À Tripoli, l’inexorable déclin du soufisme

Le derviche tourneur, Mahmoud al-Kharrat (à droite), 34 ans, danse avec d'autres membres de sa famille dans la cour de leur maison dans la vieille ville de Damas, le 6 mai 2021. (Photo, AFP)
Le derviche tourneur, Mahmoud al-Kharrat (à droite), 34 ans, danse avec d'autres membres de sa famille dans la cour de leur maison dans la vieille ville de Damas, le 6 mai 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 26 avril 2022

À Tripoli, l’inexorable déclin du soufisme

  • L’expansion du soufisme s’est manifesté à travers la construction de nombreuses zawiyas dans la vieille ville
  • «Le soufisme a besoin d’un environnement calme et prospère, d’une paix civile et d’une société tolérante»

TRIPOLI : Il est 21 h 30, à Tripoli, deuxième ville du Liban. Des dizaines de jeunes commencent à se rassembler devant un bâtiment municipal pour entamer une tournée à travers la vieille ville, après l’iftar, la rupture du jeûne durant le mois sacré du ramadan chez les musulmans. Organisée par l’association baptisée «We love Tripoli» («Nous aimons Tripoli»), cette promenade consiste à visiter d’anciennes mosquées de la ville, certaines datant de l’époque mamelouke ou ottomane, pour finir dans un des nombreux cafés jusqu’au souhour, avant l’aube.

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La mosquée Arghoun Chah à Tripoli. (Photo fournie).

Parmi les mosquées visitées, celle d’Arghoun Chah, construite au milieu du XVe siècle. «La mosquée date du temps des mamelouks», explique l’architecte Bassem Jawdeh, un des organisateurs travaillant pour l’association We love Tripoli, «mais le minaret a été construit du temps des Ottomans.» Outre sa valeur architecturale et historique, ce lieu de prière a une particularité notoire: il fait partie d’un large réseau tripolitain soufi éparpillé à travers la vieille ville, à l’instar de la mosquée Al-Ataar, ou de la mosquée suspendue, ainsi que d’Al-Takia al-Mawlawiya, bâtie en 1619, près de la forteresse Saint-Gilles.

Le soufisme n’est pas une religion ou une secte. Il s’agit d’un ensemble de pratiques ésotériques et mystiques de l’islam, visant la «purification de l’âme» pour «se rapprocher» de Dieu. C’est une voie d’élévation spirituelle appelée «tariqa», terme qui va désigner plus tard les confréries rassemblant les fidèles autour d’un cheikh, ou d’un maître. 
«L’une des spécificités du soufisme est sa propension au voyage et à la découverte du monde. C’est ainsi que les soufis s’installaient dans les villes, construisant des mosquées et des écoles coraniques», explique Abdelkader Zohbeh, un jeune Tripolitain, issu d’une famille de soufis. 

Centre régional
En se développant, notamment durant la période mamelouke, et plus tard ottomane, Tripoli a attiré nombre de cheikhs soufis qui s’installèrent dans la ville prospère. «La ville devint un centre régional important du soufisme», explique-t-il. Toutes les écoles soufies s’y sont installées: Naqchbandiyya, Mawlawiya ou ceux qu’on appelle couramment les «derviches tourneurs», Rifa’iya, Qadiriyya et Chadhiliyya… Les cheikhs venaient d’Égypte, de Syrie, de Perse ou de Turquie pour s’y établir.

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La mosquée suspendue au 1er étage. (Photo fournie).

Leur expansion s’est traduite par la construction de nombreuses zawiyas, des lieux de réunion pour les soufis, où ils pratiquent le rituel du zikr et que l’on retrouve dans presque tous les vieux quartiers de Tripoli. «Ces zawiyas se trouvaient d’abord à côté des mosquées, mais au fil du temps, on a pu trouver des zawiyas autonomes», explique Abdelkader Zohbeh.

