Une affaire d'espionnage ravive les tensions entre les indépendantistes catalans et Madrid

Le président régional catalan Pere Aragones devant le congrès du Palacio de las Cortes à Madrid le 21 avril 2022 (Photo, AFP).
Le président régional catalan Pere Aragones devant le congrès du Palacio de las Cortes à Madrid le 21 avril 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 22 avril 2022

Une affaire d'espionnage ravive les tensions entre les indépendantistes catalans et Madrid

  • Les indépendantistes catalans affirment avoir été espionnés dans plusieurs pays européens, où ils comptent déposer plainte
  • Le logiciel Pegasus permet d'accéder à la messagerie et aux données, mais aussi d'activer à distance le micro et la caméra

MADRID: Des accusations d'espionnage portées par les indépendantistes catalans à l'encontre des services de renseignement espagnols ont brutalement ravivé les tensions avec le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez.

"Nul besoin d'être Sherlock Holmes pour regarder du côté du CNI (Centre national du Renseignement), a affirmé mercredi le président du gouvernement régional catalan, Pere Aragonés.

Il se référait à l'espionnage présumé de 65 personnes (responsables indépendantistes catalans et basques, ainsi que de membres de leur entourage) au moyen du logiciel Pegasus, mis au point par la société israélienne de cybersécurité NSO.

M. Aragonés, dont dépend la stabilité parlementaire du gouvernement central, a exigé des réponses "dans un délai d'une semaine". 

"Vu la gravité" des faits, "il faut que ce soit dans les prochains jours, au cours de la semaine prochaine, quand il y aura une prise de position claire" du gouvernement "qui pour le moment n'a pas été donnée", a-t-il déclaré à l'AFP. 

Le logiciel Pegasus permet, une fois installé dans un portable, d'accéder à la messagerie et aux données, mais aussi d'activer à distance le micro et la caméra de l'appareil.

L'affaire a éclaté lundi, lorsque Citizen Lab, un projet sur la cybersécurité de l'Université canadienne de Toronto, a rendu public un rapport identifiant 65 personnes de la mouvance indépendantiste - pour la plupart des Catalans - dont les portables auraient été piratés entre 2017 et 2020 par le logiciel israélien, déjà l'objet d'accusations similaires depuis juillet 2021.

Parmi ces cibles de Pegasus, figurent les quatre derniers présidents de la "Generalitat" (le gouvernement régional catalan).

"Nous suspections depuis longtemps que nous étions les cibles des services de renseignement de l'Etat", a poursuivi M. Aragonés, jugeant "insuffisantes" les explications fournies jusqu'à présent par le gouvernement central.

Commission d'enquête

NSO a toujours affirmé que Pegasus ne pouvait être vendu qu'à des Etats et que ces ventes devaient obtenir le feu vert préalable des autorités israéliennes.

Selon l'ONG Amnesty International, ce logiciel pourrait avoir été utilisé pour pirater jusqu'à 50.000 portables.

La situation pour M. Sánchez est compliquée par le fait qu'il dirige un gouvernement minoritaire dont la survie au Parlement dépend du soutien des partis indépendantistes basque et catalan, à commencer par celui de M. Aragonés, Gauche Républicaine de Catalogne (ERC).

"S'il n'y a pas une admission des responsabilités (de la part de M. Sánchez), il sera très difficile que cette stabilité parlementaire puisse se poursuivre", a averti le président catalan, alors que les prochaines élections générales sont prévues pour dans moins de deux ans.

Il a affirmé jeudi avoir échangé des messages avec le Premier ministre pour organiser une réunion et a réclamé "une commission d'enquête parlementaire" afin d'établir les responsabilités.

La porte-parole du gouvernement, Isabel Rodríguez, avait rejeté dès mardi les accusations de M. Aragonés en affirmant que l'Espagne était "un pays démocratique et un Etat de droit". "Le gouvernement n'a rien à cacher dans cette affaire", avait-elle lancé, mais sans répondre sur le fond.

Pour sa part, la ministre de la Défense, Margarita Robles, a souligné que les missions du CNI, qui dépend de son ministère, étaient "soumises à un contrôle et une autorisation judiciaires", mais sans dire si le CNI pouvait avoir été impliqué dans ces écoutes.

