Je trouve formidable que la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, et son mari, Doug Emhoff, le «second gentleman», aient organisé il y a quelques jours un seder de Pessah dans leur résidence.
Il est important que nos élus reconnaissent toutes les grandes religions à l’occasion de Pâques, de la Pâque et du ramadan comme ils l'ont fait ces dernières semaines alors que ces trois événements se sont produits au cours du même mois.
La Pâque est une fête aussi importante que les autres et ce dîner était donc le bienvenu.
Mais ce qui était troublant dans le dîner de seder proposé par Mme Harris, c'est le fait que son mari et elle aient choisi de servir une bouteille de vin produit dans la colonie illégale et raciste de Psagot, située en Cisjordanie occupée par Israël.
Servir ce vin était plus qu'une simple marque de courtoisie. Ce geste indique clairement que, lorsqu'il s'agit de l'agression violente d'Israël envers les Palestiniens, Harris ne diffère en rien des personnes qu'elle fustige souvent dans l'administration du précédent président, Donald Trump.
Mme Harris a publié une explication, et non des excuses, lorsque la controverse sur le vin Psagot a circulé dans quelques articles de presse. Elle a déclaré que le vin n'était pas censé être «l'expression d'une politique».
Sa réponse était une manière diplomatique de décliner toute responsabilité, bien que l’action d’un président ou vice-président soit symboliquement significative, quelle que soit la manière dont il essaie de la présenter.
La plupart des médias n'ont pas considéré que cet épisode méritait d'être signalé et ils n'ont pas développé sur le sujet. Peut-être apprécient-ils eux aussi le vin Psagot. En réalité, l'incident montre que Mme Harris et les fonctionnaires de l'administration Trump ont décidément beaucoup de choses en commun – qu’ils ne sont pas si différents.
En premier lieu, la vice-présidente devrait connaître l'histoire de cette colonie et de ses produits, qui représentent des biens volés. Ils sont visés par le mouvement BDS – boycott, désinvestissement, sanction –, qui met en avant les produits issus de terres volées aux résidents de Cisjordanie.
Psagot a été fondée en 1981 sur une colline située près de Ramallah appelée «Jabal Tawil», ce qui signifie «longue montagne» ou «grande montagne».
Lorsqu'elle est tombée pendant l'invasion israélienne de la Cisjordanie, le 5 juin 1967 – ce qu'Israël a décrit dans la nouvelle terminologie qu’il a créée pour les événements israélo-arabes comme une «frappe préventive» –, toutes les terres sont passées sous le contrôle du gouvernement israélien et la construction ou l'expansion civile palestinienne a été bloquée.
En 1981, le gouvernement israélien avait confisqué par la force – c’est-à-dire volé – plus de 780 dounams (1 dounam = 1 000 mètres carrés) de Jabal Tawil qui appartenaient aux habitants de la ville voisine d’Al-Bireh. Le ministre israélien de la Défense, Ariel Sharon, l'un des chefs militaires les plus antiarabes d'Israël, a annoncé qu'Israël allait y construire une colonie de peuplement qui sera connue plus tard sous le nom de «Psagot».
Selon Peace Now, qui surveille l'expansion des colonies, plus de 75% des terres ont été saisies sur des terrains privés qui appartenaient à des Palestiniens.
L'endroit est rapidement devenu le siège du conseil régional de Mateh Binyamin, qui régit près de cinquante colonies juives construites illégalement sur des terres «confisquées» à des civils palestiniens chrétiens et musulmans. Israël a fait valoir, contre l'avis de la plupart des pays civilisés, que la confiscation de ces terres relevait de la définition juridique de la quatrième convention de Genève. Mais, parce qu'il refuse de signer les conventions, les lois interdisant les crimes de guerre par les autres démocraties, Israël soutient que ces lois ne s'appliquent pas à lui. C'est un point de vue rejeté par la Cour pénale internationale.
Plus important encore, la colonie de Psagot a été construite et conçue comme un moyen pour bloquer l'expansion de la ville voisine de Ramallah, pour couper la ville des nombreux petits villages arabes et pour perturber la base économique des Palestiniens.
Une unité militaire stationnée à cet endroit a fréquemment tiré des missiles sur Ramallah, visant des dirigeants palestiniens tels que Moustafa Barghouti.
En 1998, une famille juive d'Union soviétique a commencé à planter des vignes. Une société américaine de Floride a investi dans les vignobles. Le Yeshiva Council, qui supervise le réseau de colonies illégales réservées aux Juifs et construites sur des terres volées aux non-Juifs en Cisjordanie occupée, a fait la promotion de l’attraction touristique du lieu.
Au mois de novembre 2020, le secrétaire d'État américain Michael Pompeo, qui a fait fi de l'État de droit international, est devenu le premier représentant du gouvernement américain à visiter la colonie illégale et son domaine viticole.
Selon Peace Now, qui surveille l'expansion des colonies, plus de 75% des terres ont été saisies sur des terrains privés qui appartenaient à des Palestiniens.
Ray Hanania
Avec le soutien de l'administration Trump, de nombreuses entreprises israéliennes qui opéraient sur des terres palestiniennes volées ont fait le nécessaire pour que des lois obligent leurs produits à s'identifier comme étant produits en Cisjordanie et non «en Israël». Cela n'est pas allé très loin, mais les Israéliens continuent de travailler sur cette question pour la faire changer. Le fait qu'ils veuillent la modifier suggère qu'ils savent que la terre est volée et qu'ils veulent en profiter en toute tranquillité.
Le vin Psagot est récolté sur des terres palestiniennes volées: c’est donc un produit volé.
Je suppose donc que ceux qui ne se soucient pas de l'État de droit international ou qui ne croient pas que les Palestiniens chrétiens et musulmans de Cisjordanie ont les mêmes droits que les colons juifs de Cisjordanie peuvent lever un verre du mélange de Bordeaux rouge sang de Psagot. Non pour souhaiter la Pâque ou la paix, mais plutôt pour trinquer aux étonnantes similitudes qui existent entre le vice-président américain Harris et l'administration Trump.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et un chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. On peut le joindre sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.