PARIS: En tête des suffrages dimanche soir avec un meilleur score qu'il y a cinq ans, Emmanuel Macron a réussi son pari du premier tour en devançant nettement Marine Le Pen, mais devra réussir à rassembler un électorat fracturé pour espérer être réélu.
Pour la première fois depuis vingt ans, le président sortant arrive en tête du premier tour et, pour la première fois depuis plus de quarante ans, les Français ont choisi pour le second tour le même duel que lors de la précédente élection présidentielle.
En recueillant de 28,1% à 28,4% des suffrages exprimés, Emmanuel Macron est dans l'étiage haut que les instituts de sondage lui promettaient en fin de campagne, supérieur à son score de 2017 (24,01%).
Une satisfaction? Si les mêmes analystes tablaient il y a encore un mois sur un potentiel de plus de 30% des voix pour le président sortant, un temps bénéficiaire d'un "effet drapeau" lié à la guerre en Ukraine, l'état-major de la macronie ne faisait pas la fine bouche dimanche soir après des derniers jours jugés compliqués.
"Emmanuel Macron a bien tenu, on se retrouve dans une meilleure configuration", s'est réjoui le sénateur LREM François Patriat, au milieu de centaines de militants tout sourire.
Présidentielle: Edouard Philippe veut faire campagne activement pour Macron
L'ancien Premier ministre Édouard Philippe a appelé dimanche à voter pour Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle, ajoutant qu'il entendait "faire campagne activement" pour le président sortant, qui devance Marine Le Pen à l'issue du premier tour.
"Les Français ont placé Emmanuel Macron en tête au premier tour de l'élection présidentielle et je m'en félicite", a réagi M. Philippe dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
Le maire du Havre salue "le bon score du président de la République qui le place dans les meilleurs dispositions pour le second tour".
Faire du terrain
Les Cassandre en sont pour leurs frais: malgré une campagne jugée tardive, poussive et sans entrain, au positionnement incertain, la mauvaise surprise crainte par de nombreux cadres de l'équipe de campagne n'a pas eu lieu.
"Il est nécessaire d'aller à la rencontre des électeurs, de faire du terrain", a toutefois exhorté le ministre délégué chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, quand la parcimonie avec laquelle le candidat favori a consenti à faire des déplacements avant le premier tour a pu surprendre.
L'appel semble avoir été entendu: Emmanuel Macron sera dans les Hauts-de-France lundi et un meeting géant est annoncé samedi à Marseille.
Emmanuel Macron est-il le favori pour le second tour? "Oui, mais", répondent certains lieutenants du président, tant la campagne d'entre-deux-tours s'annonce ouverte.
Car le paysage politique né de ce premier tour est inédit: d'abord, la faiblesse historique du Parti socialiste, des Républicains, mais aussi des Verts, laisse entrevoir un "front républicain" dégarni.
Et, si Jean-Luc Mélenchon a lancé à plusieurs reprises un "pas une seule voix à Mme Le Pen", il n'a pas fermé la porte à un vote blanc, mécaniquement favorable à la candidate du RN.
C'est ainsi sur l'électorat mélenchoniste que lorgnent désormais plusieurs ténors macronistes.
La CFDT appelle à battre le RN en votant pour Emmanuel Macron
"Cet appel ne vaut ni approbation du bilan du président sortant ni adhésion à son programme", a ajouté la confédération.
"Malgré une volonté affichée de dédiabolisation, le Rassemblement national n'a fondamentalement pas changé. Son programme politique centré sur la discrimination entre les citoyens, le repli sur soi et le rejet de l'autre, y compris en modifiant la Constitution, ses accointances internationales avec les autocrates, sa détermination à saper l'Europe sont un danger pour la démocratie", dénonce la CFDT.
Pouvoir d'achat
"Il y a des choses à remettre en perspective, en avant, dans le programme", soufflait-on dimanche soir dans l'entourage d'Emmanuel Macron, en énumérant les mesures à destination "des familles monoparentales, des étudiants, des précaires".
"La question, c'est être le plus clair possible pour être le plus rassembleur", ajoutait-on, alors que le président sortant a appelé lors d'une allocution depuis son QG de campagne à fonder, au-delà des "différences", "un grand mouvement politique d'unité et d'action", en disant vouloir "tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France".
Marine Le Pen peut de son côté compter pour la première fois sur une réserve de voix substantielle, puisqu'Eric Zemmour (environ 7%) a appelé à voter pour la candidate d'extrême droite.
Plus généralement, le camp Macron s'est inquiété ces dernières semaines, à mesure que Mme Le Pen montait dans les sondages, de voir la fille de Jean-Marie Le Pen parvenir à corriger une image jusqu'alors clivante, au profit de celle d'une femme d'Etat.
Pour les macronistes, il s'agit d'abord de capitaliser sur un bon score pour lancer une nouvelle dynamique.
Sur le fond, les partisans du chef de l'Etat entendent surtout rappeler les fondamentaux d'extrême droite de Mme Le Pen et ses amitiés passées avec Vladimir Poutine et présentes avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
"Je veux une France qui s'inscrit dans une Europe forte, qui continue de nouer des alliances avec les grandes démocraties pour se défendre, pas une France qui, sortie de l'Europe, n'aurait pour seuls alliés que l'internationale des populistes et des xénophobes", a clamé dimanche M. Macron.
De même, la vision économique de Marine Le Pen doit alimenter un procès en incompétence: "Je mettrai toutes mes forces pour convaincre chacun que le seul projet pour le pouvoir d'achat c'est le nôtre, que le seul projet crédible contre la vie chère, c'est le nôtre, que le seul projet des travailleurs c'est le nôtre", a tonné le président sortant.
Point d'orgue de ces deux visions du monde: le débat d'entre-deux-tours, prévu le 20 avril. "Mais ça ne pourra pas être pire que la dernière fois, donc on dira qu'elle a été meilleure", craint un proche du chef de l'Etat.