On peut ainsi découvrir une plaque indiquant l’existence de la zawiya Al-Baroudi dans le quartier Al-Mouhatara. Dans une autre ruelle, on tombe sur la zawiya Al-Naboulsiya qui est également le mausolée d’un important cheikh soufi. Et dans le quartier de Bab al-Ramel, on découvre la surprenante mosquée suspendue, «appelée ainsi parce qu’elle se trouve au premier étage, au-dessus d’un passage en arcade», précise Bassem Jawdeh. 

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Un café à Tripoli. (Photo fournie).

La majorité de ces zawiyas sont désormais délabrées, à l’image de la situation de ce mouvement ésotérique à Tripoli.
Vers la fin des années 1920, la population tripolitaine se situait autour de cinquante mille personnes. On dénombrait plus de dix mille soufis appartenant à différentes écoles, estime Dr Mohammad Darnaquieh, auteur d’un livre sur les soufis à Tripoli, Les voies du soufisme et leurs cheikhs à Tripoli.

Le déclin
La décadence de ce courant survint vers la fin des années 1980 et 1990.
«Le soufisme a besoin d’un environnement calme et prospère, d’une paix civile et d’une société tolérante», souligne Abdelkader Zohbeh. 
Or, la guerre civile qui a éclaté en 1975 puis celle qui a eu lieu à Tripoli en 1984, ont entraîné une crispation au sein de la société qui s’est radicalisée. La ville était connue pour sa diversité religieuse et sa tolérance. Toutes les communautés religieuses vivaient en harmonie. Jusqu’à l’arrivée du parti hizb al-tahrir wal-tawhid, à tendance salafiste, qui a imposé une sorte de pensée unique à Tripoli. 

Dr Mohammad Darnaquieh explique aussi ce déclin par «le changement de mode de vie, la quête de l’argent et du gain matériel, le déplacement de l’enseignement religieux vers d’autres institutions comme les universités, le manque d’intérêt des nouveaux cheikhs et ulémas pour les enseignements soufis, etc.»

Les réunions du zikr se sont toutefois poursuivies, d’une manière plus discrète et moins formelle. Des réunions hebdomadaires avaient lieu généralement les jeudis soir ou les vendredis après la prière. «Progressivement, les zikrs fermaient au public, et les réunions se contentaient de rassembler des parents ou de la famille, des habitants du village ou du quartier. Seuls les réguliers ou ceux qu’on connaissait déjà pouvaient venir», se rappelle Abdelkader. La crise sanitaire provoquée par le coronavirus ces deux dernières années a fini par enfoncer le dernier clou dans le cercueil du soufisme tripolitain. Abdelkader Zohbeh explique qu’il a dû récemment se rendre dans des villages du district d’Akkar pour assister à des réunions du zikr, comme à Haizouq et à Machha.

Ce soir-là, à Tripoli, l’ambiance est plutôt à la bonne humeur malgré la situation morose et la crise économique et financière qui sévissent au Liban. «Quelle joie de se retrouver après tout ce temps», se félicite un jeune Tripolitain qui participe à la tournée. «On sent qu’on revit», lui répond un autre, avant de s’installer dans une buvette pour boire un thé.
 


Le film de Lyna Khoudri "Les Aigles de la République" présenté en avant-première à Cannes

Lyna Khoudri a foulé le tapis rouge du Festival de Cannes lundi. (Getty Images)
Lyna Khoudri a foulé le tapis rouge du Festival de Cannes lundi. (Getty Images)
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  • Le film "Les Aigles de la République" (Eagles of the Republic) de l'actrice franco-algérienne Lyna Khoudri a été présenté en avant-première cette semaine au 78e Festival de Cannes
  • Réalisé par le cinéaste égyptien suédois Tarik Saleh, le film est le dernier chapitre de sa célèbre "Cairo Trilogy", qui comprend "The Nile Hilton Incident" (2017) et "Boy From Heaven" (2022), ce dernier lui ayant valu le prix du meilleur scénario à Canne

DUBAI : Le film "Les Aigles de la République" (Eagles of the Republic) de l'actrice franco-algérienne Lyna Khoudri a été présenté en avant-première cette semaine au 78e Festival de Cannes, et a reçu une ovation très convoitée à l'issue de la projection.

