Inflation, dette, chômage... Retour sur les affirmations contestées du débat Macron-Le Pen

Cette photo montre le débat télévisé entre le président-candidat Emmanuel Macron et la candidate à la présidentielle Marine Le Pen, diffusé sur les chaînes de télévision françaises TF1 et France 2, le 20 avril 2022. (Photo, AFP)
Cette photo montre le débat télévisé entre le président-candidat Emmanuel Macron et la candidate à la présidentielle Marine Le Pen, diffusé sur les chaînes de télévision françaises TF1 et France 2, le 20 avril 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 21 avril 2022

Inflation, dette, chômage... Retour sur les affirmations contestées du débat Macron-Le Pen

  • L'aide financière apportée à l'Ukraine a été au cœur d'une passe d'armes entre les deux candidats: Emmanuel Macron lui a assuré que les eurodéputés RN se seraient « opposés» à cette aide financière, ce que Marine Le Pen a contesté
  • Selon Marine Le Pen, Emmanuel Macron serait responsable d'un gonflement de la dette publique de 600 milliards d'euros, dont un tiers seulement serait lié à la crise de la Covid-19. Le président-candidat a assuré que c'était « complètement faux»

PARIS : Les candidats à l’Élysée Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont ferraillé mercredi soir à coups de chiffres et d'accusations sur l'inflation, la dette, l'emploi, l'énergie, ou encore le bilan du président sortant lors du débat de l'entre-deux-tours. Retour sur une sélection d'affirmations contestées. 

Inflation et croissance, tout dépend de l’Ukraine

Une proposition de Marine Le Pen a opposé les deux adversaires. La candidate du RN prône "la suppression totale de la TVA sur un panier de 100 produits de première nécessité, d’hygiène ou alimentaire, tant que l’inflation est supérieure d’un point à la croissance, ce qui est le cas actuellement".

Marine Le Pen soutient ensuite que "dans les prévisions de la Banque de France, la croissance est de 2,8% et l’inflation de 4,4%". "Quand je regarde les chiffres de la Banque de France, le taux d’inflation de 2022, en moyenne annuelle est de 3,7 et le taux de croissance de 3,4. Il n’y a pas un point de différence", lui rétorque Emmanuel Macron.

Qui a raison? Tout est question d’optimisme. La Banque de France a publié en mars des projections macroéconomiques selon deux scénarios: un "conventionnel", qui s’appuie sur des hypothèses figées au 28 février, au tout début de la guerre en Ukraine, et un "scénario dégradé", qui examine notamment l’effet d’une hausse encore plus importante des prix du pétrole, du gaz et du blé.

Et chaque candidat s’en tient au sien. Dans le scénario conventionnel, "la croissance du PIB en moyenne annuelle atteindrait 3,4% en 2022" et l’inflation se situerait "à 3,7% en moyenne sur l’année", selon les projections de la Banque de France, comme choisit de le souligner Emmanuel Macron. Dans le scénario dégradé la croissance en moyenne annuelle serait de "2,8%", d'après les projections de l’institution, et l’inflation serait à "4,4%", ce que met en avant Marine Le Pen.

«600 milliards» de dette, un tiers lié à la Covid ?

Selon Marine Le Pen, Emmanuel Macron serait responsable d'un gonflement de la dette publique de 600 milliards d'euros, dont un tiers seulement serait lié à la crise de la Covid-19.

Le président-candidat a assuré que c'était "complètement faux", mais il est contredit par les chiffres. 

D'après les données de l'Insee, la dette publique (État, Sécu, collectivités) s'est effectivement creusée de 558,8 milliards d’euros entre 2017 et 2021.

Selon une estimation contenue dans le budget 2022, 165 milliards sont imputables "au quoi qu’il en coûte", mis en place pendant la crise de la Covid, soit près de 30% de cette dette. La proportion évoquée par Marine Le Pen serait donc réaliste, même si le gouvernement chiffre aujourd'hui la "dette Covid" aux alentours de 145 milliards. 