Mettant en avant la loi, qui impose le secret en matière de renseignement, elle a également refusé de confirmer ou de démentir l'information du quotidien El País selon laquelle le CNI aurait acheté le logiciel Pegasus pour six millions d'euros.

Lassitude

A en croire El País, le CNI a s'est procuré le logiciel israélien pour s'en servir à l'étranger. Les indépendantistes catalans affirment avoir été espionnés dans plusieurs pays européens, où ils comptent déposer plainte.

"Nous ne laisserons rien passer et il y aura des plaintes, collectives pour certaines et individuelles pour d'autres, dans cinq juridictions différentes", a déclaré l'ex-président catalan Carles Puigdemont mardi à Bruxelles, où il vit en exil depuis 2017.

M. Puigdemont avait fui en Belgique pour échapper à la justice espagnole après une tentative avortée de sécession de la Catalogne, point culminant d'années de tensions entre le mouvement indépendantiste et le gouvernement central, alors dirigé par la droite.

Les relations se sont apaisées depuis le lancement en 2020 par M. Sánchez, un socialiste, d'un dialogue entre Madrid et le gouvernement régional, d'autant que le gouvernement central a gracié l'an dernier, au nom de la "réconciliation", neuf indépendantistes emprisonnés à la suite des évènements de 2017.

A ce stade, rien ne prouve que cette affaire d'espionnage peut remettre en cause ce processus et compromettre le maintien au pouvoir du gouvernement central.


Israël : Netanyahu revient sur son choix pour la direction du Shin Bet

Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
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  • La nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 
  • M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

JERUSALEM : Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mardi être revenu sur son choix pour le nouveau directeur de l'Agence de la sécurité intérieure (Shin Bet) après que son candidat a été critiqué à Washington par un influent sénateur.

« Lundi, M. Netanyahu a de nouveau rencontré le vice-amiral [Eli] Sharvit à propos de sa nomination à la tête du Shin Bet », indique un communiqué du Bureau du Premier ministre.

Il l'a « remercié [...] d'avoir répondu à l'appel du devoir, mais l'a informé qu'après plus ample considération, il avait l'intention d'examiner d'autres candidatures », a indiqué un communiqué du bureau de M. Netanyahu.

Ce revirement soudain survient après que la nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 

« S'il est vrai que l'Amérique n'a pas de meilleur ami qu'Israël, la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet est plus que problématique », a écrit M. Graham sur X.

« Mon conseil à mes amis israéliens est de changer de cap et d'examiner plus minutieusement le passé de leur candidat », a-t-il ajouté, notant que des « déclarations » de l'amiral Sharvit « sur le président Trump et sa politique créeraient des tensions inutiles à un moment critique ».

M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

La décision de démettre M. Bar de ses fonctions, en qui M. Netanyahu dit ne plus avoir confiance, est fortement critiquée en Israël où les manifestations se multiplient contre le gouvernement et contre ce qui est perçu par ses opposants comme une dérive dictatoriale du Premier ministre.


Ukraine : Poutine « reste ouvert à tout contact » avec Trump, après ses critiques selon le Kremlin

Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
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  • « Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
  • Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

MOSCOU : Vladimir Poutine « reste ouvert à tout contact » avec son homologue américain Donald Trump, a affirmé lundi le Kremlin, après les critiques du locataire de la Maison Blanche à l'encontre du président russe malgré leur rapprochement entamé depuis plusieurs semaines.

« Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien, précisant qu'« aucun » nouvel appel entre les deux dirigeants n'était « prévu pour l'instant ».

Donald Trump a dit à la chaîne américaine NBC être « très énervé, furieux » envers son homologue russe, après que ce dernier eut évoqué l'idée d'une « administration transitoire » en Ukraine, sans son président actuel, Volodymyr Zelensky.

Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

Ces dernières semaines, Moscou et Washington ont convenu d'une remise à plat de leurs relations bilatérales, très fortement dégradées par des années de tensions, qui ont culminé depuis 2022 avec le déclenchement de l'assaut russe contre l'Ukraine, soutenue par les États-Unis.

Donald Trump, qui souhaite mettre fin au conflit le plus rapidement possible, a également menacé la Russie de nouvelles taxes sur le pétrole russe si aucun accord n'était trouvé.

Or, la manne financière issue de la vente de son or noir est vitale pour Moscou, qui doit financer son offensive en Ukraine, particulièrement coûteuse.

