Sept morts à Lviv, Kiev veut défendre Marioupol « jusqu'au bout »

Des militaires et des sauveteurs ukrainiens inspectent le site des frappes militaires contre des bâtiments à Lviv le 18 avril 2022. (Reuters)
Des militaires et des sauveteurs ukrainiens inspectent le site des frappes militaires contre des bâtiments à Lviv le 18 avril 2022. (Reuters)
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Publié le Lundi 18 avril 2022

Sept morts à Lviv, Kiev veut défendre Marioupol « jusqu'au bout »

  • Un habitant du sud-ouest de Lviv a dit à l'AFP avoir vu des d'épais panaches de fumée grise s'élever dans le ciel derrière des immeubles d'habitation
  • Le maire de la ville, Andriï Sadovy, a confirmé, indiquant sur Telegram que les secours se rendaient sur place et ne pas avoir de bilan dans l'immédiat

LVIV: Au moins sept personnes ont été tuées et onze autres blessées dans de "puissantes" frappes russes lundi sur Lviv, la grande ville de l'ouest de l'Ukraine d'ordinaire relativement épargnée par les combats, ont annoncé les autorités locales. 


Un habitant du sud-ouest de Lviv a dit à l'AFP avoir vu des d'épais panaches de fumée grise s'élever dans le ciel derrière des immeubles d'habitation. 


"Cinq puissantes frappes de missiles d'un coup sur l'infrastructure civile de la vieille ville européenne de Lviv", a annoncé sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.


Le maire de la ville, Andriï Sadovy, a confirmé, indiquant sur Telegram que les secours se rendaient sur place et ne pas avoir de bilan dans l'immédiat.


"Les Russes continuent d'attaquer barbarement les villes ukrainiennes depuis les airs, déclarant cyniquement au monde entier leur +droit+ de... tuer des Ukrainiens", a fustigé M. Podoliak.


Situés loin du front, Lviv et l'ouest de l'Ukraine sont rarement visés par des bombardements depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février.


Le 26 mars, Lviv avait subi une série de frappes russes, dont deux avaient touché un dépôt de carburant et fait cinq blessés, selon les autorités locales.


La ville avait aussi été la cible le 18 mars d'une frappe qui avait atteint une usine de réparation d'avions proche de l'aéroport, sans faire de victimes.

Et le 13 mars, des missiles de croisière russes avaient visé une importante base militaire à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Lviv, faisant au moins 35 morts et 134 blessés.


Proche de la frontière polonaise, Lviv s'est convertie en ville-refuge pour les personnes déplacées et a accueilli au début de la guerre plusieurs ambassades occidentales transférées à partir de Kiev.

« Détruire le Donbass »

Lviv a été rarement visée par des bombardements depuis le début de l'invasion russe le 24 février, contrairement à l'est du pays où se concentrent désormais l'essentiel des bombardements.


Dans un message vidéo dimanche soir, le président Volodymyr Zelensky a affirmé que "les soldats russes se préparent à une offensive dans l'est de notre pays dans un avenir proche. Ils veulent littéralement achever et détruire le Donbass", a-t-il martelé.


"Tout comme les militaires russes détruisent Marioupol, ils veulent anéantir d'autres villes et d'autres communautés dans les régions de Donetsk et de Lougansk", a-t-il poursuivi, avant de lancer : "nous faisons tout pour assurer la défense".

marioupol
Une vue de Marioupol soumise depuis le début de la guerre, à un pilonnage intensif de la part de l'armée russe. (AFP).


Moscou semble notamment déterminé à prendre le port stratégique de Marioupol dans le sud-est, dont les derniers défenseurs ont ignoré dimanche un ultimatum de l'armée russe qui leur demandait de déposer les armes.


"Sabotez les ordres des occupants. Ne coopérez pas avec eux (...) Vous devez tenir bon", a encore dit le président Zelensky.


Il a de nouveau appelé les Occidentaux à imposer "un embargo sur les livraisons de pétrole en provenance de Russie", estimant qu'une telle mesure "s'impose chaque jour davantage".


M. Zelensky a également invité le président Emmanuel Macron, en pleine campagne électorale, à venir en Ukraine pour constater que les forces russes y commettent un "génocide", un terme que son homologue français s'est jusqu'ici refusé à employer.     

Pas d'évacuations de civils pour la deuxième journée consécutive

Aucun couloir humanitaire ne sera mis en place lundi pour l'évacuation des civils des zones de combats en Ukraine, ont annoncé les autorités ukrainiennes pour la deuxième journée consécutive, accusant la Russie de "blocage" et de bombarder des convois.


"Pour aujourd'hui, le 18 avril, il n'y aura malheureusement pas de couloirs humanitaires", y compris pour la ville dévastée de Marioupol, a indiqué sur Telegram la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk.


Selon Mme Verechtchouk, les négociations avec l'armée russe sont "longues et complexes", notamment pour la ville dévastée de Marioupol, en grande partie sous contrôle de Moscou, et d'autres localités où se déroulent des combats.


"Les occupants russes ne cessent de bloquer et de bombarder les routes humanitaires. Par conséquent, pour des raisons de sécurité, il a été décidé de ne pas ouvrir de couloirs", a-t-elle ajouté.