Réalisé par le cinéaste égyptien suédois Tarik Saleh, le film est le dernier chapitre de sa célèbre "Cairo Trilogy", qui comprend "The Nile Hilton Incident" (2017) et "Boy From Heaven" (2022), ce dernier lui ayant valu le prix du meilleur scénario à Cannes.

Situé au Caire, "Les Aigles de la République" suit George El-Nabawi, une star de cinéma en déclin qui accepte à contrecœur de jouer un rôle dans un biopic politique.

Khoudri incarne Donya, une journaliste qui se retrouve mêlée à l'intrigue politique entourant le protagoniste du film, Fahmy.

Le film met également en vedette l'acteur libanais suédois Fares Fares - un collaborateur de longue date de Saleh - dans le rôle principal, aux côtés de l'actrice franco-marocaine Zineb Triki dans le rôle de Suzanne, l'épouse du ministre de la défense égyptien ayant reçu une éducation occidentale, et de l'acteur égyptien Amr Waked dans le rôle de Dr Mansour, le conseiller présidentiel.

Pour l'avant-première, Khoudri portait une robe Chanel sculpturale à bretelles, composée d'une jupe volumineuse, d'un corsage structuré et de détails pliés le long du décolleté. La robe était cintrée à la taille et s'évasait en plis. Elle a complété son look avec des talons blancs à bout ouvert et un chignon élégant.

Elle a assisté à l'avant-première aux côtés de Saleh, Waked, du compositeur et chef d'orchestre français Alexandre Desplat et de l'acteur, cinéaste et écrivain kurde finlandais Sherwan Haji, qui joue également dans le film.

Khoudri, 32 ans, s'est fait connaître par son rôle de Nedjma dans le drame "Papicha" de Mounia Meddour, acclamé par la critique. Pour son travail dans ce film, elle a remporté le prix Orizzonti de la meilleure actrice à la 74e Mostra de Venise et a été nominée dans la catégorie "actrice la plus prometteuse" des César.

Khoudri a également joué dans la mini-série "Les Sauvages" en 2019 et dans le film "Blood on the Docks" en 2016.

Elle a également joué dans la comédie "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson aux côtés de Timothee Chalamet, Bill Murray, Tilda Swinton et Owen Wilson.

L'actrice est également à l'affiche de "In The Hell Of Kabul : 13 Days, 13 Nights", le drame de Martin Bourboulon sur l'évacuation de l'Afghanistan, aux côtés de Sidse Babett Knudse - star danoise de "Borgen" et lauréate d'un Bafta - de Roschdy Zem ("Chocolat", "Oh Mercy !") et de l'acteur de théâtre Christophe Montenez.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Angelina Jolie commémore Fatima Hassouna à Cannes

L'actrice américaine et lauréate d'un Oscar Angelina Jolie a fait une apparition spéciale au Festival de Cannes pour remettre le Trophée Chopard aux stars montantes Marie Colomb et Finn Bennett. (AFP)
L'actrice américaine et lauréate d'un Oscar Angelina Jolie a fait une apparition spéciale au Festival de Cannes pour remettre le Trophée Chopard aux stars montantes Marie Colomb et Finn Bennett. (AFP)
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  • Angelina Jolie a fait une apparition spéciale au Festival de Cannes pour remettre le Trophée Chopard aux stars montantes Marie Colomb et Finn Bennett
  • Au cours de la cérémonie, Angelina Jolie s'est exprimée sur le pouvoir du cinéma international à avoir un impact en ces temps de troubles mondiaux

DUBAI : L'actrice américaine et lauréate d'un Oscar Angelina Jolie a fait une apparition spéciale au Festival de Cannes pour remettre le Trophée Chopard aux stars montantes Marie Colomb et Finn Bennett.

Au cours de la cérémonie, Angelina Jolie s'est exprimée sur le pouvoir du cinéma international à avoir un impact en ces temps de troubles mondiaux.

"J'adore le cinéma international", a déclaré Angelina Jolie à l'assemblée d'invités étoilés. "Nous sommes amenés dans d'autres pays, dans des moments privés, même sur le champ de bataille, nous nous connectons et nous faisons preuve d'empathie ... tout ce qui est possible pour rendre le cinéma international plus accessible est nécessaire et bienvenu."

