Les atteintes à la liberté de la presse en Turquie sous le feux des projecteurs

Des journalistes turcs ont été condamnés à 7 chefs d’emprisonnement à perpétuité et à des peines de prison combinées allant jusqu’à 970 ans et 10 mois, et ce rien qu’en septembre. (AFP / Fichier Photo)
Des journalistes turcs ont été condamnés à 7 chefs d’emprisonnement à perpétuité et à des peines de prison combinées allant jusqu’à 970 ans et 10 mois, et ce rien qu’en septembre. (AFP / Fichier Photo)
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Publié le Vendredi 16 octobre 2020

Les atteintes à la liberté de la presse en Turquie sous le feux des projecteurs

  • Les journalistes ont été notamment accusés de terrorisme, d'espionnage et d’outrage envers des représentants de l'État
  • La délégation internationale a attiré l'attention sur la pression croissante exercée sur le pouvoir judiciaire, dernier rempart de la liberté de la presse

ANKARA: Les restrictions qui briment la liberté de la presse turque se sont retrouvés sous le feux des projecteurs lors de la visite d’un groupe de 11 figures internationales de défense de la liberté de la presse, du journalisme et des droits de l’homme. La visite a duré quatre jours.

La délégation s’est fondée sur ses réunions avec des journalistes turcs, des membres de la société civile, des parlementaires, des magistrats et des missions diplomatiques, pour publier ses premières conclusions le 14 octobre. Le document met l’accent sur le contrôle croissant de l'État sur les médias, le manque d'indépendance des organes de régulation, ainsi que les restrictions de la nouvelle loi sur les médias sociaux par rapport à la liberté d'expression.

Les enquêtes continues, l'emprisonnement de journalistes indépendants et les attaques qui compromettent la sécurité des représentants des médias sont également une source d’inquiétude, d’après la mission.

Mandatée par l'Institut international de la presse (IIP), la délégation compte des représentants de l'Article 19,  l'Association des journalistes européens (AJE), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (CELPM), la Fédération européenne des journalistes (FEJ), Human Rights Watch (HRW), Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBC Transeuropa), PEN International, Reporters sans frontières (RSF), ainsi que l'Organisation des médias de l'Europe du Sud-Est (OMESE).

La Turquie est classée 154e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 de Reporters sans frontières, qui évalue le niveau de liberté dont disposent les journalistes.

En septembre, pas moins de 64 journalistes ont comparu devant les tribunaux turcs pour un total de 38 procès.

Selon les données de Press In Arrest, une base de données indépendante qui comptabilise les procès de la presse, des journalistes turcs ont été condamnés à 7 chefs d’emprisonnement à perpétuité et à des peines de prison combinées allant jusqu’à 970 ans et 10 mois, et ce rien qu’en septembre. Les journalistes ont été notamment accusés de terrorisme, d'espionnage et d’outrage envers des représentants de l'État.

Le gouvernement a exclu les journalistes d'un programme de libération anticipée pour réduire la surpopulation carcérale pendant la pandémie, même si certains d'entre eux sont en proie à de graves problèmes de santé.

«Nous pouvons conclure sans équivoque que la censure et la crise de la liberté de la presse en Turquie empirent», a déclaré à Arab News, Scott Griffen, directeur adjoint de l'IIP.

«D'une part, les journalistes sont généralement arrêtés dans l’exercice de leurs fonctions, et d’autre part le système judiciaire est devenu un instrument pour sévir contre les critiques de l’État. Nous ne voyons aucune volonté politique des autorités de changer cela. Au contraire, de nouveaux problèmes émergent comme la prise de possession des médias par l'État, la censure numérique, et de nouvelles atteintes à l'indépendance judiciaire», a-t-il ajouté.

Griffen a souligné que quand les médias traditionnels ont été saisis par l’État, les médias sociaux et les plates-formes en ligne sont devenus des oasis de la liberté expression face aux outils de censure.

La nouvelle loi sur les réseaux sociaux, entrée en vigueur le 1er octobre, oblige les plates-formes telles que Twitter, YouTube et Facebook, et qui comptent plus d'un million d'utilisateurs locaux, à envoyer des rapports à l'Autorité turque des technologies de l'information et de la communication, contrôlée par l'État, sur les demandes de censure ou de blocage de l'accès au contenu en ligne.

La loi a suscité des inquiétudes parmi les groupes de défense quant à son utilisation potentielle pour censurer les journalistes indépendants qui voient dans ces plateformes une petite fenêtre à travers laquelle ils peuvent encore exercer leur métier.

Avec la nouvelle loi, les serveurs d’internet ou les moteurs de recherche doivent immédiatement exécuter les décisions de blocage d'accès des autorités. Les entreprises de médias sociaux sont tenues de désigner un représentant en Turquie et de stocker les données des utilisateurs sur des serveurs locaux. Cette dernière mesure donne au gouvernement plus de moyens de museler les critiques féroces et de bloquer l'accès aux sites tels que Twitte, et que les Turcs utilisent de plus en plus pour suivre les informations qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement.

« La loi turque sur les réseaux sociaux menace d’inaugurer une nouvelle ère de censure numérique. Nous constatons également l'utilisation croissante d'organes de régulation, comme le Haut Conseil de la radio et de la télévision (RTUK), qui sont censés être indépendants mais sont plutôt des instruments de l'État, pour punir les critiques et les médias en ligne en particulier », a déclaré Griffen.

La délégation internationale a également attiré l'attention sur la pression croissante exercée sur le pouvoir judiciaire, en particulier sur la Cour constitutionnelle turque, dernier rempart de la liberté de la presse, qui est garantie par la Constitution.

Le plus haut tribunal fait l'objet de vives critiques de la part des responsables du gouvernement qui ont appelé à une réorganisation de l'institution, afin qu'elle s'intègre dans le système présidentiel exécutif. Une telle mesure limiterait inévitablement son statut indépendant.

Selon Griffin, si la cour s’effondre sous la pression, ce serait un coup dur pour la démocratie et l'état de droit en Turquie.

La mission internationale a également rencontré le Département des droits de l'homme du Ministère de la justice lors de sa visite à Ankara.

Cependant, les membres de la mission n'ont vu aucune volonté politique de la part des autorités gouvernementales de réparer les dommages que la répression de la liberté de la presse a causés à la démocratie en Turquie, a affirmé Griffen.

«Nous ne voyons pas encore la volonté de mettre fin aux attaques incessantes contre les journalistes et leurs familles, ou de mettre fin à l'influence politique sur le pouvoir judiciaire et ramener la Turquie dans le club des pays qui respectent l'état de droit», a-t-il ajouté.

Le 7 octobre, un tribunal d'Istanbul a déclaré «fugitif» le journaliste opposant en exil Can Dundar, l’ancien rédacteur en chef du journal Cumhuriyet, et a ordonné la saisie de ses biens. Dundar s'est enfui en Allemagne il y a près de quatre ans. Il a est accusé de soutenir un groupe terroriste.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.