Génocide arménien: la société turque avance à petits pas, malgré le déni d'Ankara

Pour les activistes, le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie, entamé en janvier, n'a rien changé (Photo, AFP).
Pour les activistes, le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie, entamé en janvier, n'a rien changé (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Dimanche 24 avril 2022

Génocide arménien: la société turque avance à petits pas, malgré le déni d'Ankara

  • Le génocide des Arméniens est commémoré le 24 avril, date des premières arrestations d'intellectuels arméniens, considérée comme le début du génocide
  • Sujet tabou pendant des décennies en Turquie, le génocide arménien a commencé à être commémoré par des intellectuels turcs à partir de 2005

ANKARA: Les commémorations du génocide arménien organisées par des ONG en Turquie doivent reprendre dimanche après deux années d'interruption due à la pandémie et à des interdictions des autorités, au moment où Ankara et Erevan tentent de normaliser de leurs relations.

Perpétré en 1915 par les troupes ottomanes, le génocide des Arméniens est commémoré le 24 avril, date des premières arrestations d'intellectuels arméniens, considérée comme le début du génocide.

Sujet tabou pendant des décennies en Turquie -- qui réfute le terme de génocide et évoque une guerre civile doublée d'une famine --, le génocide arménien a commencé à être commémoré par des intellectuels turcs à partir de 2005.

"La police autorise désormais les rassemblements à condition qu'on n'utilise pas le mot génocide. Mais nous ne voulons pas nous soumettre à cette interdiction", explique Ayse Gunaysu, membre de l'Association des droits humains (IHD), qui a été une des premières activistes à organiser des commémorations, d'abord dans des locaux de son ONG puis, à partir de 2010, dans l'espace public.

Des centaines de Turcs se sont joints au fil des ans aux commémorations organisées dans différents lieux de mémoire d'Istanbul, marquant leur distance vis-à-vis de la position officielle. 

Des rassemblements, expositions, présentations de livres et débats sur le sujet se sont également tenus dans d'autres villes du pays, d'Ankara à Diyarbakir (sud-est), tolérés par les autorités malgré leur refus répété de reconnaître le génocide.

Rassemblements interdits

Les autorités ont toutefois durci le ton à partir de 2016, en interdisant les commémorations sur la place Taksim, puis à Sultanahmet, deux quartiers centraux d'Istanbul.

"La police nous avait violemment expulsés", se souvient Mme Gunaysu, dont l'association se contente depuis d'une déclaration à la presse dans ses locaux chaque 24 avril.

Les commémorations, interrompues depuis deux ans pour cause de pandémie, seront moins nombreuses dimanche qu'il y a quelques années, aucune initiative n'étant prévue en dehors d'Istanbul et d'Ankara.

La Plateforme du 24 avril, une ONG turque, a annoncé samedi soir annuler un rassemblement prévu à Besiktas, dans le centre d'Istanbul, faute d'autorisation de la préfecture.

Pour les activistes, le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie, entamé en janvier, n'a rien changé. 

"On ne peut voir aucun effet positif de cette normalisation. Une enquête a été ouverte à notre encontre la semaine dernière pour la déclaration que nous avons effectuée en 2021", affirme Ayse Gunaysu.

"A l'époque où les commémorations du 24 avril pouvaient être organisées plus librement, il y avait une autre atmosphère, plus démocratique, dans le pays. Ce n'est plus le cas", estime de son côté Yetvart Danzikyan, rédacteur en chef d'Agos, journal stambouliote publié en turc et en arménien.

Le putsch raté de juillet 2016 contre le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est traduit par un durcissement contre les opposants.

Pourparlers facilités

La reconnaissance du génocide ne figure pas au menu des discussions entre l'Arménie et la Turquie, qui n'ont jamais établi de relations diplomatiques formelles, et dont la frontière commune est fermée depuis 1993.