Emmanuel Macron a également assuré que seuls 200 milliards de hausse de la dette étaient imputables à l’État. Or, selon l'Insee, la dette de l’État a augmenté de 464 milliards entre 2017 et 2021. En retranchant la part de la dette due à la Covid, on arrive à 300 milliards, soit un montant bien supérieur à celui évoqué par Emmanuel Macron.

Baisse du chômage et querelle statistique

Ce sont deux calculs qui s'affrontent. Marine Le Pen s'est montrée "dubitative" sur l'importance de la baisse du chômage revendiquée par Emmanuel Macron. La candidate RN a critiqué des chiffres "extrêmement contestés" du Bureau international du travail (BIT), invoquant plutôt ceux de Pôle Emploi. 

"Personne ne compte les catégories B et C du chômage (de Pôle Emploi, NDLR) puisque ce sont des actifs partiels", lui a rétorqué le président sortant.

De quoi parle-t-on ? Les chiffres au sens du BIT, régulièrement donnés par l’Insee, désignent les personnes totalement sans emploi. 

Les chiffres de Pôle Emploi sont quant à eux répartis en plusieurs catégories, notamment A (personnes totalement sans emploi), B (personnes ayant exercé une activité réduite de 78 heures par mois) et C (personnes ayant exercé une activité de plus de 78 heures). 

Au sens du BIT, le taux de chômage est passé de 9,3% à 7,4% de la population active entre le premier trimestre 2017 et la fin de l'année 2021.

Si l'on se concentre sur la catégorie A de Pôle emploi, on recense 413 000 personnes en moins dans cette catégorie sur la même période.

Mais si l'on choisit d'additionner les catégories A, B et C, on recense seulement 154 500 demandeurs d'emplois en moins. C'est l'argument de Marine Le Pen pour relativiser les chiffres. 

Macron sous-estime le nombre de travailleurs détachés

"Sur le travail détaché, il n'y a pas des centaines de milliers de travailleurs, il y a environ 500 000 tâches en France correspondant à environ 50 000 travailleurs détachés", a affirmé Emmanuel Macron, au sujet de ces salariés envoyés dans un autre État membre de l'UE que celui où ils travaillent habituellement pour effectuer une mission temporaire.

Un rapport du ministère du Travail de juin 2021 estime pourtant que pour l'année 2019, 261 300 salariés ont été détachés au moins une fois en France, hors transport routier. 

Ces salariés, qui peuvent effectuer plusieurs missions au cours d'une même année, ont réalisé au total 675 300 détachements. Plusieurs candidats à la présidentielle assurent que ce mécanisme permet de contourner le droit du travail des pays membres.

Baisser la TVA, l'écueil européen

Marine Le Pen a redit vouloir abaisser de 20 à 5,5% - et de "manière pérenne" - la TVA sur l'ensemble de l'énergie et notamment les carburants. 

Ce serait toutefois contraire à une directive européenne qui liste une vingtaine de biens et services sur lesquels un État membre peut appliquer un taux réduit. Les carburants n’en font pas partie.

La France pourrait passer en force, mais s'exposerait à des sanctions de la Commission. L'équipe de Marine Le Pen assure, elle, qu'elle pourrait convaincre ses partenaires de classer les carburants parmi les produits de première nécessité. 

En revanche, le droit européen permet d'abaisser la TVA sur le fioul, le gaz et le chauffage à la seule condition de consulter pour avis un comité rattaché à la Commission.

La paternité de la taxe carbone

"Vous avez fait le choix de mettre en place la taxe carbone, qui a aggravé le prix de l'essence", a lancé Marine Le Pen à Emmanuel Macron. Mais c'est une mesure qui remonte à 2009 et qui a vu le jour sous le quinquennat de François Hollande. 

