RIYAD: Au moment où l’intelligence artificielle (IA) bouleverse l’économie mondiale, le Moyen-Orient ne peut se permettre de rester à la traîne, alors que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis encouragent l’adoption de l’intelligence artificielle dans la région.
Le Moyen-Orient devrait accumuler 2% de l’ensemble des bénéfices mondiaux de l’intelligence artificielle en 2030, soit 320 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro). C’est l’Arabie saoudite qui devrait enregistrer les gains les plus importants au cours de cette période, étant donné que l’intelligence artificielle alimenterait son économie de plus de 135,2 milliards de dollars, selon un rapport publié par PricewaterhouseCoopers (PwC).
Alors que les entreprises peuvent tirer de grands avantages de l’utilisation des applications d’intelligence artificielle, les experts du secteur, qui ont accordé des entretiens à Arab News, soulignent que la région devrait surmonter un certain nombre d’obstacles.
«Nous devons établir un écosystème adéquat pour l’intelligence artificielle et toutes les autres nouvelles technologies. Nous devons également garantir des investissements bons et efficaces dans la collecte et la confidentialité des données, la mise en place d’infrastructures intelligentes, ainsi que le développement des ressources humaines», déclare Fawwaz al-Chammari, vice-président et directeur national des industries numériques chez Siemens.
L’Arabie saoudite est à l’avant-garde des technologies dans la région, conformément aux objectifs de l’initiative Vision 2030 et de son Programme national de 2020 pour la transformation.
Il affirme que le secteur privé – entreprises, start-up ou entrepreneurs – devrait d’abord évaluer les besoins réels du marché pour trouver les bonnes solutions et développer les compétences adéquates au sein du Royaume.
Du point de vue du gouvernement, M. Al-Chammari suggère que les investissements devraient être bien régulés pour assurer la mise en place du cadre juridique «qui réglementera le marché et permettra également aux entreprises privées, aux start-up et aux entrepreneurs d’investir facilement dans les applications et les solutions en matière d’intelligence artificielle».
Attirer les investissements étrangers
L’Arabie saoudite a l’intention d’attirer 75 milliards de riyals saoudiens (20 milliards de dollars) d’investissements dans les données et l’intelligence artificielle pour répondre aux objectifs énoncés dans le cadre de sa stratégie nationale pour les données et l’IA.
Bien qu’il existe des investissements dans l’IA en Arabie saoudite grâce au fait que le gouvernement se soit engagé à garantir une transition numérique du pays, le rapport de PwC montre que ces derniers «dépendent largement de sources nationales pour le moment, en particulier du fonds souverain».
«Pour maintenir l’élan des progrès technologiques dans le pays, il est nécessaire d’attirer davantage d’investissements étrangers qui sont actuellement limités par les défis dans le monde des affaires», note le rapport de PwC.
Ce dernier suppose que, «en répondant aux préoccupations soulevées par le monde des affaires, le Royaume pourra attirer des investissements extérieurs qui apporteront une expertise capable d’améliorer les compétences de la population locale».
L’Arabie saoudite vise à transformer sa main-d’œuvre en formant 20 000 experts en intelligence artificielle et en données. 5 000 d’entre eux posséderont de solides compétences et seront hautement qualifiés, conformément à sa stratégie nationale pour les données et l’IA.
Talal al-Tamimi, cofondateur et directeur de la technologie chez Ebana, déclare qu’il existe deux façons d'utiliser l’IA pour aider les entreprises à se développer en Arabie saoudite.
«D’abord, les entreprises qui ont besoin d’êtres humains peuvent être remplacées par des solutions techniques qui utilisent l’IA. Ensuite, il s’agit d’utiliser l’IA pour améliorer le rendement, réduire les coûts et augmenter la productivité des processus internes.»
Il souligne que «de nombreux travailleurs pionniers s’empressent d’adopter certaines solutions techniques, comme l’IA et la chaîne de blocs, entre autres, sans se demander au préalable s’il existe un véritable besoin ou un problème qu’ils pourraient résoudre pour les personnes qu’ils souhaitent aider».
«Ils finissent par échouer et gaspillent leurs investissements», estime M. Al-Tamimi.
Il considère que les technologies au sein desquelles l’IA est utilisée «ne sont pas le but ultime, mais uniquement un outil mis à votre disposition».
«Elles sont utiles lorsqu’il existe un réel besoin. Le succès de toute intelligence artificielle dépend de plusieurs exigences, comme un volume élevé de données et des infrastructures solides pour utiliser ces outils», poursuit M. Al-Tamimi.
La sécurité des données
Il existe plusieurs risques et de nombreux défis liés à l’adoption de l’IA, souligne M. Al-Chammari, puisqu’il s’agit d’une nouvelle technologie qui révolutionne de nombreux marchés et qui bouleverse toutes sortes d'entreprises.
Les réglementations et la confidentialité des données comptent parmi les principaux enjeux mondiaux en termes d’IA, mais M. Al-Chammari soutient que le gouvernement saoudien s’attaque à ces défis depuis le début avec la création de l’Autorité saoudienne des données et de l’IA ainsi que le Centre national pour l’intelligence artificielle.
«Le gouvernement possède un mandat explicite pour développer la stratégie qui met en évidence les possibilités. Il établit la feuille de route et relève ainsi tous les défis en trouvant les bonnes solutions et les technologies basées sur les meilleures pratiques», précise M. Al-Chammari.
Ce dernier affirme qu’il existe un autre défi majeur qui consiste à trouver les personnes qui disposent des compétences requises au sein du pays, ce qui répondra au besoin réel d’IA et fournira les solutions et applications adéquates.
Mohammed Mohaya al-Mutairi, conseiller en qualité et en excellence institutionnelle, dit que les applications d’IA sont essentielles dans de nombreux domaines, mais qu’elles sont «plus importantes que jamais à l’heure actuelle pour les entreprises commerciales».
Il ajoute que l’utilisation d’applications en lien avec l’IA permet aux entreprises de bénéficier de plusieurs avantages, notamment l’amélioration des processus de prise de décision, le règlement des problèmes administratifs, la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité, qui tous contribuent directement et indirectement à renforcer la compétitivité des entreprises commerciales.
«Cela garantira la mise en place d’un avantage concurrentiel et renforcera l’intelligence économique, qui permet de se démarquer ainsi que de créer de nouvelles possibilités d’excellence et de croissance dans un environnement compétitif», explique M. Al-Mutairi qui est également directeur de l’excellence institutionnelle au sein de l’Autorité générale des dotations.
Il incite les chefs d'entreprise à bien évaluer les besoins pour décider s’il est nécessaire ou non d’appliquer l’intelligence économique au sein de l’entreprise, ainsi que le bon moment pour le faire.
«Ce n’est qu’une fois cette décision prise qu’ils pourront adopter le projet et commencer à le mettre en œuvre. Ils fourniront ainsi un soutien aux équipes pour surmonter les défis et les difficultés afin de créer un environnement stimulant et propice qui favorise la créativité et l’innovation», conclut M. Al-Mutairi.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com