Selon des observateurs, l'absence de cette question du menu des pourparlers pourrait faciliter leur progression, car malgré des avancées dans la société et les messages de condoléance présentés depuis 2014 par la présidence turque aux descendants des Arméniens tués en 1915, la position d'Ankara n'a pas réellement changé.

"Il n'y a absolument pas eu de génocide", a martelé mercredi le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun.

Le journal pro-gouvernemental Yeni Akit a lui qualifié vendredi de "honteuse" une proposition de loi pour la reconnaissance du génocide arménien déposée par un député de l'opposition.

"Chaque 24 avril, les souffrances de ma famille sont ignorées. La négation devient plus forte en Turquie en avril. L'histoire de mon peuple est accusée d'être un mensonge", a regretté samedi Alin Ozinian, journaliste arménienne d'Istanbul dans une chronique publiée sur le média en ligne ArtiGerçek.

Malgré cela, Ayse Gunaysu demeure optimiste. 

"Même si ça avance très lentement, j'observe un changement dans la société par rapport à la reconnaissance du génocide", estime-t-elle. "Dans les milieux intellectuels, c'est devenu presque une condition pour être politiquement correct".


Inde: l'opposition fustige Modi et ses propos anti-musulmans

Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
Short Url
  • M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019
  • Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril

NEW DELHI: L'opposition indienne a accusé jeudi le Premier ministre Narendra Modi de tenir des propos stigmatisant les musulmans et alimentant, en plein processus électoral, les tensions sectaires dans la plus grande démocratie du monde, constitutionnellement laïque.

M. Modi déploie "son jeu habituel consistant à diviser les hindous et les musulmans", a déclaré jeudi P. Chidambaram, ancien ministre des Finances et membre influent du Congrès, principal parti d'opposition,

"Le monde observe et analyse les déclarations du Premier ministre indien, qui ne sont pas à la gloire de l'Inde", a-t-il ajouté.

M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

Agé de 73 ans et encore très populaire dans l'ensemble du pays, le Premier ministre brigue un troisième mandat à la tête du pays.

Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril et se déroulent en sept phases jusqu'au 1er juin.

M. Modi a présenté mardi sa candidature au siège de député de Varanasi (Bénarès), cité sacrée de l'hindouisme, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh (nord), qu'il occupe depuis une décennie.

L'opposition et les défenseurs des droits accusent M. Modi de favoriser les hindous, majoritaires dans le pays, au détriment d'importantes minorités, dont 210 millions d'Indiens musulmans, inquiètes pour leur avenir.

M. Modi a récemment suscité l'indignation dans les rangs de l'opposition en accusant le Congrès de vouloir distribuer la "richesse nationale" aux "infiltrés", "à ceux qui ont le plus d'enfants", désignant ainsi la communauté musulmane.

L'opposition a saisi les autorités électorales qui n'ont pas sanctionné le Premier ministre. L'Inde est constitutionnellement laïque et son code électoral interdit toute campagne fondée sur des "sentiments communautaires".

Dans un entretien mardi sur la chaîne d'information continue News18, le chef du gouvernement s'est défendu d'alimenter et d'exploiter tout clivage entre hindous et musulmans.

Discrimination 

"Le jour où je commencerai à parler des hindous-musulmans sera celui où je perdrai ma capacité à mener une vie publique", a-t-il affirmé en hindi.

Le lendemain, en plein rassemblement électoral, Narendra Modi accusait le Congrès d'orchestrer un "jihad par le vote" pour que les musulmans se prononcent contre lui.

Au début de la semaine, Madhavi Latha, actrice et candidate du BJP à Hyderabad (sud), s'est autorisée, dans un bureau de vote, à vérifier que la carte électorale de musulmanes correspondait à leur identité, exigeant qu'elles ôtent leur voile.

La police de la ville a ouvert une enquête sur l'incident.

Au total, 968 millions d'Indiens sont appelés à élire les 543 membres de la chambre basse, soit plus que la population totale des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Russie réunis.