Nicolas Sarkozy avait, sans succès, tenté de l'introduire pendant son quinquennat (2007-2012) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Elle sera finalement instaurée dans le budget 2014 sous François Hollande et devait augmenter progressivement chaque année jusqu'en 2022. Mais face au mouvement des "gilets jaunes", le gouvernement a fait marche arrière en décembre 2018 et gelé son augmentation.

Les maires et les classes rurales 

Emmanuel Macron a assuré avoir "mis fin à la fermeture des classes sans l'accord du maire" en milieu rural. "À chaque fois, il y a eu consultation des maires et ça, ça n'a jamais été le cas avant. Ça, c'est depuis 2019", a-t-il détaillé. Cette affirmation, aussitôt contestée par Marine Le Pen, est à nuancer. 

À la rentrée de septembre 2020, le ministère de l’Éducation avait imposé cette règle en primaire dans les communes rurales de moins de 5 000 habitants pour tenir compte du contexte "exceptionnel" de la Covid. 

Toutefois, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer avait relativisé la portée de cette "doctrine" devant le Sénat en février 2021, en indiquant que cette règle ne valait que pour la rentrée de septembre 2020 et qu’elle "ne pourrait pas s’appliquer les années suivantes", afin de ne pas mettre en place un "moratoire à jamais" sur les fermetures de classes.

Contacté par l'AFP, le ministère confirme que cette règle n'est plus en vigueur depuis, mais affirme que des concertations restent menées avant toute fermeture avec les maires et au niveau du conseil départemental.

Le président Macron a, en réalité, fait une confusion avec son engagement pris en 2019 - hors contexte Covid donc - de ne pas fermer d'écoles en milieu rural sans l'accord du maire. Une pratique encore en vigueur, selon le ministère. 

Le RN et l'Ukraine

L'aide financière apportée à l'Ukraine a été au cœur d'une passe d'armes entre les deux candidats: Emmanuel Macron lui a assuré que les eurodéputés RN se seraient "opposés" à cette aide financière, ce que Marine Le Pen a contesté.

En réalité, huit jours avant l'invasion russe, le 16 février 2022, les eurodéputés RN ont voté à l'unanimité contre un prêt sur 12 mois de l'UE à l'Ukraine, d'un montant de 1,2 milliard d'euros, ce qui n'a pas empêché son adoption.

En revanche, les élus RN au Parlement européen ont voté majoritairement en faveur des sanctions prises le 1er mars contre la Russie, mais n'ont pas pris part au vote sur une résolution appelant à un embargo total sur les importations de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz russes. 


Voter une loi pour «sauver Marine Le Pen» est «impensable», estime Xavier Bertand

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
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  • Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020
  • Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences"

PARIS: Il est "impensable" de faire un traitement de faveur avec "une loi d'exception pour sauver Madame Le Pen", a fustigé mercredi Xavier Bertrand, en référence à la proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire qu'Eric Ciotti veut déposer.

"Ce serait impensable parce que ça voudrait dire que l'Assemblée nationale remplace la Cour d'appel, que l'Assemblée nationale intervient avant la Cour d'appel, arrêtons cette confusion des genres", s'est insurgé le président LR de la région Hauts-de-France sur RTL.

Eric Ciotti, patron des députés UDR à l'Assemblée et allié du RN, a annoncé mardi que son groupe déposerait une proposition de loi en juin pour "supprimer" l'exécution provisoire après la condamnation choc de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences", évoquant notamment la loi sur les homicides routiers ou celle sur la justice des mineurs.

Pour l'élu LR, cette proposition de "loi Ciotti, Le Pen" reviendrait à "contourner la justice".

Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020.

M. Bertrand se réjouit de l'annonce de la Cour d'appel qui devrait rendre une décision à "l'été 2026", qui prouve selon lui qu'"il n'y a aucun complot contre Madame Le Pen" qui va pouvoir "épuiser les voies de recours".

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs".


L'Assemblée s'empare de la sensible réforme du scrutin à Paris, Lyon et Marseille

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  • La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris.
  • Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau.

