PARIS: L'échec cuisant de Valérie Pécresse (LR) et d'Eric Zemmour (Reconquête) au premier tour de la présidentielle, très loin du duo Macron/Le Pen, sonne le glas de leurs mouvements, condamnés à se réinventer, se recomposer ou disparaitre.
Coup de tonnerre ou coup de grâce pour LR ? Les droites vont-elles prendre le virage de l'union comme le veut Eric Zemmour ? Quelle dynamique apportera l'électorat Reconquête à Marine Le Pen au second tour ? Emmanuel Macron va-t-il confirmer son OPA sur la droite modérée ?
Les scores du premier tour comportent davantage de questions que de réponses. Seule certitude: cette première manche acte le naufrage des deux candidats qui se rêvaient outsiders, Eric Zemmour et surtout Valérie Pécresse, victimes du vote utile.
Créditée de 5% ou moins, la candidate LR enregistre un score qui marginalise son camp, loin des 20,1% de François Fillon en 2017. Arrivée derrière Eric Zemmour qui a récolté autour de 7% des voix, Valérie Pécresse risque même de ne pas se faire rembourser ses frais de campagne.
"C'est une défaite historique pour la droite républicaine. Nous devons en tirer toutes les conséquences", a laissé tomber Eric Ciotti, finaliste malheureux de la primaire LR.
"Avec la défaite Fillon en 2017, il était possible d'arguer un accident. Mais depuis cinq ans, LR s’est contenté de choses extrêmement générales ou des idées des autres, notamment celles de la droite radicale ou extrême. On a contenté un peu tout le monde avec un consensus mou", expose le politiste Emilien Houard-Vial.
A peine l'humiliation digérée, LR doit gérer l'épineuse question de la consigne de vote pour le second tour qui opposera Emmanuel Macron et Marine Le Pen: "ni-ni" ou barrage contre l'extrême droite dans le sillage de ce que l'ex-président Jacques Chirac avait toujours défendu.
En toile de fond du "front républicain" se pose pour LR la question de l'unité d'un parti miné par les forces centrifuges du macronisme et de l'extrême droite, entre économie et identité nationale.
Disparition du clivage
La candidate LR a annoncé son intention de voter "en conscience" pour Emmanuel Macron. Figure de l'aile droite du parti Eric Ciotti a affirmé qu'il ne voterait pas pour le président sortant.
Mais que valent les consignes d'un parti dont le poids électoral est réduit à peau de chagrin ?
Marine Le Pen, qui a théorisé "la disparition du clivage droite-gauche remplacé par le véritable clivage entre les nationaux et les post-nationaux", ambitionne d'incarner un vaste front anti-Macron. Mais c'est à droite et surtout à l'extrême droite (30% du vote dimanche) qu'elle peut espérer d'importants reports de voix.
Elle "ne pourra gagner que si elle ne va pas de ce côté-là de l'échiquier politique", a mis en garde le maire de Béziers, Robert Ménard, proche du RN.
Eric Zemmour a clairement appelé à voter en sa faveur. Son électorat attiré par son discours violemment anti-islam et identitaire devrait très largement se reporter sur elle bien que l'ex-polémiste n'ait cessé d'étriller la candidate RN "qui ne gagnera jamais". Il a aussi attiré de nombreux cadres et figures du RN déçus du "marinisme", et non des moindres comme Marion Maréchal, la nièce de la candidate et petite-fille de Jean-Marie Le Pen.
Après des débuts tonitruants, M. Zemmour a perdu son pari présidentiel mais son projet de réactiver le vieux rêve de l'union des droites veut s'inscrire dans la durée. Il a déjà ouvert la porte à une candidature aux législatives.
Accusé d'avoir braconné chez LR une partie de son programme présidentiel, Emmanuel Macron "est de fait devenu la figure centrale de la droite française", analysait l'historien Pierre Rosanvallon dans Libération.
Jean-François Copé (LR) qui votera Emmanuel Macron l'a enjoint à "un nouveau pacte gouvernemental (où) la droite de gouvernement soit associée".
Son ex-Premier ministre à la tête de son nouveau parti Horizons, Edouard Philippe, rêve de muscler la jambe droite de la majorité avec 2027 en ligne de mire.
"LR verra une moitié de ses troupes partir vers Emmanuel Macron et une autre se dire que peut-être il est temps de recomposer la droite sur une ligne plus dure", a pronostiqué le politologue Jean-Yves Camus. Les législatives seront une étape décisive. En coulisses, les couteaux sont déjà aiguisés.