L'axe Pékin-Moscou, facteur de «stabilité» et de «paix» selon Xi et Poutine

Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping assistent à un concert marquant le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Chine (Photo, AFP).
Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping assistent à un concert marquant le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Chine (Photo, AFP).
Short Url
  • Tout juste de retour d'une tournée en Europe, Xi Jinping y a défendu le droit de maintenir avec son voisin russe des liens économiques normaux
  • Vladimir Poutine est arrivé jeudi matin à Pékin pour une visite de deux jours, son premier voyage à l'étranger depuis sa réélection en mars et son deuxième en Chine en un peu plus de six mois

PEKIN: Xi Jinping et Vladimir Poutine ont défendu jeudi l'axe Pékin-Moscou comme un facteur de "stabilité" et de "paix" dans le monde, le dirigeant russe espérant un soutien accru de la Chine à sa guerre en Ukraine.

La relation Chine-Russie "est non seulement dans l'intérêt fondamental des deux pays et des deux peuples, mais elle est également propice à la paix", a estimé Xi Jinping, lors d'une rencontre avec son homologue à Pékin.

Et "la Chine est prête à travailler avec la Russie pour (...) soutenir l'équité et la justice dans le monde". "La relation Chine-Russie aujourd'hui a été durement acquise et les deux parties doivent la chérir et la nourrir", a-t-il ajouté.

Cette relation est "un facteur de stabilité sur la scène internationale", a assuré de son côté Vladimir Poutine, selon le Kremlin. Elle "n'est pas opportuniste et elle n'est dirigée contre personne".

"Ensemble, nous soutenons les principes de justice et un ordre démocratique mondial reflétant les réalités multipolaires et fondé sur la loi internationale", a-t-il déclaré.

Après leur entretien bilatéral, les deux hommes ont signé un communiqué commun pour approfondir le "partenariat stratégique global" sino-russe, selon l'agence officielle Chine nouvelle.

«Reconnaissant»

Vladimir Poutine est arrivé jeudi matin à Pékin pour une visite de deux jours, son premier voyage à l'étranger depuis sa réélection en mars et son deuxième en Chine en un peu plus de six mois.

Quelques heures plus tôt, il s'était félicité des avancées de l'armée russe en Ukraine.

Dans leur communiqué commun jeudi, Pékin et Moscou jugent "nécessaire" d'éviter toute décision contribuant "à la prolongation des hostilités et à une nouvelle escalade du conflit".

Une formulation qui semble viser Européens et Américains, la Chine et la Russie affirmant régulièrement que ce sont les livraisons d'armes occidentales à l'Ukraine qui font durer la guerre.

Le géant asiatique est une planche de salut économique cruciale pour la Russie, en proie aux lourdes sanctions occidentales.

Tout juste de retour d'une tournée en Europe, Xi Jinping y a défendu le droit de maintenir avec son voisin russe des liens économiques normaux. La Chine bénéficie notamment d'importations d'énergie russe bon marché.

S'exprimant devant la presse au côté de Xi Jinping, Vladimir Poutine s'est dit jeudi "reconnaissant" envers la Chine pour ses "initiatives" de paix dans la crise ukrainienne, selon les agences russes.

La Chine appelle régulièrement au respect de l'intégrité territoriale de tous les pays (sous-entendu Ukraine comprise) mais exhorte aussi à prendre en considération les préoccupations de sécurité de la Russie.

Ligne rouge 

"Les deux parties sont d'accord sur le fait qu'une solution politique à la crise en Ukraine est la voie à suivre", a déclaré M. Xi face à la presse.

"La Chine espère que la paix et la stabilité seront rapidement rétablies sur le continent européen et continuera à jouer un rôle constructif à cette fin", a-t-il promis.

Par ailleurs, Vladimir Poutine a jugé "nuisible" toute alliance politique et militaire "fermée" en Asie-Pacifique, où son partenaire chinois est en concurrence avec les Etats-Unis, qui coopèrent avec l'Australie et le Royaume-Uni pour contrer l'influence de Pékin.

