Présidentielle: Macron et Le Pen, le regard à gauche

Marine Le Pen (à gauche) serre la main du président français Emmanuel Macron après leur rencontre à l'Elysée à Paris le 21 novembre 2017 (Photo, AFP).
Marine Le Pen (à gauche) serre la main du président français Emmanuel Macron après leur rencontre à l'Elysée à Paris le 21 novembre 2017 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 12 avril 2022

Présidentielle: Macron et Le Pen, le regard à gauche

  • M. Macron doit convaincre un maximum d'électeurs de gauche de voter pour lui
  • Marine Le Pen mise aussi sur les voix de Jean-Luc Mélenchon, avant celles de son rival Eric Zemmour

PARIS : Les deux adversaires à la présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, regardent mardi vers la gauche, lorgnant notamment les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui pourraient, selon les analystes, faire la différence au second tour.

Sûrs a priori de faire le plein des voix sur leur droite, les deux prétendants s'affrontent sur le terrain du pouvoir d'achat, sujet de préoccupation numéro un des Français.

Le candidat-président, qui multiplie les déplacements depuis dimanche, doit se rendre dans le Grand-Est, au lendemain d'une tournée dans le Nord sur des terres populaires qui ont voté massivement Marine Le Pen au premier tour.

Assailli toute la journée sur son projet d'âge de la retraite à 65 ans, il a fini par lancer un signal fort vers l'électorat populaire en se disant prêt à "bouger" sur ce totem de son programme et entrouvert la porte à un âge de départ à 64 ans. Une concession inattendue à treize jours du second tour.

A Mulhouse, il va à la rencontre de soignants, puis se rend à Strasbourg en soirée, deux villes ayant porté dimanche M. Mélenchon en tête avec 35-36% des suffrages.

Pour l'emporter au second tour, M. Macron doit convaincre un maximum d'électeurs de gauche de voter pour lui.

Mais la tâche n'est pas aisée.

"J'aimerais qu'il prenne en compte ces électeurs qui vont voter pour lui pour faire barrage à l'extrême droite, ce qu'il n'a pas du tout fait depuis 5 ans", dit Lucile à Strasbourg, une artiste de 32 ans qui a voté Mélenchon au premier tour. "Ca permettrait vraiment de se réconcilier avec lui", dit-elle à l'AFP.

Un autre habitant, Jean Mathieu, architecte, qui a également voté Mélenchon, dit vouloir "voter pour Macron, même si ça ne me fait pas plaisir (...) Mais j'attends qu'il donne des signes d'ouverture".

Lundi, le sujet a occupé une bonne partie d'un "bureau exécutif" de la majorité, décidée à "insister sur les mesures du programme qui n'ont pas été encore entendues", comprendre les plus sociales, selon l'un des participants.

Accusé d'avoir été trop absent avant le premier tour, M. Macron a décidé de multiplier les visites et les bains de foule qu'il affectionne. Cela devrait culminer avec un grand meeting samedi à Marseille.

Un responsable de la majorité résume ainsi l'objectif des prochains jours, craignant l'impact d'une fracture avec les milieux populaires au second tour: "Dans les mesures, les gens ont retenu le salé, comme la retraite à 65 ans, pas le sucré". 

«Match retour différent»

Pour sa part, Marine Le Pen, qui dit avoir appris depuis cinq ans, doit s'exprimer dans les médias mardi d'abord dans la matinale sur France Inter puis en soirée au 20H de TF1. Elle doit aussi tourner son clip de campagne et tenir une conférence de presse sur le thème de la "démocratie" à Vernon, dans l'Eure.

Mme Le Pen, qui défend le maintien de la retraite à 62 ans, veut engager une profonde réforme des institutions, si elle est élue présidente le 24 avril, en recourant notamment au référendum et en inscrivant la "priorité nationale" dans la Loi fondamentale. Ce principe permettra "aux seuls Français" d'accéder à certaines prestations sociales, comme le détaille son programme. 

Dès dimanche soir, elle avait appelé les électeurs de droite comme de gauche à la "rejoindre", en vantant un projet de "justice sociale" et de "protection".

Et lundi dans l'Yonne, elle a insisté sur le pouvoir d'achat et notamment la forte poussée de l'inflation appelant à des "mesures d'urgences" pour y faire face.

Sans dévier de sa stratégie de proximité ni des thèmes sociaux, Marine Le Pen mise aussi sur les voix de Jean-Luc Mélenchon, avant celles de son rival Eric Zemmour avec lequel la réconciliation s'annonce compliquée.

"Je dis aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, soyez de vrais insoumis, (...) n'allez pas sauver la tête d'Emmanuel Macron", a lancé lundi sur LCI le porte-parole de la candidate du RN, Sébastien Chenu.