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté plus tôt ce mois-ci la proposition de cessez-le-feu inconditionnel de Donald Trump en Ukraine, que Kiev avait pourtant acceptée sous pression américaine.

Lundi, Dmitri Peskov a martelé que la Russie continuait à travailler « tout d'abord sur l'établissement de relations bilatérales et nous travaillons également sur la mise en œuvre de certaines idées liées au règlement ukrainien ».

« Le travail est en cours. Il n'y a pas encore de détails précis. Il s'agit d'un processus qui prend du temps, probablement en raison de la complexité du sujet », a-t-il poursuivi.


Lutte contre l'immigration clandestine : plus de 40 pays réunis à Londres

Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
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  • Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale.
  • Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

LONDRES : Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale, un dossier prioritaire pour Londres.

Le dirigeant travailliste, qui a pris ses fonctions en juillet dernier, a promis, comme ses prédécesseurs conservateurs, d'endiguer le phénomène des « small boats » (petits bateaux) en luttant contre les réseaux de passeurs.

Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

Keir Starmer donnera le coup d'envoi de ce « premier grand sommet international organisé au Royaume-Uni pour faire face à l'urgence de l'immigration clandestine », qui se tiendra sous la houlette de la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper.

Le ministre français Bruno Retailleau et son homologue allemande Nancy Faeser sont attendus, de même que des représentants du reste de l'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique du Nord, y compris des États-Unis.

Les discussions porteront sur la collaboration entre les États pour démanteler les réseaux de passeurs de migrants, notamment vers le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne.

« Je ne crois tout simplement pas qu'il soit impossible de s'attaquer à la criminalité organisée liée à l'immigration », a déclaré le dirigeant travailliste dans un communiqué diffusé dimanche par le ministère de l'Intérieur.

- « Consensus mondial » -

« Nous devons combiner nos ressources, partager nos renseignements et nos tactiques, et nous attaquer au problème en amont », doit-il ajouter.

Ce sommet s'inscrit dans le prolongement des discussions que Mme Cooper avait eues en décembre avec ses homologues belge, allemand, français et néerlandais.

Les cinq pays avaient alors signé un plan d'action commun destiné à renforcer la coopération pour lutter contre ces réseaux de passeurs de migrants.

Le sommet de cette semaine réunira des représentants de pays de départ de migrants, comme le Vietnam ou l'Irak, ainsi que de pays de transit, comme ceux des Balkans.

Il réunira également le directeur de la Border Force, l'agence responsable des opérations de contrôle de la frontière au Royaume-Uni, ainsi que des représentants d'Interpol, d'Europol et d'Afripol.

Selon le ministère britannique de l'Intérieur, les ministres discuteront de l'équipement, de l'infrastructure et des faux papiers que les bandes criminelles utilisent pour faire entrer des personnes illégalement.

Ils examineront également le fonctionnement des filières et chercheront à « établir un consensus mondial sur la lutte » contre le recrutement de migrants en ligne.

Les Britanniques souhaitent également voir avec la Chine comment elle peut cesser d'exporter des moteurs et d'autres pièces détachées de petits bateaux utilisés pour les traversées de la Manche.

Keir Starmer est sous pression, face à la montée du parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage, qui a obtenu environ quatre millions de voix lors des élections générales de juillet, un résultat sans précédent pour un parti d'extrême droite.

Le Premier ministre a comparé les passeurs d'immigrés clandestins à des « terroristes ». En réponse, son gouvernement a introduit un projet de loi conférant aux forces de l'ordre des pouvoirs comparables à ceux dont elles disposent en matière de lutte antiterroriste, afin de combattre ces réseaux.

En février, le gouvernement a durci les règles d'acquisition de la nationalité pour la rendre pratiquement impossible à une personne arrivée illégalement au Royaume-Uni.

Il a aussi annoncé des règles plus strictes en matière de droit du travail.

« Fermer les yeux sur le travail illégal fait le jeu des passeurs qui tentent de vendre des places sur des bateaux peu solides et surchargés en promettant un travail et une vie au Royaume-Uni », a déclaré dimanche Mme Cooper, citée dans un communiqué de son ministère.

Au total, plus de 157 770 migrants sont arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche à bord de petites embarcations depuis que le gouvernement a commencé à collecter des données en 2018.