Le président russe a également rencontré jeudi après-midi le Premier ministre Li Qiang, lequel a déclaré que Pékin souhaitait "continuer à approfondir la coopération dans divers domaines" avec Moscou.

Ces liens sino-russes étroits sont vus avec une suspicion croissante en Occident.

Washington a fixé une ligne rouge à Pékin - ne pas fournir directement d'armes à Moscou - et dit n'avoir à ce jour pas eu la preuve du contraire.

Mais les Etats-Unis estiment que le soutien économique chinois permet tout de même à la Russie de renforcer sa production de missiles, de drones et de chars.

Banques prudentes 

Les échanges commerciaux sino-russes ont explosé depuis l'invasion de l'Ukraine, dépassant les 220 milliards d'euros en 2023, selon les douanes chinoises.

Les exportations chinoises vers le voisin russe ont toutefois baissé en mars et en avril, après la menace de sanctions américaines.

Car un décret signé en décembre par le président américain Joe Biden autorise désormais des sanctions secondaires contre les banques étrangères liées à la machine de guerre russe. Le Trésor américain peut les exclure du système financier mondial, fondé sur le dollar.

Plusieurs banques chinoises ont ainsi interrompu ou réduit leurs transactions avec leurs clients russes, selon huit ressortissants des deux pays impliqués dans le commerce bilatéral.

La Chine cherche parallèlement à renouer ses liens avec les Etats-Unis et devrait limiter le renforcement de sa coopération avec la Russie, selon des analystes.

Moscou et Pékin ont toutefois signé jeudi plusieurs accords commerciaux.

Vendredi, Vladimir Poutine doit se rendre à Harbin (nord-est) pour visiter une foire dédiée au commerce et aux investissements.


Le Premier ministre slovaque dans un état stable mais toujours «très grave»

Le Premier ministre slovaque Robert Fico transporté d'un hélicoptère par des médecins et ses agents de sécurité à l'hôpital de Banska Bystrica, en Slovaquie, où il doit être soigné, le 15 mai 2024. (Photo de AFP)
Le Premier ministre slovaque Robert Fico transporté d'un hélicoptère par des médecins et ses agents de sécurité à l'hôpital de Banska Bystrica, en Slovaquie, où il doit être soigné, le 15 mai 2024. (Photo de AFP)
Short Url
  • Le dirigeant de 59 ans a subi mercredi «une opération de cinq heures», a précisé la directrice de l'établissement Miriam Lapunikova
  • Selon le vice-Premier ministre, il s'agit d'«une attaque politique» à laquelle il faudra «réagir en conséquence»

BANSCA BYSTRICA: Le Premier ministre slovaque Robert Fico se trouve jeudi matin dans un état stable mais toujours "très grave", après avoir été blessé par balle la veille, a déclaré le vice-Premier ministre Robert Kalinak.

"Cette nuit, les médecins ont réussi à stabiliser l'état du patient", a déclaré M. Kalinak, qui est également ministre de la Défense. "Malheureusement, l'état reste très grave, car ses blessures sont compliquées", a-t-il ajouté lors d'un point de presse devant l'hôpital Roosevelt de Banska Bystrica (centre).

Le dirigeant de 59 ans a subi mercredi "une opération de cinq heures", a précisé la directrice de l'établissement Miriam Lapunikova, confirmant qu'il est toujours dans un état "vraiment très grave" et va rester en soins intensifs.

Robert Fico a été touché par balle "plusieurs fois", selon sa page officielle Facebook, mercredi en début d'après-midi après une réunion de cabinet à Handlova, dans le centre de la Slovaquie. L'attentat a suscité une vive émotion dans le pays d'Europe centrale et une vague de condamnations internationales.

Selon M. Kalinak, il s'agit d'"une attaque politique" à laquelle il faudra "réagir en conséquence".

La police a arrêté l'assaillant présumé, un homme de 71 ans identifié par les médias slovaques comme un écrivain local. Aucune information n'a été donnée à ce stade sur ses motivations.