Pour Brice Teinturier, directeur d'Ipsos, "c'est un match retour totalement différent" par rapport à 2017 quand M. Macron avait largement battu Mme Le Pen au second tour. "L'affiche est la même et en même temps elle n'est plus du tout la même", dit-il.

A ce stade, l'électorat de Jean-Luc Mélenchon a l'intention de voter "à 34% pour Emmanuel Macron, à 30% pour Marine Le Pen, ce qui est plus qu'en 2017, et à 36% de rester à la maison", précise Brice Teinturier.

Dans l'entre-deux tours, la candidate d'extrême droite devra consolider son socle "nationaliste populiste" mais aussi "développer sa thématique sociale pour susciter de l'adhésion ou de l'abstention chez les électeurs de gauche", analyse de son côté le politologue Jérôme Sainte-Marie (PollingVox).


Macron part «dès ce soir» en Nouvelle-Calédonie pour y installer «une mission»

Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • L'état d'urgence ne peut être prolongé au-delà de douze jours sans soumettre un texte au Parlement
  • Une éventuelle prorogation nécessiterait une saisine de l'Assemblée nationale et du Sénat avant le 27 mai

PARIS: Emmanuel Macron va se rendre "dès ce soir" en Nouvelle-Calédonie, secouée par une flambée de violences, pour y installer "une mission", a annoncé mardi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.

"Il a été annoncé par le président de la République, en Conseil des ministres, qu'il se rendra sur place (en Nouvelle-Calédonie). Il partira sur place dès ce soir pour y installer une mission", a affirmé Mme Thevenot à l'issue du Conseil des ministres.

Le président part "dans un esprit de responsabilité", a ajouté la porte-parole, sans détailler la "mission" évoquée ni préciser combien de temps le chef de l'Etat resterait sur l'archipel.

Elle a redit que "le retour à l'ordre était le préalable à tout dialogue", alors qu'une réforme électorale contestée par les indépendantistes doit être validée "avant la fin juin" par le Congrès réunissant sénateurs et députés, calendrier fixé par le chef de l'Etat lui-même.

Mais "l'exécutif poursuit (...) la construction de la solution politique pour le territoire", a-t-elle aussi souligné.

La prorogation de l'état d'urgence, décrété mercredi dernier, "n'a pas été abordée" lors de ce Conseil des ministres, a indiqué la porte-parole du gouvernement. "Si la situation doit être encore améliorée, elle est en voie de se normaliser", a-t-elle justifié.

L'état d'urgence ne peut être prolongé au-delà de douze jours sans soumettre un texte au Parlement. Une éventuelle prorogation nécessiterait une saisine de l'Assemblée nationale et du Sénat avant le 27 mai.

Le Premier ministre Gabriel Attal aura "aussi l'occasion d'y aller (dans l'archipel), pas immédiatement mais dans les semaines à venir", a précisé Mme Thevenot, alors que le dossier calédonien n'est plus piloté directement par Matignon depuis 2020 et que trois anciens Premiers ministres plaident pour qu'il soit de nouveau géré par le chef du gouvernement.

Après une semaine d'émeutes en réaction à une réforme du corps électoral qui ont fait six morts dont deux gendarmes, Emmanuel Macron avait constaté lors d'un Conseil de défense lundi "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" en Nouvelle-Calédonie.

L'exécutif avait à cette occasion décidé de mobiliser "pour un temps" des personnels militaires pour "protéger les bâtiments publics" et soulager ainsi les forces de sécurité intérieure, selon l'Elysée.

«Réparer le dialogue»

L'aéroport international de Nouméa reste toutefois fermé aux vols commerciaux jusqu'à samedi 09H00 (00H00 à Paris), a indiqué mardi le gestionnaire de la plateforme.

Le député calédonien non indépendantiste Philippe Dunoyer (Renaissance), qui plaide aussi pour un report du Congrès, dit "espérer que cette initiative permette d'entreprendre de renouer les fils du dialogue" mais "on ne peut pas tout faire en un mois et le Congrès ne peut pas se tenir avant le 27 juin".

"Ce n'est pas une manière de dire aux indépendantistes +vous avez gagné+, c'est au contraire une opportunité pour le dialogue qu'il faut saisir", a-t-il estimé auprès de l'AFP.

"Maintenant, il faut rassurer, apaiser et réparer le dialogue vers un accord global. Suspendre la réforme et nommer rapidement une mission de dialogue", a réagi sur X le député PS Arthur Delaporte, fustigeant le "temps perdu".

Son collègue LFI Thomas Portes a qualifié au contraire cette visite d'"irresponsable". "La colère ne va faire qu'augmenter avec ce déplacement monarchique".


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.