PARIS: Les Français d’origine libanaise sont peu nombreux et ils ne constituent qu’une toute petite minorité en comparaison avec les autres communautés issues de l’immigration en France: ils sont à peine un peu plus de cent mille.
Intégrés, bien perçus, ils ne font pas de vagues. Surtout, ils sont l’incarnation de cette amitié indéfectible qui lie la France et le Liban.
En bons petits soldats, ils se mobilisent pour les échéances électorales et vont aux urnes pour exercer leur droit de citoyens, mais aussi parce que la France et son président ont un poids et un rôle à jouer au niveau politique libanais.
Alors, à la veille du scrutin présidentiel, dont le premier tour a lieu ce dimanche 10 avril, ils ont bien sûr l’intention d’aller voter.
Ils votent en leur âme et conscience, selon leurs affinités, voire leur sympathie pour tel ou tel candidat, mais souvent, aussi, en fonction de paramètres tels que leur appartenance confessionnelle ou leur appartenance sociale.
Traditionnellement, les Libanais de France votent à droite, affirme l’ancien président de l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM) Antoine Abdel Massih, «parce que,traditionnellement, la France a été gouvernée à droite et on a tous en mémoire le général de Gaulle, le président Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing». En outre, les circuits d’amitié entre le Liban et la France étaient dirigés par des gens de droite.
C’est moins vrai aujourd’hui, parce que la carte politique française a changé: la droite et la gauche ne sont plus ce qu’ils étaient.
«La force la plus importante, actuellement, est le centre droit incarné par le président,Emmanuel Macron, avec l’émergence des forces extrémistes, à droite comme à gauche»,constate-t-il.
Les sondages donnent Macron en position de tête avec 28,5% d’intentions de vote, maisl’écart se resserre entre le président sortant et Marine Le Pen, en progression, créditée de 22%.
En troisième position, le candidat de La France insoumise (extrême gauche), Jean-LucMélenchon, est crédité de 15%, contre 9,5% pour le candidat de Reconquête! (extrême droite), Éric Zemmour, et 8,5% pour la candidate des Républicains, Valérie Pécresse.
Cette répartition des intentions de vote bouscule les Français d’origine libanaise dans leur choix électoral et les fait osciller d’abord entre Macron et Pécresse, puis entre Le Pen et Mélenchon pour les extrêmes.
Rita, retraitée aisée, se dit de droite. «J’ai toujours été de droite, et je vote à droite», confie-t-elle ainsi. Toutefois, pour ces élections, «pas question de jouer avec le feu», affirme-t-elle:elle votera Macron dès le premier tour. Pour elle, le barrage républicain, c’est tout de suite, car le désordre s’est installé au Liban. Il est donc inutile qu’une autre pagaille se répande en France.
Élie, journaliste, estime que la pagaille est déjà là, avec «des risques grandissants d’attentats terroristes “low cost”». Il a donc comparé minutieusement les programmes des candidats.
De son point de vue, la gauche minimise les dangers de l’islam radical. En revanche, Le Pen,toujours stricte vis-à-vis de ce dernier, s’est beaucoup adoucie. «Elle a mis de l’eau dans son vin», observe-t-il. Il estime toutefois que Macron est le plus convaincant et le plus structuré et, «si on lui donne la possibilité de faire un second mandat, il sera en mesure de réaliser son projet».
Nada, jeune architecte, est née dans une famille de gauche. Elle-même vote à gauche. Pas question pour elle de donner sa voix à un candidat des riches (Macron) sous prétexte qu’il a Le Pen en face de lui. Pour la jeune femme, c’est tout simple: si aucun candidat de gauche ne se maintient au second tour, elle n’ira pas voter.
Hadi, autoentrepreneur, ne vit pas en banlieue, mais au centre de Paris. Pourtant, il a l’intention de voter pour Le Pen parce qu’il veut de l’ordre et qu’il refuse que des territoires entiers échappent à la république. Il ne veut plus que de jeunes délinquants se lancent dans des trafics en tout genre et fassent la loi dans leurs quartiers au lieu de prendre le chemin de l’école, puis celui du marché du travail. Selon lui, seule Le Pen peut mettre un terme à cette situation aberrante, d’autant plus qu’il s’agit de jeunes qui disposent d’un accès gratuit à l’enseignement.
Il est donc difficile de parler d’un choix électoral clair de la part des Franco-Libanais: si une tendance générale se dégage, leur vote reste multiple. Cette multiplicité explique l’échec des tentatives qui ont eu pour objet de réunir les Libanais dans un bloc susceptible de peser lors des échéances électorales.
«Nous ne sommes pas comme tout le monde, malheureusement», déplore le président de l’association Hommes d’affaires libanais de France, Antoine Menassa. «Les Libanais sont divisés; ils le sont en France, tout comme ils le sont au Liban.» S’unir pour peser en tant que groupe au moment des échéances électorales n’est donc pas une tâche facile.
L’association, indique Menassa, a été approchée par différents candidats pour organiser des rencontres électorales, mais nous avons préféré nous abstenir.
«On ne peut pas se permettre de nous lancer dans de telles initiatives, vu la nature de la campagne électorale actuelle», estime-t-il. «Nous ne pouvons pas inviter Marine Le Pen ni tel ou tel candidat» – d’autant que le président sortant s’est beaucoup occupé du Liban.
«Ce serait indélicat» de rencontrer ses concurrents dans la course à l’Élysée, souligne Menassa.
Zemmour tenterait-il de séduire?
Dans une lettre attribuée à Éric Zemmour, adressée au patriarche maronite Béchara Raï, le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle française promet que « président, il sacralisera le lien affectif entre la France et le Liban » :
« Votre Béatitude,
La France et le Liban sont liés par un lien profond et historique. Le peuple libanais est francophile et beaucoup de Libanais considèrent la France comme leur deuxième mère. Le Liban occupe dans le cœur de la plupart des Français une place particulière.
Ce lien fort et unique se manifeste notamment à travers la diaspora libanaise en France qui compte 200 000 personnes, parfaitement assimilées, lesquelles contribuent par leur travail et leur énergie, à la création de valeur en France », aurait notamment écrit Éric Zemmour, affirmant: « La France que je présiderai pèsera de tout son poids pour appuyer votre action et réunir une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, afin de rétablir cette neutralité qui permettra de restaurer la stabilité et ramener la prospérité (NDLR : au Liban)», et ajoutant pour conclure : « Nous mettrons tout en œuvre pour refaire du Liban « la Suisse de l’Orient » qu’il fut jadis ».