"Et aucun d'entre nous n'est naïf", a poursuivi Angelina Jolie. "Nous savons que de nombreux artistes dans le monde n'ont pas la liberté et la sécurité nécessaires pour raconter leurs histoires, et beaucoup ont perdu la vie, comme Fatima Hassouna, tuée à Gaza, Shaden Gardood, tuée au Soudan, et Victoria Amelina, tuée en Ukraine, et tant d'autres artistes extraordinaires qui devraient être avec nous aujourd'hui. Nous avons une dette de reconnaissance envers tous ceux qui risquent leur vie et partagent leurs histoires et leurs expériences, car ils nous ont aidés à apprendre et à évoluer".

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Jesse Cook: le guitariste légendaire du Canada apporte sa touche unique aux Émirats arabes unis 

Jesse Cook puise son inspiration dans les traditions flamenco, classique, jazz et latine. (Photo: fournie)
Jesse Cook puise son inspiration dans les traditions flamenco, classique, jazz et latine. (Photo: fournie)
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  • Jesse Cook est un guitariste inclassable, reconnu pour sa capacité à fusionner le flamenco avec un riche éventail d’influences venues des quatre coins du monde
  • Ancré dans une technique de fingerstyle maîtrisée à la perfection, son jeu est aussi guidé par une curiosité insatiable et une rare ouverture d’esprit

DUBAI: Art For All lance sa saison de jazz avec le guitariste de renommée mondiale Jesse Cook et son talentueux groupe, qui se produiront en direct au théâtre Zabeel de Dubaï le 13 juin et à la Fondation culturelle d'Abou Dhabi le 14 juin, lors de deux représentations extraordinaires qui promettent une expérience musicale riche, défiant les genres.

Après une tournée européenne couronnée de succès, avec des concerts à guichets fermés à Londres, Munich et Vienne, le célèbre guitariste Jesse Cook est de retour aux Émirats arabes unis.

Lauréat d’un Juno Award, récipiendaire de l’Acoustic Guitar Player’s Choice Award (argent) dans la catégorie Flamenco, et nommé à trois reprises Guitariste canadien de l’année en Smooth Jazz, Jesse Cook séduit les auditoires du monde entier grâce à sa fusion unique de flamenco, de jazz et de musiques du monde. Avec plus de 2 millions d’albums vendus, 130 millions de vues sur YouTube et plus de 650 millions d’écoutes en streaming, ses concerts offrent une expérience immersive portée par des compositions originales et raffinées.

Sur scène, Jesse Cook est entouré d’un ensemble de musiciens d’exception: Fethi Nadjem (violon, mandole), Dan Minchom (basse), Matt Sellick (guitare), ainsi que Matais Recharte ou Marito Marques aux percussions, batterie et cajón. Un invité surprise – un musicien local virtuose de l’oud – se joindra également à eux, apportant une touche arabe authentique à cette expérience musicale déjà mémorable.

«Ma musique est le reflet de ma vie, qui a été, disons, un peu mouvementée,» confie Jesse Cook

Jesse Cook est un guitariste inclassable, reconnu pour sa capacité à fusionner le flamenco avec un riche éventail d’influences venues des quatre coins du monde. Né en France, il a grandi entre le Canada et l’Europe, une trajectoire géographique qui façonne profondément sa musique – reflet d’une vie marquée par le mouvement, les rencontres culturelles et l’exploration.

Virtuose de la guitare à cordes nylon, Cook puise son inspiration dans les traditions flamenco, classique, jazz et latine, qu’il enrichit de rythmes et de textures glanés à travers le monde. Fort de plus de 300 millions d’écoutes en streaming, d’une audience fidèle grâce à ses émissions spéciales sur PBS et de tournées internationales à guichets fermés, il continue de repousser les frontières du genre.

Ancré dans une technique de fingerstyle maîtrisée à la perfection, son jeu est aussi guidé par une curiosité insatiable et une rare ouverture d’esprit – deux qualités qui font de Jesse Cook une figure singulière et influente de la musique instrumentale contemporaine.