PARIS : Marine Le Pen, qui a essuyé sa troisième défaite présidentielle dimanche, est désormais confrontée au défi des alliances, notamment en vue des législatives, et à l'avenir de son parti dont elle ne devrait pas reprendre la présidence.
La candidate d'extrême droite, défaite par Emmanuel Macron, a dès dimanche soir appelé à se lancer dans "la grande bataille" des élections législatives des 12 et 19 juin.
Avec un score inégalé de 41,5% des voix au second tour, Marine Le Pen nourrit l'espoir d'obtenir "un grand nombre de députés" en réunissant les forces opposées au chef de de l'Etat.
"Ne laissez pas les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron", qui est "un dirigeant autoritaire", a lancé lundi sur BFMTV le président par intérim du Rassemblement national Jordan Bardella, en arrivant au siège du parti pour des réunions post-électorales.
Mais avec le mode de scrutin, majoritaire à deux tours, il lui faut nouer des alliances pour remporter l'élection, a rappelé Brice Teinturier, directeur d'Ipsos, sur France Inter. "Si vous avez 50% d'abstention, il faut obtenir 25% des exprimés. Cela suppose donc des alliances partout pour pouvoir gagner".
Une gageure pour le RN, qui ne semble pas disposé à faire des compromis.
"On ne va pas se lancer dans des alliances sur des théories qui ne sont pas les nôtres", a affirmé sur BFMTV le député et porte-parole du RN Sébastien Chenu.
«Difficulté»
Marine Le Pen a pour sa part ignoré, entre les deux tours, son rival d'extrême droite Eric Zemmour, qui a réuni 7% des voix. Elle sera "la cheffe de la bataille des législatives", a assuré le député européen Jean-Lin Lacapelle.
"Personne ne veut s'allier avec (le RN). Et cette incapacité, cette difficulté à nouer des alliances lui est fatale dans une élection comme les législatives. Et c'est pour ça (...) qu'il ne faut pas conclure trop vite à une possible cohabitation", analyse auprès de l'AFP M. Teinturier.
A Reims début février, elle avait écarté toute possibilité d'accord avec les candidats Reconquête! venus du RN. "Ceux qui sont partis chez Eric Zemmour, c'est un aller sans retour. Aucun accord électoral ne se fera autour de ces candidatures".
L'ancien polémiste, qui avait appelé à voter pour elle, a invité dimanche le "bloc national" à "s'unir", mais tout en critiquant la huitième défaite d'un Le Pen à la présidentielle.
"Il faut qu'il dégonfle sa tête, qui est énorme, et qu'il arrête d'insulter les gens", a taclé sur France Inter Louis Aliot, vice-président du RN.
M. Zemmour et Mme Le Pen ne sont pas sur la même ligne: la première veut réunir les électeurs et de droite et de gauche qui partagent sa politique, alors que le second promeut une "union des droites" entre l'extrême droite et l'aile dure de LR.
«Présidence du RN»
Entre les deux tours, la cheffe de file du RN a davantage fait des clins d'oeil aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, qui ont été environ 18% à voter pour elle dimanche, selon BVA, au lieu d'environ 7% en 2017.
Le FN (devenu RN) a obtenu une seule fois un groupe de 32 députés à l'Assemblée, de 1986 à 1988. Mais à l'époque le mode de scrutin était proportionnel.
En 2017, le RN n'a pas pu constituer de groupe n'obtenant que 8 députés, y compris l'apparentée Emmanuelle Ménard. Sa représentation s'était ensuite réduite à 7 élus, après la défection de José Evrard --décédé depuis-- chez Nicolas Dupont-Aignan.
Aux législatives, Marine Le Pen devra aussi tenir compte de l'abstention, qui touche particulièrement les catégories populaires et les jeunes, au coeur de son électorat, et qui l'avait empêchée de remporter une seule région en 2021.
Elle-même devrait se représenter à la députation, dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, où sa réélection semble acquise. Dans son fief d'Hénin-Beaumont, elle a réuni 67% des voix.
Mais elle pourrait ne pas reprendre la présidence du RN, selon M. Chenu, dont elle a confié les rênes, le temps de la campagne, à son fidèle lieutenant Jordan Bardella.
Le mouvement, toujours lourdement endetté, avait subi une désaffection après son échec en 2017 et avait été secoué par la concurrence d'Eric Zemmour, qui a attiré des élus et des militants.