PARIS: La conquête par la Russie de l'Est de l'Ukraine et notamment des deux provinces du Donbass, objectifs annoncés de Moscou, passera par des combats urbains et insurrectionnels meurtriers, longs et dont l'issue dépendra aussi de l'aide occidentale.
Après un début d'offensive raté fin février, les forces russes assument désormais de porter leur effort à l'Est du fleuve Dniepr, qui coupe le pays en deux et pourrait marquer la limite des actuelles ambitions russes, selon des experts occidentaux.
"L'ennemi a presque terminé sa préparation pour un assaut sur l'est. L'attaque aura lieu très prochainement", a averti lundi le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianik.
L'armée ukrainienne dit s'attendre à une offensive russe dans l'est «très prochainement»
L'armée ukrainienne a dit lundi s'attendre à une offensive russe "très prochainement" dans l'est, devenu la cible prioritaire du Kremlin après le retrait des troupes russes des régions du nord du pays et des alentours de Kiev.
"Selon nos informations, l'ennemi a presque terminé sa préparation pour un assaut sur l'est. L'attaque aura lieu très prochainement", a averti lors d'une conférence de presse le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianik.
"Nous prédisons que des combats intenses se tiendront dans ces territoires dans un futur proche", a-t-il souligné. "Nous ne pouvons pas prévoir quand cela aura lieu (exactement), ce sont des informations de sources occidentales."
"L'armée ukrainienne est prête", a toutefois assuré le porte-parole.
Après avoir revu ses plans à la baisse et retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l'Ukraine, Moscou a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dans l'est, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Des analystes estiment que le président russe Vladimir Poutine veut obtenir une victoire dans le Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis.
Sur le terrain, les troupes ukrainiennes renforcent leurs positions en prévision de cette potentielle future offensive, creusant de nouvelles tranchées ou minant le bord des routes.
Alors que la population tente de fuir les régions orientales de l'Ukraine pour échapper à la bataille qui s'y annonce, les frappes aériennes et les bombardements continuent, ayant fait au moins 11 morts dimanche à Kharkiv (est).
Vendredi, toujours dans l'est, 57 personnes dont cinq enfants ont été tués dans une frappe attribuée à un missile russe sur la gare de Kramatorsk.
De son côté, le ministère russe de la Défense a accusé dimanche les Ukrainiens et les Occidentaux de provocations "monstrueuses et sans pitié" et de meurtres de civils à Lougansk, "capitale" de l'une des régions séparatistes prorusses.
Le Donbass en priorité
Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l'Ukraine, Moscou a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Le Kremlin, de façon assumée, entend mettre la main complète sur les districts frontaliers de Lougansk et Donetsk avant le 9 mai, anniversaire de la défaite nazie contre l'armée soviétique en 1945.
"Les forces russes continuent à mener des attaques limitées à Marioupol et au Nord du Donbass tout en se préparant à pousser plus activement à partir d'Yzioum en direction de l'Ouest du bastion Sloviansk-Kramatorsk", confirme l'ancien colonel français Michel Goya sur Twitter.
"On devrait assister à un palier des opérations" au 9 mai, "les deux adversaires manquant de capacités offensives pour modifier significativement la ligne de front".
Des offensives russes se poursuivent sur les villes de Rubizhne, Popasna et Severodonetsk.
Objectif Dniepro ?
Les Russes disposent de positions qui ne se limitent pas au seul Donbass. Elles continuent de pilonner Marioupol (sud), qui n'a pas encore cédé, et semblent s'intéresser à l'ensemble du territoire à l'Est de Dniepro.
La ville, riche en industries, est la quatrième du pays et "constitue un objectif politique et militaire" pour les deux belligérants, estime Mick Ryan, général américain à la retraite, selon qui Moscou sera tentée de "fixer les forces ukrainiennes dans le Donbass tout en essayant de les envelopper en avançant sur Dniepro".
"Les deux seront des batailles sanglantes".
Au delà des seules opérations militaires, les forces russes tentent de mettre la main sur les administrations et des structures de gouvernance pérennes dans les territoires qu'elles contrôlent.
Guerre urbaine et insurrection
Les premières semaines de la guerre l'avaient déjà montré, les combats risquent de se figer autour d'objectifs urbains et virer à l'insurrection. Deux évolutions qui prélèveront un lourd tribut dans les deux camps.
Les Russes "vont devoir rentrer dans les villes du Donbass, ça va leur coûter cher", relève une source militaire occidentale, qui estime que 60.000 soldats russes ont quitté le front nord pour rejoindre cette région.
Quelque 40.000 soldats ukrainiens aguerris, entraînés, équipés y sont déployés. "On s'engage sur quelque chose de très long. Or, on ignore quelle est la capacité des Ukrainiens à tenir dans la durée", estime-t-elle. Et "s'ils perdent ces hommes dans le chaudron, les Ukrainiens ne pourront plus s'opposer dans la durée".
James Dobbins, analyste de la RAND corporation à Washington, constate pour sa part que le "commandement ukrainien a déjà commencé à former un mouvement de résistance pour combattre derrière les lignes ennemies". Un site web fournit même "des conseils aux citoyens ordinaires qui veulent s'engager dans la résistance".
Issue incertaine
Les forces russes semblent supérieures avec leur redéploiement dans l'Est. Mais les Ukrainiens ont des raisons essentielles de vouloir tenir et s'appuient notamment sur un sentiment patriotique fort derrière le charisme du président Volodymyr Zelenski.
"Si les forces russes font une percée dans l'Est ou sont capables d'avancer jusqu'à Dniepro, nous pourrions assister à un changement dans la dynamique de la guerre", estime le général Ryan.
Mais "l'expérience montre que les campagnes insurrectionnelles peuvent durer des décennies(et) que l'aide étrangère et un sanctuaire adjacent sont essentiels pour le succès de l'insurrection", rappelle de son côté James Dobbins.
Moscou entretient en tout cas à la fois des objectifs urgents à l'approche du 9 mai et d'autres à plus long terme avant d'accepter éventuellement des négociations. Dans les deux cas, rien n'est joué.
"On ne voit pas comment (les Russes) pourraient créer suffisamment de points de contact victorieux pour l'emporter dans cette offensive du printemps", écrit sur son compte Twitter Michel Goya.
"L'aide occidentale est évidemment essentielle qu'il s'agisse du renseignement, des équipements légers modernes (missiles, drones ndlr) ou des équipements plus lourds".