Comme toute personne normale et qui se laisse distraire facilement, je me retrouve souvent à faire défiler d’interminables post sur les réseaux sociaux. Naviguant entre les dernières tendances de beauté et les rubriques d’actualité, je tombe sur quelques comptes « non officiels » sur des médias locaux qui ne manquent jamais de susciter la polémique.
Au cours des derniers mois, j'ai remarqué une augmentation des publications négatives sur les femmes. Ces publications n'attaquent pas nécessairement les femmes directement, mais leur contenu inclut des sous-entendus qui donnent une image négative de la femme. En l’espace d’une semaine, par exemple, un même compte a publié les titres suivants : « Vengeance sur son ex-mari – la devise de certaines femmes divorcées », « Une femme demande le divorce parce qu'elle ne supporte pas son mari », « Les femmes encouragent les autres demander le divorce pour des raisons excessives » ou encore « Une étude montre que les femmes mesurent l'affection d'un homme en fonction des choses matérielles et non des émotions ». Ces publications posent même des questions visant à lancer des débats typiquement masculins, tels que « Devriez-vous choisir d'épouser une femme au foyer ou une femme qui travaille? ».
Ces comptes vont jusqu'à tenter de normaliser et d'encourager des discussions sur des sujets sociaux sensibles, comme la polygamie, en mettant par exemple en lumière le cas aberrant d’ une épouse du Golfe qui a planifié et payé le deuxième mariage de son mari. Au cours de la même semaine, le même compte a également repris une étude de l'Université de Sheffield – qui l’arrangeait bien – puisqu’elle démontrait que la polygamie recelait de nombreux avantages pour le mari.
Le risque de la banalisation de propos sexistes et misogynes
Ce que nombreux pourraient considérer comme des plaisanteries en ligne inoffensives ou de simples discussions et observations sur les réseaux sociaux peuvent avoir de réelles répercussions négatives sur le long terme. Ces messages sont en soi misogynes, stéréotypés et sexistes. Mais il existe cependant de vrais risques que ces derniers finissent par effectivement influencer l’opinion publique.
Les commentaires se transforment en discussions, qui peuvent elles-mêmes entraîner un débat plus large dont les médias, voire les institutions gouvernementales, peuvent s’emparer. Une illustration flagrante est le cas d’une simple publication qui évoquait une affaire judiciaire où une femme divorcée exigeait une pension alimentaire « déraisonnable » de son ex-mari. Le débat en ligne est devenu tellement animé qu’il a finalement été discuté par les membres du Conseil national fédéral des Emirats arabes unis (EAU).
Je ne m'étendrai pas sur la manière dont ces messages renforcent les notions archaïques de patriarcat et d'autorité morale. Néanmoins, il est impératif de souligner qu'il devient de plus en plus difficile d'accepter que l’on retrouve ce genre de post de manière aléatoire. Il pourrait s'agir d'une tentative délibérée de normaliser les sujets controversés et de nuire à l'image de la femme.
Ce que nombreux pourraient considérer comme des plaisanteries en ligne inoffensives ou de simples discussions sur les réseaux sociaux peuvent avoir de réelles répercussions négatives
Asma I. Abdulmalik
L’évolution des médias, qui mettent en avant les succès des femmes
Ces comptes ne sont pas officiels et n'appartiennent pas à des sociétés privées, mais sont plutôt des initiatives individuelles de citoyens. Leur influence s'est accrue au fil des années et ils comptent maintenant des centaines de milliers d’abonnés. Ils donnent les dernières informations locales, parfois même avant les chaînes publiques, se saisissent de sujets sociaux et publient des vidéos divertissantes. En réalité la majeure partie du contenu n’est que du recyclage d’informations parues dans des tabloïds internationaux, tels que le Daily Mail au Royaume-Uni ou des faits divers locaux. Leur avantage comparatif s’explique par leur large diffusion et tout manque de responsabilisation officielle.
Malheureusement, ils défendent des messages qui contredisent absolument ce que les institutions gouvernementales officielles et les médias préconisent quotidiennement. Les comptes officiels des médias contribuent largement à mettre en avant les succès remportés par les femmes au fil des ans. Chaque année, ils mettent l’accent sur le plafond de verre que brisent les femmes, et leur offrent une occasion d’exceller au-delà de leurs rôles genrés prédéterminés.
Au cours de l'Histoire, on a assigné les femmes à des rôles très restreints. Cela n’est pas surprenant, car les médias ont longtemps été gérés exclusivement par des hommes et leur contenu était adapté aux préférences masculines. Mais récemment, une grande partie des médias a fait du chemin, dans la vision qu’ils donnent des femmes et de leur sexualité, en allant même jusqu’à les présenter comme indépendantes et puissantes. Voilà pourquoi la manière dont nous représentons les femmes dans les médias est cruciale.
Les médias de masse ne se limitent plus seulement à fournir des informations. Ils jouent un rôle important dans le façonnement de la société et la construction de l’opinion publique. Ils influencent nos priorités et sont un moyen pour faire évoluer nos lois et nos politiques. Ils portent une grande responsabilité dans la sensibilisation aux questions urgentes et pertinentes qui nous touchent, et dans la promotion de messages qui informent, engagent et nous éduquent pour que chaque groupe de la société se sente bien. Nous voulons tous favoriser une société qui promeut et respecte les hommes et les femmes. Il est donc plus que jamais temps de comprendre que les comptes des médias ou d’individus qui continuent de promouvoir des stéréotypes discriminatoires et insultants sur les femmes, ne doivent plus être les bienvenus.
Asma I. Abdulmalik est une fonctionnaire émiratie et une auteure qui s’intéresse aux questions de genre et de développement. Twitter: @Asmaimalik
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com