PARIS : Modifier le mode d'élection à Paris, Lyon et Marseille à un an des municipales : une gageure, tant le sujet est épineux et les oppositions nombreuses, y compris au sein de la coalition gouvernementale. Mais alors que le sujet fait ses premiers pas à l'Assemblée mercredi, les défenseurs du texte veulent croire au succès d'une réforme « populaire ».

La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris. Son arrivée dans l'hémicycle est prévue en début de semaine prochaine.

Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau, qui se fait l'écho des sénateurs LR dont il était encore il y a peu le chef. 

Selon les promoteurs de la proposition de loi, les sénateurs LR de Paris rejettent une réforme qui fragiliserait leur réélection.

Pour l'essentiel, cette réforme prévoit de mettre en place deux scrutins distincts pour les trois métropoles : l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.

Actuellement, les électeurs votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers d'arrondissement, et les élus du haut de la liste siègent à la fois au conseil d'arrondissement et au conseil municipal.

Ce mode de scrutin est décrié, car il peut aboutir à l'élection d'un maire ayant réuni une minorité de voix. De plus, l'élection se joue dans une poignée d'arrondissements clés.

Dans ces trois villes, « tout se joue sur deux ou trois arrondissements, tout le reste ça ne compte pas », ce qui conduit les maires à s'occuper « en priorité » des arrondissements qui les ont élus, explique M. Maillard à l'AFP. « On pense que c’est un problème démocratique », ajoute-t-il, en défendant le principe « un électeur, une voix », et en soulignant le soutien dont bénéficie la réforme dans l'opinion.

Le texte prévoit aussi de modifier la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, en l'abaissant à 25 % au lieu de 50 % comme c'est le cas actuellement dans l'ensemble des communes.

- LR grand perdant ? 

Mais les oppositions sont multiples, issues de la droite comme de la gauche hors LFI (le RN et les Insoumis se montrant plus enclins au changement, alors qu'ils n'ont quasiment pas d'élus dans ces villes). Les députés Léa Balage, El Mariky (EELV), Sandrine Runel (PS) et Olivier Marleix (LR) ont ainsi déposé des amendements de suppression du principal article du texte.

La porte-parole du groupe écologiste dénonce une « réforme précipitée, sources d'inégalités, de déséquilibres démocratiques et d'évidentes difficultés pratiques ».

Sur le fond, certains s'étonnent notamment qu'une réforme prétendant rapprocher le scrutin municipal des trois villes opte pour une prime majoritaire spécifique. D'autres encore craignent une dilution du rôle des arrondissements.

Sur la forme, beaucoup contestent la volonté d'appliquer le texte dès 2026, alors que le code électoral prévoit qu'on ne puisse modifier le mode de scrutin ou le périmètre des circonscriptions moins d'un an avant le premier tour d'une élection.

Désigné rapporteur du texte, le député MoDem Jean-Paul Mattei s'est efforcé de déminer le sujet en multipliant les rencontres et en proposant des amendements de réécriture avec différents scénarios.

Cet effort a contribué à décaler l'examen en commission, initialement prévu le 12 mars. Il a aussi conduit le président de la Commission des lois, Florent Boudié (Renaissance), à demander au ministère de l'Intérieur des projections sur les conséquences des modifications envisagées, en se fondant sur les résultats de 2020.

Selon ces projections consultées par l'AFP, le nombre de sièges de LR connaîtrait un très net recul, tandis que celui des macronistes augmenterait. À Paris, par exemple, la droite aurait obtenu, avec la réforme proposée par Sylvain Maillard, 34 sièges de conseillers de Paris, contre 55, et les listes conduites par Agnès Buzyn et Cédric Villani 31 sièges, au lieu de 11.

« On ne peut pas dire qu'il y ait un énorme consensus », convient M. Mattei, qui ne désespère pas cependant de parvenir à une réforme qui s'applique dès 2026.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.