussée par la flambée des prix de l'énergie exacerbée par la guerre en Ukraine, qui accroît aussi les tensions sur les chaînes d'approvisionnement, selon des chiffres provisoires publiés jeudi.
La hausse des prix à la consommation en glissement annuel a encore progressé de 0,1 point par rapport au mois de mars, au cours duquel elle avait déjà atteint son plus haut niveau depuis la réunification de l'Allemagne en 1990, a annoncé l'Institut de statistiques Destatis.
Pour trouver un chiffre d'inflation aussi élevé, il faut remonter à octobre 1981, à l'époque de l'Allemagne de l'Ouest, en pleine guerre Iran-Irak.
Sur un mois, la hausse des prix atteint 0,8% en avril.
L'indice des prix harmonisé, qui sert de référence au niveau européen, a progressé de 7,8% sur un an, pulvérisant l'objectif de 2% à moyen terme de la Banque centrale européenne.
"Depuis le début de la guerre en Ukraine, les prix de l'énergie ont sensiblement augmenté et ont fortement influencé le taux d'inflation élevé", commente Destatis.
Moscou étant l'un des fournisseurs principaux en hydrocarbures de l'Union européenne, les prix de l'énergie ont connu une envolée spectaculaire ces derniers mois. En avril, ils ont bondi de 35,3%, après +39,5% en mars et +22,5% en février.
La guerre accroît aussi le coût des denrées alimentaires, en hausse de 8,5% en avril, contre 6,2% en mars et 5,3% en février.
La Russie et l'Ukraine sont deux exportateurs mondiaux de céréales, notamment de blé destiné au bétail.
Les prix de l'énergie et des engrais azotés, dont la Russie est l'un des principaux producteurs, alimentent également la hausse.
Enfin, les pénuries de composants et matières premières qui freinent l'économie depuis la pandémie de coronavirus se sont renforcées avec les sanctions contre la Russie et des arrêts de production en Ukraine, qui fournit entre-autres le secteur automobile allemand.
L'industrie allemande répercute ces coûts sur les consommateurs : le prix des biens a ainsi augmenté de 12,0%.
BCE sous pression
"Avec la guerre en Ukraine et la poursuite des tensions et des pressions à la hausse sur les prix de l'énergie (...) l'inflation continuera son accélération en Allemagne dans les mois à venir", commente, dans un communiqué, Carsten Brzeski, économiste chez ING.
L'ensemble de ces phénomènes a en effet conduit le gouvernement allemand à rehausser mercredi ses prévisions d'inflation pour l'année en cours, à 6,1%, contre 3,3% attendus en janvier.
Cette flambée des prix, qui s'étend à la zone euro, est cependant "très proche" de connaître "un pic" avant un reflux attendu en seconde partie d'année, a estimé jeudi Luis de Guindos, vice-président de la BCE.
En concernant une large catégorie de produits allant au-delà de l'énergie, l'inflation s'installe comme un phénomène durable et cela "accroît la pression sur la Banque centrale européenne (BCE) pour qu’elle accélère le mouvement en vue d'une hausse des taux d'intérêt", a commenté Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique allemande KfW.
La présidente de l'institution, Christine Lagarde, a ouvert mercredi la possibilité d'une première hausse des taux directeurs dès cet été, si l'inflation persiste à un niveau élevé.
A cette période, "il sera temps d'examiner les taux d'intérêt", a-t-elle affirmé lors d'un déplacement à Hambourg, en Allemagne.