 

Marioupol « n'est pas tombée »

Moscou avait demandé aux derniers combattants ukrainiens, retranchés dans le complexe métallurgique d'Azovstal à Marioupol, de cesser le feu dimanche et d'évacuer les lieux.


"Tous ceux qui auront abandonné les armes auront la garantie d'avoir la vie sauve", avait promis le ministère russe de la Défense sur Telegram. "C'est leur seule chance".


Mais le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal a assuré que la résistance continuerait.


"Non, la ville n'est pas tombée. Nos militaires y sont toujours. Ils combattront jusqu'au bout. A l'heure où je vous parle, ils sont toujours dans Marioupol", a-t-il dit à la chaîne de télévision américaine ABC dimanche soir.


Un responsable policier de Marioupol, Mykhailo Vershynin, a assuré dimanche que "beaucoup de civils dont des femmes, des enfants, des bébés et des personnes âgées" étaient retranchés dans le complexe Azovstal.


"Ces gens se protègent des bombardements car là-bas il y a un abri qui donne une chance de survie pour un certain temps", a-t-il dit dans un enregistrement diffusé sur Youtube.


"Ils ne font pas confiance aux Russes. Ils ont vu ce qui se passe dans la ville et c'est la raison pour laquelle il se trouvent dans l'usine".


La prise de cette cité constituerait une victoire importante pour les Russes car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d'Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.


D'après le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial David Beasley, plus de 100.000 civils sont au bord de la famine à Marioupol, manquant également de chauffage.

L'Espagne et l'Italie vont rouvrir leur ambassade à Kiev

L'Espagne va rouvrir "dans quelques jours" son ambassade à Kiev qu'elle avait fermée suite à l'invasion russe en Ukraine, a annoncé lundi le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.


"Dans quelques jours, nous allons rouvrir l'ambassade d'Espagne à Kiev, comme nouvelle preuve de l'engagement du gouvernement espagnol, de la société espagnole, aux côtés du peuple ukrainien", a déclaré M. Sanchez dans un entretien à la chaîne Antena 3.


L'ambassadrice d'Espagne et le personnel diplomatique de l'ambassade avaient été évacués de la capitale ukrainienne vers la Pologne au lendemain du début de l'offensive russe, le 24 février. 


Nombre de pays occidentaux avaient pris des décisions similaires.


L'ambassade de France en Ukraine, qui avait été transférée à Lviv (ouest) début mars, a déjà été rouverte vendredi à Kiev, selon l'ambassadeur Etienne de Poncins.


La Turquie a elle déjà rouvert son ambassade à Kiev après l'avoir temporairement déplacée à la frontière roumaine en mars par sécurité.


L'ambassade d'Italie en Ukraine, transférée en mars de Kiev à Lviv (ouest) pour raisons de sécurité, a rouvert lundi dans la capitale, a-t-on appris de sources concordantes.


Dans le sillage d'autres pays occidentaux, Rome avait décidé début mars de fermer son ambassade à Kiev "compte tenu de la détérioration de la situation sécuritaire".


Le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio avait indiqué vendredi que l'ambassadeur Pier Francesco Zazo était arrivé à Kiev et que la représentation italienne serait "de nouveau pleinement opérationnelle dès lundi".


"C'est le symbole d'une Italie qui ne perd pas de temps, qui ne cesse de croire dans la diplomatie et recherche constamment la paix", a-t-il ajouté.


Sur son site, l'ambassade souligne que ses services restent limités à l'assistance aux entreprises, aux ressortissants italiens et à l'émission de titres de voyage d'urgence. Les demandes de visa demeurent suspendues.

«Dernière chance» pour évacuer les civils 

Dans l'est, une frappe a touché dans la nuit de dimanche à lundi un quartier au nord-est de la ville de Kramatorsk, sans faire de dégât.


Un journaliste de l’AFP a vu un cratère dans un petit terrain vague près d’un hôtel fermé et une usine désaffectée.


Dimanche, toujours à Kramatorsk, deux explosions avaient été entendues vers 11H45, mais aucune habitation n’a été touchée, a constaté l’AFP. Les frappes ont probablement visé un ancien site industriel, comme il y en a de nombreux dans la ville, et dont certains sont occupés par l’armée ukrainienne.


Le gouverneur de la région de Lougantsk, également dans l'est, Serguiï Gaïdaï, avait exhorté les civils à évacuer la région.


"Cette semaine risque d'être difficile", a-t-il prévenu. Maintenant "c'est peut être la dernière fois que nous avons une chance de vous sauver" en quittant les zones de combats, a-t-il dit sur Facebook.


Plus au nord, à Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, au moins cinq personnes ont péri dimanche et 20 autres ont été blessées dans une série de frappes russes, selon le gouverneur régional Oleg Sinegoubov.


"Rien que ces quatre derniers jours, 18 personnes ont été tuées et 106 blessées" dans les bombardements sur cette cité, a de son côté déclaré M. Zelensky, fustigeant une "terreur délibérée". 


Des journalistes de l'AFP sur place ont entendu deux bombardements et vu cinq incendies se propager dans les quartiers d'habitation du centre de Kharkiv.


Errant abasourdie dans une rue, Svitlana Pelelyguina observait la fumée s'élever des ruines de son logement, touché par l'une des frappes. "Tout l'appartement s'est mis à osciller et à trembler", a raconté à l'AFP cette femme de 71 ans. "Et tout a commencé à prendre feu".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »