DENAIN: Il avait promis de partir « à la castagne » sans tarder pour le second tour: Emmanuel Macron a choisi de reprendre sa campagne lundi dans les Hauts-de-France, sur des terres populaires qui ont voté massivement Marine Le Pen au premier tour.
Le président-candidat a été accueilli aux quelques cris de « Anti-Macron! » ou « Macron démission », auxquels ses partisans ont répondu « Macron président! », à Denain (Nord), où la candidate du RN, député de la région, a recueilli 41% des suffrages dimanche.
« Est-ce qu'on a répondu assez vite et fort ? Non. Mais est-ce qu'il faut le repli ? Non plus », a-t-il indiqué, ajoutant être venu « expliquer la réponse sociale » de son projet.
« Comme il n'y a plus de front républicain, je ne peux pas faire comme s'il existait », a-t-il dit, ajoutant vouloir « convaincre » et « compléter », « enrichir » son projet avec une « méthode nouvelle ».
Auparavant, il a discuté avec les 150 habitants massés derrière des barrières, aussitôt interpellé sur le pouvoir d'achat, la retraite à 65 ans ou la santé.
Une électrice, qui a crié « Marine », lui reproche de « ne pas savoir ce que c'est d'être ouvrier. On en est malade de votre réforme, il faudra un déambulateur pour travailler! ». Il répond en citant ses mesures pour le pouvoir d'achat. « Dire que je n'ai rien fait pour Denain, c'est faux ».
« J'ai voté pour vous (en 2017) mais je le regrette. Vous n'aimez pas beaucoup les retraités », renchérit une femme. Pas loin, un homme lui explique, au contraire, avoir voté PS en 2017, puis « pour vous et je ne le regrette pas ».
« Je parlerai à tous les candidat dans les prochaines heures », a-t-il assuré, évoquant aussi son souhait de créer une « commission de rénovation de notre démocratie ».
Après Denain, l'une des villes les plus pauvres de France et ancien fief de gauche, le candidat En Marche est attendu dans l'après-midi à Carvin, dans le bassin minier, puis à Lens, deux villes ayant elles aussi massivement voté pour Mme Le Pen avec environ 40% des voix. L'insoumis Jean-Luc Mélenchon la suit avec 22 à 29% des suffrages, le reléguant en troisième avec 15 à 20%.
Accusé d'avoir été trop absent avant le premier tour, M. Macron a décidé de multiplier les visites, avec plusieurs déplacements dès cette semaine, qui devrait se conclure par un meeting à Marseille.
Il a retenu les leçons de 2017, quand il était resté quasiment invisible durant deux jours après le premier tour. Sa campagne avait redécollé le mercredi avec un déplacement rocambolesque à Amiens, où Mme Le Pen avait tenté de le devancer en se rendant sur le parking de l’usine Whirlpool occupée par ses salariés.
« Beaucoup de colère »
En se rendant sur les terres de son adversaire, il s'agit donc pour lui de prouver qu'il ne délaisse pas les classes populaires, plutôt acquises à Marine Le Pen, alors que l'image de « président des riches » lui colle à la peau.
« J'ai vu beaucoup de jeunes qui disent : 'j’ai voté M. Mélenchon'. J’essaie les convaincre », dit-il.
« La revalorisation de la retraite minimale, ce n'est pas un chèque en blanc. On parle de la retraite à 65 ans et pas de ce que qu'elle va financer », a-t-il déclaré. « On peut pas promettre des mesures sociales sans les financer », a-t-il insisté, « le projet de Mme Le Pen ne tient pas la route ».
« Ici, il y a beaucoup de colère, Denain a été beaucoup oublié. Par rapport au chômage, à la pauvreté. Il doit aller plus vite », témoigne Joëlle Soula, retraitée de 70 ans.
Mais pour Sébastien Chenu, le député RN de la circonscription, « cette façon qu'a Emmanuel Macron de venir sur un territoire qu'il a contribué à abîmer est un peu cynique ». Il l'accuse, sur LCI, de « fanfaronner en venant dire aux gens qui ont du mal à boucler les fins de mois : ‘Croyez en moi’ ».
Face à ces critiques, la maire socialiste Anne-Lise Dufour Tonini se déclare plutôt satisfaite de l'action du gouvernement, qui »a injecté 45 millions d'euros » en cinq ans. En 2020, Le groupe Lesaffre (agro-alimentaire) a prévu d'installer une unité de production, un projet aidé par le gouvernement.
Mardi, M. Macron a prévu de faire campagne à Mulhouse et Strasbourg, deux villes ayant porté dimanche M. Mélenchon en tête avec 35-36% des suffrages.
Pour l'emporter au second tour, il doit convaincre un maximum d'électeurs de gauche de voter pour lui. « Nous allons continuer à déplier le projet, en soulignant l’importance de ce vote, ce qu'est vraiment le programme de Marine Le Pen et aussi expliquer ce qu'Emmanuel Macron veut faire pour la jeunesse Sur l’écologie », explique son entourage.